1944

1944 : la résistance passive ne suffit plus ; elle doit être armée pour jouer son rôle le moment venu. Camille adhère au réseau Buckmaster formé à Londres pour aider la résistance française. Francis Cammaerts (Roger) officier anglais d’origine belge est responsable du Sud-est. Son adjoint pour la Drôme est le capitaine Alain. Le groupe local est commandé par Aimé Baudet, originaire de Brette, garde forestier discret et courageux.

 

Le réseau est chargé de réceptionner les parachutages alliés destinés à armer la résistance. Les opérations sont annoncées de Londres par des messages. Pour la Servelle de Brette (terrain du Diois) : Les troupeaux monteront sur l’Alpe, répété trois fois, matin, midi et soir. Il faut alors équiper les charrettes ou les « gazos » (voitures munies d’un gazogène, long à allumer) monter à Brette, préparer des feux pour baliser le terrain, car cela se passe de nuit. Les containers largués renferment des armes, des munitions, des explosifs ; parfois, des couvertures, de l’argent, un peu de chocolat ou quelques cigarettes. On stocke tout rapidement dans une grotte avant le lever du jour. Ensuite, on le distribue aux différents groupes F.F.I (Forces Françaises de l’Intérieur, mouvement regroupant les différentes unités de résistance). Camille est chargé plus particulièrement de la répartition des armes, tâche délicate. Le groupe Baudet a ses caches dans l’usine de meubles Audra ou dans les cuves de la maison. Papa nous rapportait parfois de la toile de parachute en rayonne, très difficile à travailler car elle s’effilochait énormément. Cependant, avec Yvette, nous arrivions à nous confectionner quelques chemisiers très ordinaires. On tricotait même les cordages pour nous faire des chaussures !

 Juin 1944 : un jeu compliqué de messages permet aux initiés de prévoir le débarquement : « Les sanglots longs des violons de l’automne »... et, quelques jours plus tard : « blessent mon cœur d’une langueur monotone... » (Verlaine).

 6 juin, message d’Eisenhower : « Français, vos frères d’armes sont sur le sol français ! » C’est le débarquement des alliés en Normandie. Ordre d’insurrection générale. L’effervescence gagne la région. Les sabotages se multiplient : coupures de voies ferrées, de routes, de lignes à haute tension, etc.

Beaucoup de jeunes vont s’engager dans les maquis du Vercors. La fête des fiançailles d’Yvette, prévue pour le 11 juin, est annulée, Jacques Brunel montant dans le Vercors. Pour la cérémonie de la « confirmation » d’Édith, Papa est absent.

 Des « Comités de Libération Nationale » se créent. Celui de Die est dirigé par monsieur Werly, Camille en fait partie. La région Diois-Vercors se déclare « république libérée », tandis qu’à Valence apparaissent des affiches « Die, ville rebelle, sera durement châtiée ».

On est inquiet : Camille nous fait revenir avec Édith de Valence, où nous étions en pension. Comme des voies ferrées et des routes sont coupées, nous trouvons avec une petite équipe, un car jusqu’à Montmeyran, ensuite nous devons continuer à pied, parfois en charrette.