Colloque 2018 APEFC

Littérature : entre cynisme et engagement

Colloque annuel de l'APEFC

Les lundi 4 juin et mardi 5 juin 2018

Hôtel Château Joliette

Mot du président - Daniel Loiselle

L’anecdote la plus célèbre sur l’indigent Diogène est celle où il exige d’Alexandre Le Grand qu’il s’ôte de son soleil quand celui-ci lui demande s’il a besoin de quoi que ce soit. Le légendaire cynique trouvait sans doute que la vanité du roi macédonien limitait son accès à la vérité. Le cynisme a pris diverses formes depuis ces temps antiques où les philosophes naturalistes protestaient contre les conventions sociales établies qu’ils voyaient comme un frein à la vertu. Synonyme d’impudence au XIXe siècle, il épouse aujourd’hui la mauvaise foi et l’inertie stérile dans le discours de celles et ceux qui n’y voient, ironiquement, que dépravation et nihilisme. À l’origine, le cynique est un objecteur de conscience dont maints travers humains motivent et légitiment le discours. Considérant que le cynique ne cède pas au désœuvrement, le message qu’il porte ne devrait-il pas être vu comme un engagement?

C’est cette question que pose le colloque 2018 à propos de la littérature oscillant entre cynisme et engagement. Dans un monde qui tend à privilégier le vide et l’ignorance, il faut apprendre à désobéir au nom de la liberté, la nôtre et celle des êtres que nous avons la responsabilité d’éduquer. Partant, nous accordons, dès l’ouverture, une large place à la prise de parole et à la poésie comme actions contre la morosité ambiante, le confort et l’indifférence et comme remparts contre la bruyante turbulence des temps. S’il est tentant de désespérer devant la turpitude et les autres abjections qu’abritent certains coins sombres de l’âme, « les beaux yeux derrière les voiles » qu’évoque Paul VERLAINE dans son « Art poétique » doivent continuer de naitre et de renaitre, comme un gage de réconfort.

Ainsi, le marginal nous enseigne qu’un regard libre et ouvert sur l’insignifiance du monde et les tabous questionne ce qui motive l’engagement. Quand donc un discours critique et parfois irrévérencieux sur la doxa apparait-il plus engagé que cynique? Où est la frontière entre polémique et cynisme? Quel est exactement le point sensible où l’engagement devient provocation ou offense?

Ces questions nous apparaissent aussi étroitement liées au monde de l’édition et à la posture qu’il faut prendre quand on veut que la société engage une réflexion constructive sur elle-même. Les voix s’exprimant aujourd’hui se joignent à d’autres qui émergent du fin fond de la mémoire où le territoire habite l’imaginaire. Ce sont les voix de l'engagement qui écrasent le cynisme sous leur pied en proposant un dialogue entre des peuples dont les rapports tendus sont trop souvent fondés sur une triste méprise.

Tous ces êtres fragilisés et silencieusement suppliants, qui trouvent la désespérante anxiété dressée devant leur soleil, doivent savoir le pouvoir des mots à transformer ce monde qui se construit et se déconstruit sous leurs yeux effarés. Que la littérature, comme les arts, peut les aider à se libérer de leurs fantômes. Notre premier devoir est de leur enseigner cela. Et tout le reste…

« Le désespoir, c’est seulement un manque de talent », écrit Romain GARY dans L’éducation européenne, « il n’y a pas d’art désespéré ».

Invités

Site d'Audrée Wilhelmy et expérience pédagogique d'Isabelle Tremblay

http://audreewilhelmy.com/2014/ressources-pedagogiques/