Leonard Woolf

De Leonard Woolf, son ami E.M. Forster disait « Quelle vie il a eue, et comme il l’a bien menée ! ». Peu de gens connaissaient Leonard aussi bien que l’auteur de La Route des Indes. Ils ont été étudiants ensemble à Trinity College (Cambridge), membres de la très élitiste Société des Apôtres et du groupe de Bloomsbury, et ils sont restés amis intimes pendant 70 ans.

Leonard est connu et étudié dans le monde anglo-saxon, où ses livres n’ont jamais cessé d’être réédités. Les universitaires anglais, américains, canadiens ... et sri-lankais publient régulièrement livres et articles sur sa vie et son oeuvre. Mais pour les "woolfiens" français Leonard Woolf n’est que le mari de Virginia ... et, pour les plus érudits d'entre eux, le fondateur de la mythique Hogarth Press, cette maison d'édition unique par son fonctionnement souvent acrobatique et par la qualité matérielle et intellectuelle de sa production.

Les amateurs d’histoire de l’art et des idées (littéraires et économiques) sont fascinés par Bloomsbury, et considèrent Leonard comme un personnage digne d’intérêt, mais éclipsé par sa femme et les autres vedettes du groupe : John Maynard Keynes, Lytton Strachey, Vanessa Bell, Duncan Grant, E.M. Forster ou Roger Fry. Quant aux politistes, ils retiennent de lui ses travaux sur les Relations internationales, notamment dans le domaine longtemps négligé de l'Economie politique internationale, et surtout son action et ses écrits en faveur de la Société des Nations … mais nombreux sont ceux qui considèrent que la SDN fut un échec, et avoir contribué efficacement à un échec n’est pas un titre de gloire inoubliable. Leonard ne se faisait lui-même aucune illusion sur les retombées réelles de ses nombreux travaux, mais il a donné comme titre au dernier tome de son autobiographie "The Journey, not the arrival, matters" (une phrase de Montaigne qu'il a souvent reprise à son compte). Et même s'il a travaillé 200 000 heures dans sa vie (le calcul est de lui) pour infléchir de façon extrêmement marginale la vie politique britannique et internationale, ça valait le coup de le faire, pour la stimulation intellectuelle, pour les amis, pour les grandes causes qu'il a défendues ... et avant tout pour le plaisir de lire, d'écrire et de débattre.

C'est donc une erreur grave que de ne considérer Leonard que comme « Monsieur Virginia Woolf ». Figure de premier plan de l’intelligentsia de gauche en Grande Bretagne entre la première guerre mondiale et la fin des années 1960, il a laissé une œuvre inégale mais passionnante. Amoureux fou de la Grèce antique, Juif athée connaissant parfaitement la Bible, anticonformiste, curieux de tout et ouvert à toutes les expériences, doté d’un sens de l’humour très supérieur à la moyenne, même selon les standards anglais, c'était une personnalité très attachante, que j'espère réussir à faire connaître en France.

Virginia et Leonard en 1926

Photographie de Vita Sackville West

J'ai esquissé un site consacré à Leonard Woolf. Il est encore embryonnaire, mais néanmoins plus complet que les quelques lignes ci-dessus. Pour le voir, cliquer sur : Site Leonard