Sacha Houcke
Version française de l'article original publié dans le magazine allemand Circuszeitung 2/2014
Sacha Houcke compte parmi les plus grands dresseurs actuels, et l’un des plus polyvalents : il a dressé un nombre impressionnant d’animaux différents (éléphants, chevaux, rhinocéros, hippopotame) et fait partie des rares personnes à chevaucher une girafe (Knie, 1995). Après avoir travaillé dans les plus grands cirques (Knie, Barnum), Sacha Houcke partage depuis 2012 son temps entre un spectacle équestre en résidence et des galas. C’est à l’occasion de son engagement au Cirque de Noël de Genève (famille Van Gool) que nous avons eu l’occasion de le rencontrer.
Sacha Houcke (né en 1951) appartient à une grande dynastie du cirque, apparentée aux Rancy, dont on connaît surtout Sacha Houcke senior (1923-1989), son père, et son oncle Gilbert (1918-1984), célèbres dresseurs de chevaux (Sacha) et de fauves (Gilbert). Le jeune Sacha résidait dans un pensionnat en France mais passait toutes ses vacances auprès de ses parents au cirque Knie. C’est là qu’il a appris le dressage auprès de son père Sacha et de Frédy Knie senior, deux personnes qui restent aujourd’hui ses modèles, avec son oncle Gilbert.
Même si travailler au cirque et avec les animaux était pour Sacha Houcke une évidence, il se lance pourtant dans l’apprentissage d’une profession suite à l’insistance de son père qui le dissuadait de faire du cirque son métier (on était dans les années 60 et le cirque connaissait alors une crise). Mais c’est un échec et Sacha Houcke rejoint une troupe de cosaques (la troupe de Pierre Pakhomoff) avec laquelle il parcourt la France de 1969 à 1972. Suit en 1972 un contrat au Casino de Beyrouth (spectacle de variétés-music-hall) qu’il doit malheureusement interrompre lorsqu’éclate la guerre du Liban en 1975. Sacha est alors engagé par le cirque Knie, notamment pour présenter les animaux de Knie à l’étranger. Suivront d’autres engagements dont l’un de dix ans chez Simoneit (Barum) en Allemagne, où il aura l’occasion de travailler avec des fauves, sans pour autant les présenter.
En 1994, retour chez Knie où il est engagé suite au départ de Louis Knie pour travailler avec les éléphants en compagnie de Franco Knie. Il y présentera aussi des numéros d’exotiques (à cette époque Knie possédait encore un rhinocéros et une girafe). Après plusieurs sollicitations du cirque américain Barnum, Sacha Houcke accepte de partir pour les Etats-Unis en 2001. Là, outre le dressage et la présentation des animaux de Barnum (10 éléphants, une vingtaine de chevaux et une vingtaine d’exotiques-zèbres et chameaux), il a pour mission d’améliorer les conditions de vie des animaux. En effet, par rapport à l’Europe, et notamment à Knie, l’Amérique est encore en retard concernant le bien-être des animaux de cirque : les éléphants y sont encore enchaînés toute la journée et la taille des boxes de tous les animaux est encore insuffisante. Lorsque Sacha Houcke quitte Barnum en 2007, il a mis en place un système « à la Knie ». Du cirque en Amérique, Sacha H. retient surtout le gigantisme, avec des spectacles qui se jouent dans des salles de 10'000 à 30'000 spectateurs, ce qui fait forte impression lors des premières entrées en piste !
En 2007, Sacha Houcke revient en Europe pour relever un autre défi, celui de reprendre en main les deux éléphantes du cirque Pinder, Saba et Dehli, qui n’ont plus travaillé depuis plusieurs années. Ces années Pinder ne laisseront toutefois pas un très bon souvenir à Sacha Houcke qui déplore la dérive commerciale de Pinder et son manque de préoccupation pour le bien-être de ses animaux. S. Houcke quitte Pinder en 2011. Depuis, Sacha Houcke n’effectue plus de tournée mais partage son temps, avec sa compagne Gaby Dew, dresseuse connue notamment pour son numéro de La Poste, entre des galas, des festivals durant l’hiver, et un spectacle équestre en résidence pendant l’été.
Durant la belle saison en effet, Sacha Houcke et Gaby Dew sont installés avec leurs onze chevaux et leurs trois poneys au haras national de Montier-en-Der, près de Troyes (France, région Champagne-Ardennes). Pendant trois mois, ils y présentent trois fois par semaine, sous chapiteau, un spectacle équestre de deux heures, agrémenté d’un numéro comique et d’un numéro aérien. Avec ce projet, Sacha Houcke réalise une partie de son rêve qui était d’avoir son propre cirque. Il y accueille également des personnes pour des stages (deux stagiaires participaient au Cirque de Noël de Genève). Durant l’été, le quotidien est rythmé par deux à trois heures de répétitions et par du travail administratif (cette part revient surtout à Gaby Dew).
Actuellement, Sacha Houcke travaille avec des chevaux mais le contact avec les éléphants lui manque : selon lui, c'est un animal pour lequel on arrive à avoir un plus grand attachement et former une véritable équipe. Le travail avec les chevaux est plus difficile et demande plus de répétitions, alors que pour un éléphant ou un fauve, une fois qu’ils ont appris leur numéro, il y a moins besoin de répéter. Et Sacha Houcke de citer son père : « le jour où tu peux dresser un cheval, tu peux tout dresser ». Nul doute que Sacha Houcke a franchi ce cap lui qui a dressé hippopotame, girafe, rhinocéros et autres exotiques, animaux qui se raréfient aujourd’hui dans les cirques. Pour Sacha Houcke, cela fait partie de l’évolution et même si c’est dommage dans un sens, ce n’est pas un grand mal, notamment parce que dans le trois quart des situations, les établissements qui possèdent de tels animaux ne peuvent pas leur garantir des conditions de vie adéquates. Il serait favorable à un comité d’experts qui décide de cas en cas qui peut avoir de tels animaux, suivant leurs capacités réelles. En matière de dressage, Sacha Houcke définit la patience, la compréhension de l’animal et l’expérience comme les qualités essentielles d’un bon dresseur et place dans son palmarès des meilleurs dresseurs les membres de la famille Knie loin devant les autres.
Le peu de temps libre que ses chevaux lui laissent, Sacha Houcke le consacre à des visites à ses deux filles Sarah et Karin engagées au cirque Médrano (France) et à son petit-fils Sacha junior (fils de Sarah). Ses deux filles sont également de talentueuses dresseuses : Karin avec les chevaux et Sarah avec les fauves et les éléphants. Sarah a d’ailleurs été l’une des vedettes du cirque Barnum pendant plusieurs années.
François Beuret