A tous ceux qui se reconnaîtront dans ces années.
La ville de Saint-Lô se relevait après un quasi anéantissement, des ruines de la guerre et la construction du Lycée LE VERRIER,sur les ruines d’un collège religieux, était un élément majeur de son relèvement car il allait permettre à sa jeunesse de se reconstruire.
J’avais neuf ans, à l’époque et après avoir subi avec succès l’examen d’entrée en sixième auquel seuls les meilleurs élèves de la classe de CM2 pouvaient se présenter, j’ai franchi avec une certaine appréhension, les premiers murs du Lycée LE VERRIER qui n’étaient pas encore définitivement terminés pour entrer en classe de sixième un peu en avance sur l’âge normal requis.
Le Lycée LE VERRIER était le premier lycée mixte du département. Vous vous rendez compte, un lycée mixte !!! dans une ville où les collèges privés filles comme garçons occupaient le monopole.. l’anathème !!!
Donc, je suis rentré en qualité de demi-pensionnaire sous les plâtres de l’entrée avant de connaître les stucs J’ai encore en mémoire les premiers jours dans un établissement secondaire, ce n’étaient pas les professeurs qui se déplaçaient mais les élèves qui allaient de classe en classe toutes les heures, ça changeait de l’école primaire
Les premières années furent réellement des instants de découverte, découverte de l’histoire d’abord car je n’avais jamais entendu parler de l‘Egypte antique mais nous avions un professeur passionnant et qui, de plus paraît-il était d’origine égyptienne comme sa femme la Surveillante Générale aussi dénommée « Surgée. »Après, il y eu la Mésopotamie ,la Grèce Antique et Rome. Beaucoup plus tard, j’ai eu l’occasion de visiter le Musée du Vaticane et c’est avec une énorme émotion que j’ai vu les originaux des photos des sculptures qui illustraient nos livres d’histoire et de latin car j’ai fait du latin mais j’ai eu aussi de la chance, instruit par le médecin de famille, de posséder quelques rudiments de latin sans trop appréhender rosa, rosa, rosam…si bien que j’ai pu aborder sans trop de difficultés des études littéraire et me familiariser plus avec ce monument scolaire qu’était le Gaffiot.
Mais je me rappelle surtout du premier cours d’anglais, une heure… et en anglais !!!Je me souviens encore du titre du premier cours : « the Alderney cow » et surtout de la professeure qui était pour le moins originale sur son scooter avec sa jupe culotte mais comme j’ai pu le constater plus tard, tous les profs d’anglais étaient plus ou moins originaux. Il y en avait même une qui nous faisait, pour apprendre la phonétique, prononcer une sorte des « chemises de l’archiduchesse » à l’anglaise du genre : « Jack’s cat catches the rat » ou mieux : « What sort of noise annoys an oyster ? Any sort of noise annoys an oyster but a noisy noise annoys an oyster much ». Genious!!! Si bien que quelques Laffay and Kerst plus, j’ai pu me rendre en Angleterre ou aux Etats-Unis, je n’ai, en revanche, jamais mis les pieds à Alderney.
Au fur et à mesure que s’écoulait la scolarité, de classe en classe, je me souviens de mes professeurs, lesquels étaient vraiment intéressants, même le prof de maths, matière où je n’excellais guère et où je ne brille toujours pas
Il y avait en quatrième une matière qui m’a passionné grâce à l’efficacité de l’enseignant : la géologie car outre les cours nous allions une fois par mois, le jeudi sur le terrain casser des cailloux pour trouver des fossiles et étudier de visu la roche, la Manche et le Calvados d’intéressantes possibilités ; Au moins, la géologie, c’était du concret et j’ai sauvegardé La quatrième avait même monté pour la fête de fin d’année une chanson en costume d’époque : « l’Homme de Cro-Magnon » dont les paroles me restent en mémoire. Puis bien plus tard, toujours en sciences naturelles, nous disséquions des grenouilles, ce qui n’était pas du goût de tout le monde.
Mais il n’y avait pas que des instants de bonheur, il y avait aussi des punitions dites colles », soit deux heures le jeudi ou plus grave quatre heures le dimanche Je ne me souviens pas avoir été collé un dimanche mais j’en ai une bonne un jeudi pour ce motif assez savoureux : « se sert de la purée comme moyen de défense… » C’est vrai que ces colles étaient méritées ; Il faut bien se l’avouer maintenant, mais nous n’étions pas marrants avec les profs mais aussi avec les surveillants : les pions. Pauvre professeur de dessin, c’était la foire d’empoigne, personne n’écoutait, c’était le concours de lancer de boulettes entre autre, tout sauf du dessin. C’était pourtant un véritable artiste mais pas pédagogue pour deux sous. Et les heures dites de permanences, c'est-à-dire quand nous n’avions pas cours, ce qui nous permettait de faire nos devoirs quand il n’y avait pas de chahut. ; Il y avait un pion particulièrement verni en la matière. On le surnommait « Taupin ». C’était un foutoir indescriptible. Il y en avait aussi qui étaient particulièrement sévères, mais ce n’est pas pour autant qu’ils étaient respectés.
Les années passaient plus ou moins tranquillement, ponctuées par les cérémonies de distribution des prix. Ah! ça avait de l'allure tous ces professeurs qui, exceptionnellement, revêtaient leur toge ce jour là. Je n'avais que quelques rares accessits mais j'avais quand même quelque chose. Mais il ne faut pas oublier le traditionnel match de foot professeurs contre élèves qui enflamait le stade municipal à la fin de l'année scolaire. En troisième nous avons eu la chance d’avoir un professeur de français qui nous faisait réellement vivre la littérature. Comme il venait juste de terminer son service militaire, il est venu nous rejoindre en cours d’année scolaire. Il nous a véritablement tenus en haleine et je retiens encore ces enseignements car Ronsard, Louise Labbé, la Guirlande de Julie ou la carte du Tendre furent presque des révélations et c'est grâce à lui que nous avons fait la connaissance du père UBU. C’est le seul prof à qui nous avons fait un cadeau à la fin de l’année et qui nous à reçus chez lui mais je crois pouvoir affirmer que les filles de la classe devaient avoir un petit penchant pour lui. Ce n’est certes pas lui qui reprochait à Françoise SAGAN d’avoir « introduit le pyjama dans la littérature.»(dixit)
Au lycée, si j’ai, grâce à mes professeurs de l’époque, encore quelques connaissances de l’anglais, je possède aussi des rudiments d’allemand suffisamment pour comprendre en Allemagne et en Autriche.
Le professeur d’allemand était un débonnaire pédagogue. Que de merveilleux chants de Noël ai-je pu apprendre jusqu’à les avoir sauvegardés comme « Am Weihnachtsbaum die Lichter brennen. »
Il est aujourd’hui membre de l’Amicale et je m’en réjouis.
J’ai fait mention du professeur d’histoire que j’avais en sixième et cinquième mais ce ne fut pas le seul. En seconde nous avions un prof qui nous octroyait des bonus à chaque bonne réponse : un +2 à valoir sur les notes de compositions mais qui dit bonus dit malus car les mauvaises réponses nous valaient un -2 et ses cours étaient illustrés à l’aide d’un rétroprojecteur. C’était vraiment vivant. En outre, il était Conseiller municipal et lui aussi, et ça me rassure est membre de l’Amicale.
Bref tant bien que mal mes années lycée que l’on appelait aussi le « bahut » s’égrenaient au rythme des exa mens : BEPC puis Baccalauréat 1ère et 2ème partie jusqu’
en Terminale où j’avais pris l’option Philosophie. Ah, c’était captivant de refaire le monde mais depuis, je l’ai refait tellement de fois !!! Il faut croire que j’ai particulièrement adoré la philo car j’ai redoublé la classe de terminale et finalement, je l’ai quand même obtenu, ce fameux bacc. Il n'y avait que trois options: philo, maths élem et sciences ex. Mais nous avons été assez secoués car avant même de passer son bacc, l’une de nos camarades, qui était une belle jeune fille, est décédée.
Tous les cours n’étaient pas aussi captivants, Le solfège, par exemple,, c’était plutôt rebutant et si je n’ai pu me le mettre en tête,il y avait, en revanche une toute autre musique qui m’a remué les tripes ; J’étais demi-pensionnaire et le midi, après le repas, nous patientions au foyer et là , grâce aux copains qui possédaient des 45 tours microsillons, j’ai, été happé par le rock and roll, cette « musique de sauvage!!!» C’était une découverte. Cela a commencé avec l’inoubliable « Rock around the clock » de Bill Halley, ainsi que Little Richard , Fats Domino mais aussi le formidable Duane Eddy puis ont les prémices du rock anglais avec tout d’abord le skiffle de Lonnie Donegan et l’idole du moment : Cliff Richard and the Shadows. Depuis, c’est devenu une réelle assuétude. Et çà continuait le jeudi autour du juke box retrouvions soit au bar de la Gare Routière, soit au Grand Balcon, le GB.
Et puis, il ne faut pas oublier le médecin scolaire qui selon la rumeur était un membre de la famille du Général PATTON.
Tout ceci, c’était après la guerre. Patiemment, le lycée achevait sa décoration .C’est ainsi que j’ai pu voir comment on recouvrait de stuc les piliers de l’entrée principale et la mise en place, ah, vous le verriez (oui, je sais ce n’est pas fameux) du Planétarium gravitant autour d’un anorexique LE VERRIER et pour l’entrée des élèves de deux statues, un monsieur et une dame en granit, réalisées par un artiste local qui pendant les heures de travaux manuels nous a initiés à la linogravure. J’ai pendant ces heures également appris la reliure.
Je ne peux non plus oublier notre Proviseur, le « Protal » qui était un grand bonhomme à l’immense au rayonnement culturel et qui a beaucoup œuvré pour la Normandie. Il a par la suite été proviseur du lycée Malherbe à Caen.
Maintenant, en retraite, je dois bien avouer que sans cette précieuse formation, je ne serai pas arrivé où je suis.
René MONTIER