2.3. Constituants


subtils (10 à 13)

10. shì 嗜 - jeu

Le jeu (shì, 嗜) fait découvrir l'effort Naturel (l'effort et le non-effort).

L’Art du Cœur se situe entre le divertissement et la discipline, bien que divertissement et discipline ont leurs mérites respectifs dans les domaines où ils s'appliquent. Le jeu dont il est question ici est le jeu de l’enfant avant 5 ans, le jeu auquel se livre les petits de toutes les espèces et qui est essentiel à tous les apprentissages de base.



« Le concept de jeu en tant que tel est d’ordre supérieur à celui de sérieux. Car le sérieux cherche à exclure le jeu, tandis que le jeu peut fort bien inclure en lui le sérieux » Johan Huizinga


Pour jouer, l’implication et l’abandon sont requis. Dans le divertissement, il y a trop d’abandon et pas assez d’implication. Dans la discipline c’est l’inverse, il y a trop d’implication et pas assez d’abandon. En fait, le divertissement développe l’abandon et la discipline développe l’implication. Le jeu, quant à lui, développe un équilibre, une synergie entre l’abandon et l’implication.



Si vous essayez d’en faire un jeu, vous vous apercevrez que l’esprit commence à se calmer, sans le moindre effort de votre part pour le contrôler.

Jiddu Krishnamurti


En ce qui concerne les disciplines, il faut délibérément les écarter parce qu’elles impliquent nécessairement quelqu’un qui veut discipliner quelque chose et « quelque chose » qui ne veut pas se laisser faire. Il y a donc toujours effort et conflit. Avant d’entreprendre une recherche en profondeur, il faut pouvoir regarder en soi-même. Cependant, ne pas s’analyser, se comparer ou s’évaluer, mais s’observer attentivement comme on observe un objet. Et lorsqu’on observe attentivement ce qui surgit, on se situe exactement et sans conflit.

Jean Klein



11. yì 意 - émanation du cœur

L'émanation du Cœur (, 意) révèle l'action Naturelle (l'agir et le non-agir).


Le Yi englobe l’Agir et le Non-agir. Le Non-agir n'est pas le contraire de l'Agir. Ce n'est ni de la passivité ni du renoncement, ni du désengagement. Il s'agit d'une harmonisation de l'Agir et du Non-agir.


À titre d’exemple, prenons l’entrée dans le sommeil où deux dynamiques s’exercent. Le Non-agir correspond au sommeil qui nous gagne tandis que l’Agir correspond à nos préparations au sommeil. L’un et l’autre sont non seulement nécessaires à l’entrée dans le sommeil, mais ils en forment les deux composantes indissociables et essentielles.



Le Dao pratique constamment le non-agir et (pourtant) il n'y a rien qu'il ne fasse.

Lao-tseu



12. zhì 志 - cohérence du cœur

La cohérence du Cœur (zhì, 志) révèle l'état Naturel.


Marque du Zhì, la vacuité englobe le concevable et l’inconcevable, le perceptible et l’imperceptible, le personnel et l’impersonnel.

Inconcevable

L’inconcevable pour l’intellect correspond au Non-dire, à la non-pensée et au silence; il est la racine du Dire, de la pensée, de la langue, de la culture et de la civilisation.

Plus d'information sur l'inconcevable :

Imperceptible

L’imperceptible pour les sens correspond au Non-manifesté, à l'invisible pour l’œil, à l'inaudible pour l’oreille, à l'inodore pour le nez, au sans saveur pour les papilles et à l'impalpable pour la peau ; il est la racine des sens : la vue, l’ouïe, l’odorat, le goûter et le toucher.



Quand les lettrés supérieurs ont entendu parler du Tao, ils le pratiquent avec zèle.

Quand les lettrés du second ordre ont entendu parler du Tao, tantôt ils le conservent, tantôt ils le perdent.

Quand les lettrés inférieurs ont entendu parler du Tao, ils le tournent en dérision. S'ils ne le tournaient pas en dérision, il ne mériterait pas le nom de Tao.


C'est pourquoi les anciens disaient :

Celui qui a l'intelligence du Tao paraît enveloppé de ténèbres.

Celui qui est avancé dans le Tao ressemble à un homme arriéré.

Celui qui est à la hauteur du Tao ressemble à un homme vulgaire.


L'homme d'une vertu supérieure est comme une vallée.

L'homme d'une grande pureté est comme couvert d'opprobre.

L'homme d'un mérite immense paraît frappé d'incapacité.

L'homme d'une vertu solide semble dénué d'activité.


L'homme simple et vrai semble vil et dégradé.

C'est un grand carré dont on ne voit pas les angles ; un grand vase qui semble loin d'être achevé ; une grande voix dont le son est imperceptible ; une grande image dont on n'aperçoit point la forme !


Le Tao se cache et personne ne peut le nommer.

Il sait prêter (secours aux êtres) et les conduire à la perfection.


LE LIVRE DE LA VOIE ET DE LA VERTU - Lao-Tseu

Traduit en français par Stanislas JULIEN (1797-1873)


Impersonnel

La vacuité pour l’ego correspond au non-duel, au vide, au frémissement et au mystère ; elle est la racine de l’espace, du temps, des processus, de la dualité et de la personne.



Tout ce qu'il y a est cela.


Tout ce qui se passe est simplement l'Unité. L'un s'exprimant. Et nous vivons et grandissons et sommes enseignés par d'autres gens qui vivent dans le même rêve, le rêve d'être séparé. C'est parce que fondamentalement nous nous sentons séparés, que nous sommes en recherche. Tout l'enseignement sur l'effort individuel renforce le sentiment qu'il y a un individu séparé devant obtenir quelque chose.


La libération est la réalisation qu'il n'y a personne.


Si ce qui est communiqué ici est réellement entendu, alors il y aura une perte. Il n'y a rien qui puisse être fait. Il n'y a pas une telle chose que le libre arbitre, le libre arbitre est seulement dans le rêve.

Ce message radical et rare peut être redécouvert. La libération est un changement énergétique de la contraction à l'illimité, à l'inconnaissance. C'est l'aventure de vivre dans la chute libre. C'est l'aventure de vivre simplement dans ce qui se passe, dans ce qui se passe apparemment.


Tony Parsons

Plus :

https://gilles-thibault.tumblr.com/post/180017946775/la-joie-de-limpersonnel-tout-ce-quil-y-a-est


La cohérence du cœur

Il ne s'agit pas de nier ou de combattre la pensée, les sens et l'ego mais d'éviter de perturber leur fonctionnement Naturel tout en procédant à la culture de la vacuité.



Voici mon expérience personnelle. Au bout de trois jours, je parvins à délaisser le monde extérieur (le monde du mental). Je continuai. Sept jours plus tard je pus délaisser les choses extérieures (le monde des sens). Je continuai pendant neuf jours encore et je pus délaisser ma propre existence (le monde de l'ego). Un beau matin j’eus la vision de l’unique.

Tchouang-Tseu



Observons un pianiste. Nous distinguons bien un esprit, des doigts et les touches du piano. Pourtant, pour le pianiste, l'esprit, les doigts et les touches du piano ne font qu'un.



13. xīn 心 - cœur

L’expression complète du Cœur (xīn, 心) révèle la source.

Le xīn (心) est le mystère, le début et la fin de tout ce qui existe, l'Unité. Il porte aussi le nom de Dào (Tào, 道) Mère de toute chose. Les douze autres constituants, d'une part invitent le Cœur et d'autre part révèlent le Cœur. Dans le premier cas, l'Art du Cœur s'apparente à une quête, une Voie. Dans le second cas, l'Art du Cœur devient une célébration, une Joie.


Premièrement, le corps et l’esprit fleurissent (forme, posture, manœuvre et phase).


Deuxièmement, le corps et l’esprit s’accordent (mouvement centré, alignement, détente, respiration et qì).

Troisièmement, le corps et l’esprit fusionnent (shì).


Quatrièmement, le corps-esprit et le monde s’accordent (yì).


Cinquièmement, le corps-esprit et le monde fusionnent (zhì).


L’Unité du corps-esprit-monde révèle le règne du xīn.


En Chine, il existe une expression équivalente à xīn fǎ (心 法), l’Art du Cœur, il s’agit de l’expression populaire kāi xìn (开 心) qui signifie littéralement « ouvrir Cœur » et qui a le sens courant de « s’ouvrir à la Joie ». Dans ce sens, le Dào est plus une Joie à découvrir qu'un chemin à parcourir. Détails.


L’Homme qui aime la Voie ne vaut pas celui qui trouve la Joie.

Confucius




Nous connaissons la vérité non seulement par la raison mais encore par le cœur. C’est de cette dernière sorte que nous connaissons les premiers principes et c’est en vain que le raisonnement, qui n’y a point de part essaie de les combattre.

Pascal

La joie est en tout; il faut savoir l'extraire.

Confucius


- - zhì - xīn


On confond souvent l’intention ( zhì) avec le Cœur (xīn) ou le Cœur avec l’intention, mais ils sont différents. Le Cœur est le maître de l’intention et l’intention est l’auxiliaire du Cœur.


Quand le Cœur se met en mouvement, l’intention commence. Quand l’intention commence, le souffle () la suit. Autrement dit ces trois éléments, le Cœur, l’intention et le souffle, sont en interaction. Quand le Cœur est dispersé, l’intention est en désordre. Quand l’intention n’est pas concentrée, le souffle est flottant.


Au contraire, quand le souffle s’enfonce, l’intention est ferme. Quand l’intention est ferme, le Cœur est stable. C’est pourquoi ces trois éléments s’emploient mutuellement et se trouvent dans une relation inséparable. Quand le souffle circule naturellement, il peut active le sang et en même temps animer l’esprit.


Jean Gortais, Tàijí quán, édition Le Courrier du Livre, 2009, p. 78-81.


Création d'Alain Ambrosi.


L’être humain (microcosme) est le résumé, la synthèse et la splendeur du monde (macrocosme).


L'être humain est le reflet du monde et vice versa.


Leurs correspondances mutuelles se révèlent grâce au taïjiquan à l'art du Cœur, lequel est semblable aux flots d'un long fleuve ou de la mer qui se meuvent continuellement et sans fin.