Mon tour d'Auvergne motos 2012

Ma participation aux éditions de 2010 et 2011 au guidon de l'EMW R35 gentiment prêtée par mon ami Francis avait fait germer dans mon esprit l'envie de participer un jour au guidon d'une moto à moi. Mais, mon petit "parc" de motos n'incluait pas de moto suffisamment ancienne. Tant qu'à racheter une ancienne pour faire le tour d'Auvergne, retrouver la Gima de mes 16 ans s'imposait. Ce qui fut fait en octobre 2011. La remise en route et la préparation furent plus laborieux que prévu, mais ce fut également fait à temps.

L'édition 2012 se tenait les 23 et 24 juin, au départ de Saint-Flour dans le Cantal et placée sous le thème "Le chemin de St Jacques de Compostel". Nous devions découvrir Francis et moi, lors de la remise du dossier, que cette édition incluait près de 400 Km à parcourir en 2 jours !

Nous avons comme à notre habitude pris le vendredi pour charger notre bazar dans un Master et descendre de la région parisienne en Auvergne tranquillement, passer la nuit sur place afin de pouvoir se présenter frais et sans stress au point de rassemblement. Francis participait cette année avec sa magnifique Ariel VB 600 qu'il n'avait pas encore engagée non plus sur pareille distance.

Le ciel se dégage au fur et à mesure que nous progressons. Nous arrivons à Saint-Flour en fin d'après-midi. L'accès au camping municipal est limité en hauteur. Francis descend à pied jusqu'au bureau et revient avec la préposée qui déverrouille la barre. En principe cette barre n'est pas rouverte avant 8.00 le lendemain. Francis négocie 1/4 d'heure plus tôt, car le début du rassemblement est à 8:30. Nous installons nos deux tentes puis allons faire une reconnaissance du lieu de rassemblement à pied. C'est à environ 1 km, devant le gymnase municipal. Nous revenons, mangeons sans grand confort (ni chaise, ni table). Le temps fraichit vite. Il y a peu d'autres motards. Nous en rencontrons deux anciens participants du T.A. Ils participeront avec une Triumph et une BSA Les autres occupants du camping sont des vacanciers précoces.

Après quelques discussions inévitablement motardes, nous allons nous coucher assez tôt. La nuit ne sera pas très bonne. Les deux autres motards ont diné "en ville", reviennent tard et bruyamment, dommage. La route qui surplombe le camping est également bruyante, dommage aussi.

Nous nous réveillons vers 6:30 en essayant de faire le moins de bruit de possible car les non-motards vont finir par détester les motards. Nous décidons de nous rendre au point de rassemblement d'abord. Puis je reviendrai à pied pour récupérer le Master en espérant que la fameuse barrière de hauteur sera ouverte à l'heure dite. Ce sera le cas.

Nous sommes les deux premiers participants arrivés. Elisabeth et ses équipier(e)s s'activent déjà pour installer les tables avec les dossiers, les plaques et les T-shirts. A l'intérieur la café d'accueil s'installe également. Nous donnons un coup de main. Le ciel est dégagé, le soleil se lève et la bonne humeur sont de mise. Les arrivées se multiplient, les retrouvailles et les salutations cordiales se font entendre. Les motos sont promptement mais sûrement déchargées et s'alignent de plus en plus. Nous récupérons notre lot de participant et fixons notre plaque. Chacun fait de même.

Nous prenons alors connaissance du circuit :

St Flour

Belvédère de Mallet ou Fridefont

Laguiole

Conques

Laguiole

Trelans

Fournels

Chateau d'Aleuze

St Flour

Puis chacun se promène pour retrouver des connaissances et prendre des photos. Première surprise. Je tombe en arrêt devant une magnifique 125 Gima noire équipée du moteur AMC. Je la photographie et la détaille quand une personne, visiblement son propriétaire, engage la conversation. Au bout de quelques échanges, il me parle d'un site intéressant sur les motos Gima . Je lui révèle avec modestie mais avec plaisir que j'en suis l'auteur. Il me félicite. Deux participants sur Gima , c'est une première au T.A. Nous allons beaucoup échanger et rouler ensemble, Jean-Pierre et moi.

Le temps à passé, l'heure du départ est arrivé. Les motards sont prêts. Les 100 moteurs vrombissent. Un panache de fumée se forme. Le temps paraît durer longtemps. Je coupe mon moteur pour qu'il ne chauffe pas inutilement et ne pas polluer plus que nécessaire. Mon moteur Ydral fume fort au départ malgré un mélange ramené à 4%. Enfin, les premières motos démarrent. Je démarre d'un coup de kick et me faufile aux avant-postes.

Enfin j'y suis ! Le convoi évolue à vitesse raisonnable sous la conduite d'un ouvreur sur moto moderne. Nous gagnons les petites routes de campagne. Tout se passe bien, je suis content et repense à tous mes travaux de préparation. Le paysage champêtre est magnifique. Ma Gima roule bien, je revis mes 16 ans avec bonheur.

Sans surprise le relief vallonné de l'Auvergne se déroule sous nos yeux et nos roues au fil des kilomètres. Dès les premières côtes un peu longues, ma GIMA peine et ne peut tenir sa 3ème malgré le pignon de 14 dents. Je dois donc rétrograder en 2ème et ma vitesse est donc fortement réduite. Elle est tellement réduite que la plupart des participants finissent par me dépasser. Même si je m'étais mentalement préparé à cette possibilité, je ne vis pas bien cette situation. Dans mes souvenirs, avec ses 5 CV le moteur Ydral pouvait rivaliser avec ses concurrents 125 cc de l'époque : Peugeot, Motobécane, AMC, Gnome-Rhône, Villiers. Il n'en était rien. J'arrivais à rivaliser péniblement avec un scooter gris 125 Peugeot ou Terrot.

Avant d'en arriver à ce constat, je vais essayer, essayer sans cesse, de m'accrocher à la Gima de Jean-Pierre qui n'a que 3 vitesses, mais son moteur est bien plus vaillant. Dès que la route s'élève trop, il reste en 2ème (sur 3 vitesses) alors que je dois descendre en 2ème (sur 4 vitesses) mais qui tire plus court et inexorablement je décroche. Ce d'autant que j'ai noté qu'en 2ème si je pousse le régime, à partir de 4000 t/mn (estimation), les segments semblent se mettre en résonance et je sais intuitivement qu'il ne faut pas rester longtemps dans cette situation qui risque la casse des segments. Donc, il faut soit passer au-dessus de 4000 t/mn ce qui ne peut se faire que ponctuellement, soit rendre un peu la main pour sortir de cette vibration au bruit sinistre.

Je devrai donc prendre mon mal en patience. Le seul objectif raisonnable est de profiter du paysage et de finir autrement qu'avec la Gima sur un plateau. Je vais donc tenter de m'y appliquer.

Mais qui dit côtes implique aussi descentes ou faux-plat descendants... Alors je vais adopter une tactique de coureur du tour de France. En côte je suis moins puissant ? Faut voir ... Dans de longues montées, quand la visibilité le permet, à la lutte avec une 125 Motobécane menée par une gente motarde, je finis par revenir sur elle en coupant les virages à gauche. Je suis la trajectoire la plus courte au cm. Je finis par revenir sur elle et même par la dépasser. Hélas, la route arrête de tourner et s'installe sur un long faux-plat que je ne peux avaler en 3ème. Alors je surveille mon rétroviseur mais inexorablement la Motobécane revient et me repasse doucement mais sûrement. Je ne peux rien y faire pour le moment. Enfin la route replonge, et là, ma Gima et moi devenons redoutables d'agilité. Je repasse très vite les 125 mais aussi les plus grosses sans suspensions arrières. La descente et les virages nous font revivre.

Les paysans font les foins, il y a des vaches et leurs veaux dans de nombreux prés. Souvent les gens nous saluent et nous leur répondons dans un sympathique rituel. Nous formons une sorte de caravane qui distrayons les campagnes.

C'est ainsi que samedi matin nous parcourons près de 80 Km de St Flour à Laguiole en ayant passé le viaduc de Garabit, fait une pose au Belvédère de Mallet près de Fridefont où nous pouvons grignoter des gâteaux et nous désaltérer. J'en profite pour démonter la bougie afin de vérifier la carburation. La couleur chocolat me rassure. L'Ydral tourne bien malgré ses limites en côtes. A sa décharge, son pilote accuse probablement 25 à 30 Kg de plus que les autres pilotes de 125 cc ! Évidemment ça n'aide pas ... Je ne veux pas imaginer ce que cela aurait donné en vélo !!!

Jean-Pierre et moi-même en discussion sur les qualités et défauts comparés de nos GIMA.

Nous arrivons comme prévu à Laguiole vers midi au relai Soleil Fleur d'Aubrac, endroit bien connu des participants au T.A. Avant d'aller déjeuner, je tente un redémarrage à chaud car je l'ai remarqué un peu plus capricieux. Effectivement, plusieurs coups de kick restent sans effet. J'ai remarqué qu'à chaud, elle démarrait mieux avec l'accélérateur ouvert en grand. Je tourne bien à fond, trop ... J'entends un clac ! Je viens soit de casser le câble où plus vraisemblablement, l'attache câble concoctée par moi-même dans la poignée avec la partie métallique d'un domino, a lâché. Moment de stupeur. C'est trop bête ! J'ai une heure de demie pour réparer. Francis me donne un coup de main. La poignée Amac avec tirage assuré par un système de tige se déplaçant dans une gorge hélicoïdale n'est pas de la plus grande simplicité. En 20 minutes nous parvenons à reprendre le câble dans cette pièce faite maison. Je respire mieux. Nous pouvons déjeuner sereins ; enfin dans une ambiance sonore soutenue par les discussions vives réchauffées de quelques verres de vin.

Le samedi après-midi nous partons pour Estaing où nous faisons une halte photos sur le pont que nous finissons par passablement encombrer. La ville est fleurie, les maisons magnifiques.

Nous repartons pour Conques où nous arrivons sous une chaleur certaine. Les rues y sont étroites et nous avons du mal à garer nos 100 motos et autres véhicules. Une collation à base de charcuteries auvergnates nous y attend. Nous y faisons honneur mais ce sont surtout les boissons fraîches qui y sont très appréciées. Après la prise de photos que la beauté des lieux appelle, nous nous reposons sous les ombrages et notamment sur les bancs de pierre frais de la petite "place Chirac".

Nous reprenons la route en direction d'Entraygues sur Truyères puis de Laguiole. Le paysage est toujours aussi beau, des vallées des rivières aux plateaux, un régal pour les yeux.

La partie finale en faux plat montant et avec vent de face nous mettent ma Gima et moi en détresse. Je me couche le plus possible possible pour réduire ma prise au vent mais l'Ydral fatigue même en deuxième. Le moteur va t-il finir par rendre les armes comme pour la petite René Guiller à moteur Ydral elle aussi. Il doit tenir, nous devons tenir ! Dans mon petit rétroviseur la dernière voiture balai se rapproche. Non, vous ne nous aurez pas ! On tiendra jusqu'au bout ! Le supplice perdure des kilomètres et enfin le profil redevient plat, je peux reprendre la 3ème. Puis en direction de Laguiole, le profile est à la descente. Je peux même rouler en 4ème à bonne allure. La voiture balai disparait, nous revivons. Au profit d'une ligne droite je vois même le Vespa bleu sur qui je reviens et même le dépasse. La route plonge vers Laguiole, nous refaisons une grosse partie du retard, dépassant sans vergogne les 125 attardées. A l'arrivée à Laguiole nous sommes dans le peloton. L'honneur est sauf !

Nous arrivons au relai vers 19:00. Juste le temps de se rafraichir et nous repartons faite le plein d'essence à l'unique station du pays. Un groupe de personnes attendant d'entrer au restaurant d'à côté vient admirer nos motos. Les commentaires sont toujours les mêmes, étonnés et nostalgiques et chaque fois emprunts de sympathie.

En revenant d'avoir été faire le plein d'essence, trouvant ma poignée d'accélérateur de plus en plus dure, lors de la remontée vers le relai, poignée à fond la Gima n'avance pas vite ..., je tente de tirer sur la gaine pour vérifier que le tirage se fait bien, et là, surprise, je peux tirer au moins 5 mm de mieux, l'Ydral donne un coup de rein ! Et dire que mes dernières longues remontées se font faites péniblement en 2ème ! Ce sera à corriger pour demain.

Les voitures suiveuses arrivent et quelques motos ont rendu les armes. Parmi elles, une belle petite Alcyon, la Terrot 500 RGST attelée, la petite René Guiller, et une Vélocette. Je me réjouis que ma Gima ne soit pas du lot et ai un petit pincement pour les malheureux participants concernés. Je m'attarde auprès du Terrot 500 RGST attelé qui en fait partie. Son propriétaire explique à tous ceux qui s'intéressent à son sort l'origine du problème. La vis de tension de chaine est tordue à gauche "côté chaine" et la roue ne pouvant plus garder sa position, la chaine saute a répétition. Le diamètre et la longueur de ces vis sont ridicules pour une moto de cette cylindrée. Je lui décris une solution agricole rapide pour repartir. Mais il n'est pas bricoleur et ne veut pas prendre le risque. Ils finiront donc en voiture ...

Les motos sont rangées dans le grand hangar. Nous prenons possession de nos chambres et pouvons nous rafraichir après ces 230 km environ.

Un bel et grand apéritif a été prévu en extérieur. Il est très apprécié et dure dans la journée finissante ou la fraicheur reprend ses droits. Ensuite, le repas est tout aussi joyeux et sonore d'autant que le cérémonial du tirage de la tombola suscite toujours des ovations démesurées au regard des lots gagnés. Cela fait partie de la fête et chacun joue le jeu.

Nous ne nous attardons pas et allons nous coucher.

Pour la deuxième nuit je dormirai pas bien. Mon ami Francis dort à poings fermés en émettant de nombreux décibels. Cela aurait pu être l'inverse car il m'arrive aussi de "scier du bois" surtout après avoir fait de la moto et respiré le grand air. Dans une semi conscience j'essaie de secouer son matelas mais son lit est trop loin, tant pis. La fatigue finira bien par m'endormir. Ce sera le cas mais vers 4:00 du matin. Étant programmé intérieurement pour me réveiller tôt. Je m'éveille dès 6:00. Je suis en "low battery", Francis semble plutôt bien !

Nous sommes dans les premiers sortis. Je sors la Gima et la mets sur une sorte de plateforme en béton pour examiner cette poignée AMAC. La petite vis de blocage a été perdue. C'est pour cette raison que la poignée s'est auto-resserrée. Je refais le réglage de jeu. Francis me fournit une petite vis ordinaire de même pas. Elle fera l'affaire pour aujourd'hui. Nous prenons notre petit-déjeuner et sommes de nouveau prêts...

Au programme du dimanche matin, nous avons 114 kilomètres pour nous mener de Laguiole à Fournels. L'étape casse-croute se fera à Trellans, petit village rural bien calme avant notre arrivée. Charcuteries et fromages auvergnats régalent les pèlerins motards que nous sommes.

A Fournels, le restaurant a une magnifique salle et un menu délicieux. A la fin de ce bon repas, nous sommes plusieurs à faire une petite sieste à l'ombre.

Nous sommes prévenus que quelques kilomètres plus loin, la route descend fort avec des virages serrés. Grand bien nous fasse à ma Gima et moi, c'est notre terrain favori. Effectivement le passage s'avère très plaisant mais trop court à notre goût. Nous retraversons la Truyère à hauteur du barrage de Grand Val et progressons vers le château d'Aleuze qui surplombe cette rivière. Une longue pause de près d'heure y est prévue pour laisser le temps d'aller voir ce château à pied. Nous sommes nombreux à préférer nous reposer à l'ombre en discutant de notre passion commune. Tout en devisant, nous détaillons les motos proches de nous. La Terrot 350 HCTL qui est devant moi se met à perdre de l'essence abondamment. Je vérifie son robinet, il est ouvert, je le ferme et me me mets en quête de trouver son propriétaire afin de l'en informer. Une fois prévenu, il me remercie en précisant que j'avais bien fait. Un peu plus tard je découvre un second problème. Il n'y a plus d'écrou à l'axe de sa roue arrière côté droit. Cela me semble plus sérieux. Nous ne retrouvons pas le propriétaire. Nous informons Elisabeth. Elle est inquiète et veut prévenir l'intéressé. Celui-ci est finalement retrouvé et informé. Il est du genre peu stressé car il décide de repartir ainsi. Nous ne sommes pas trop rassurés. Mais rien de vilain ne se produira.

Nous repartons pour les 50 derniers kilomètres qui nous séparent de Saint-Flour. Aucun incident. A l'arrivée chacun remballe son matériel et salue les autres en partant. Nous aurons une dernière petite inquiétude car nos bagages ne sont localisés qu'une demi-heure après tout le monde ... Ils avaient été mis dans le coffre d'une voiture suiveuse. Nous repartons parmi les derniers.

De son côté, Francis n'aura pas eu de problème majeur avec son Ariel VB 600. Son couple à fait merveille dans ce relief. Elle a bien relâché un peu d'huile, tradition anglaise oblige. Il m'a suivi par moment "en freinant bien pour ne pas te dépasser !" comme dans la chanson de Charles Trenet.

La route jusqu'en Essonne sera très longue et je devrai lutter terriblement contre le sommeil et faire quelques étapes salutaires. Nous rejoignons nos domiciles respectifs bien tard. Il faut tout décharger sans bruit. Je me couche à 1:30 du matin, fourbu mais très heureux de cette édition et de la résistance héroïque de ma petite auvergnate et de son moteur suresnois.

Cette édition aura aussi été l'occasion de rencontrer Henri et Philippe, deux compères du forum LVM. Le virtuel c'est bien, mais la rencontre humanise les relations et c'est mieux !

Il est fort probable que je revienne l'année prochaine pour une autre édition. Je ne suis pas prêt de me lasser de l'Auvergne.