Truro Express

Installés dans le wagon de queue, les blessés profitaient du retour à Québec pour panser leurs plaies. Edwige, une jeune infirmière militaire de Vancouver, était en charge des soins. Elle s'occupait bien sûr des blessures de Dadjingits, des brûlures d'Hector comme des lésions de Firmin mais veillait elle aussi sur la santé d'Emile qui n'en avait pourtant manifestement pas vraiment besoin. Des dires même du naturaliste, la jeune femmes était exceptionnellement douée. Il restait pantois devant ses qualifications de thérapeute. Elle manipulait les corps meurtris avec une infinie douceur, ses bandages était parfaitement ajustés, elle utilisait des remèdes inédits, probablement spécifiques à l'armée, et surveillait scrupuleusement l'évolution des signaux vitaux de ses patients. Elle effectua des prélèvements sanguins sur chacun des quatre hommes, leur délivra de fortes doses de médicaments et alla jusqu'à intervenir sur le contenus des menus. Elle consacrait la totalité de son temps à la délégation Française et ne dormait jamais plus de trois heures d'affilées. En plus de la bienveillance de la jeune femme, les scientifiques et le pisteur pouvaient se reposer sur la protection permanente des deux policiers détachés par le sergent-major. Les constables, affectés à ce poste sur le tard n'avaient nulle part ou dormir. Emile, toujours soucieux du bien être de son prochain leurs offrit de profiter de sa cabine lorsqu'il ne s'y trouvait pas. L'archéologue, qui n'était pas en convalescence, choisit de s'atteler à la délicate tâche du décryptage des clichés du quatrième totem. Il récolta de précieux conseils auprès d'Hector pour effectuer les développements lui-même, mais dut se résoudre à abandonner le projet dès les premières tentatives. Le train n'était définitivement pas le bonne endroit pour s'initier à cette pratique et il gaspilla la moitié des prise de vues. La semaine de voyage fut au finale particulièrement profitable pour Hector et Dadjingits, qui recouvrirent tous deux une certaine autonomie. Il en fut autrement pour l'ethnologue dont l'organisme ne parvenait pas à se défaire de l'affreux plastron de goudron qui était mêlé à son épiderme. A l'occasion d'un arrêt Emile avait pu constater que la presse parlait d'eux dans des entrefilets décrivant en des termes assez approximatifs leurs exploits. Et ils eurent la confirmation de cette nouvelle popularité à la descente du train. Un service d'ordre, une brochette de journalistes, quelques badauds intrigués et une fanfare un peu défraîchie jouant une marseillaise cacophonique les attendaient à la gare de Québec. Il eurent donc à peine le temps de remercier Edwige et les deux policiers avant de quitter le wagon et de fendre tête baissée la cohue pour retrouver leur comparse venu lui aussi les accueillir: Lepoil. Il était là en compagnie de Philippe, le chauffeur de l'ambassadeur, pour les ramener à l'hôtel Denivrot où ils avaient déjà séjourné à l'aller. A peine furent-ils en route qu'Henri leur fit part du planning instauré par les autorités. Ils devaient dés demain mardi rencontrer Emilien Horne, l'ambassadeur de France pour le dîner. Le repas de mercredi midi devait, quant à lui, être partagé avec Georges Redfield, un juge de la cours suprême. Pour finir, la veille de leur départ ils allaient devoir s'entretenir avec Martin Savenfield, le ministre de la culture, qui avait monté toute l'expédition. La perspective de tout ces rendez-vous aurait dû réjouir les investigateurs mais elle compromettait en fait leur projet de faire un détour par Truro avant de monter dans le bateau vendredi matin. Faisant part de leur désarroi et de l'importance que revêtait à leurs yeux le passage en Nouvelle-Ecosse, les scientifiques parvinrent à rallier Lepoil à leur cause. Ce dernier, qui était plus à l'aise en milieu urbain qu'il ne l'avait jamais été avec eux dans les montagnes de Revelstoke, prit les choses en main et fit faire demi-tour au chauffeur. Il proposa que la moitié des quatre hommes restent à Québec pour honorer les rendez-vous officiels tandis que les deux autres effectueraient la mission qu'ils s'étaient fixés. Il prit donc une paire de ticket pour Truro et les horaires associés. Il fut convenu qu'Emile et Firmin resterait en ville tandis qu'Hector et Dadjingits partiraient essayait de retrouver la mystérieuse Faye et l'inhalateur d'Andrew. Il fallait plus d'une journée pour atteindre la ville natal de Scott et il n'allait donc rester qu'une dizaines d'heures aux Français sur place pour retrouver la jeune femme. Les seuls informations en leur possessions était un prénom et le cliché retrouvé par Emile lors de son excursion nocturne dans les entrepôts Cutteridge. Mais c'était sans compter sur la sagacité du pisteur, l'imagination du naturaliste et la curiosité qui les animaient. La soirée à l'hôtel fut des plus appréciés. Pour la première fois depuis trois semaines, ils renouaient avec le calme et l’insouciance. Il profitèrent du restaurant, du petit salon, des salles de bains et des chambres confortables. Le lendemain matin aux aurores toutefois le Français et le Wekneeg reprirent la route pour accomplir l'improbable prouesse de ramener l'inhalateur d'Andrew. Ils commencèrent par profiter du voyage en train du mardi pour chercher des gens de Truro à qui ils montrèrent la photo. Ils apprirent ainsi que la jeune femme était assise sur un banc du parc Victoria, un lieu célèbre là où ils se rendaient.

Le train arriva en gare de Truro avec une demi-heure d'avance. Les deux hommes ne perdirent pas un instant et sautèrent dans un taxi, direction la mairie. Là il demandèrent l'adresse de la maison où avait vécu Scott, puisqu'il savait qu'il était natif de cette ville et qu'il y avait grandi jusqu'à dix-sept ans. La secrétaire de mairie, ne croulant manifestement pas sous le travail, accepta de plonger dans les archives à la recherche de l'adresse. Elle invita les investigateurs à patienter un moment sur les bancs bien usés de la salle d'accueil. Dad s'y installa tandis qu'Hector décida de mettre à profit ce temps libre pour pousser l'enquête auprès des bureaux du CPCT. Après tout, il savait que Faye s'y était rendue à mainte reprise pour échanger des nouvelles avec Andrew. Peut-être que quelqu'un là-bas la reconnaîtrait sur la photo et saurait les aider. Sur place toutefois, le naturaliste fut pris d'un intriguant réflexe et tenta de se faire passer pour un agent fédéral menant une enquête. Il demanda à consulter les archives pour trouver les traces des échanges entre Faye et Andrew. Malheureusement le subterfuge ne fonctionna pas et le préposé aux télégrammes menaça d'appeler la police. Comme Hector se faisait un peu trop pugnace et qu'une file d'attente commençait à se former derrière lui, le guichetier failli passer aux actes lorsque le Français consenti à lui demander d'envoyer un câble à l'intention de l'ambassade de France à Québec. Dans ce message, il requérait l'aide des autorités pour obtenir un droit d'accès aux précieuses archives. Il s'en retourna aussi prestement que possible rejoindre son comparse qui avait finalement obtenu l'adresse de l'ancienne demeure des Scott, le 15 Hutchin Drive. Le taxi, toujours le même, qui avait flairé les bons clients et décidé de faire son chiffre du jour en compagnie des deux étrangers, les emmena donc au sud de la ville dans une zone résidentielle luxueuse. Sur place toutefois, la boîte aux lettre de la maison portait la mention "Morgan" et semblait désespérément vide. Dadjingits frappa à la porte du voisin qui s'avéra être une petite vieille bien sympathique. La dame, qui pensa au premier abord que l'indien voulait lui vendre des tapis, fut au regret de n'être en mesure de renseigner les deux hommes. Elle avait bien connus les Scott mais cela faisait longtemps et elle n'avait jamais vu la fille de la photo. Néanmoins elle leur parla de l'enfant espiègle qu'était Andrew et de l'école qu'il fréquentait de rues plus loin. Ils se contentèrent de cette piste et se rendirent à l'école pour garçons où l'ethnologue avait fait ses premières armes. Dans le hall d'accueil quelques daguerréotype trônait qui montrait des promotions et des élèves célébrant diverses récompenses. Sur l'une d'elles, l'oeil exercé du scientifique, remarqua de jeunes hommes médaillés d'aviron. Parmi les noms inscrit se trouvait celui d'Andrew Scott. Comme la date coïncidait avec sa dernière année avant son départ pour Yales, les investigateurs interrogèrent la concierge au sujet du jeune homme sur l'image. Elle se souvenait de lui et fut en mesure de les orienter vers Malcolm Fincher, son ami d'enfance qui travaillait aujourd'hui comme guichetier à la "Royal Bank of Canada" en cente ville. Le conducteur et sa "Ford T" furent ravi de reprendre ses clients pour une course supplémentaire et les investigateurs arrivèrent à la banque juste a son heure de réouverture.

Ils trouvèrent rapidement Mr Fincher qui demanda à une collègue de le remplacer une instant lorsqu'il entendit le nom de son ami d'enfance. Malcolm encaissa finalement assez bien la nouvelle du décès d'Andrew. Il expliqua qu'il n'avait pas vu son ami depuis une éternité et qu'il n'avait plus vraiment de lien avec lui. Il ne semblait pas même éprouver véritablement de peine. Il se contenta de citer quelques vagues souvenirs sans nostalgie. Il déclara connaître Faye de nom mais ne l'avoir jamais vu. A la vue de la photo toutefois, il se ravisa et se souvint l'avoir aperçut par hasard lors d'une des dernière visite d'Andrew à Truro. Il ne se souvenait pas de son nom de famille et encore moins de son adresse. Il releva néanmoins certaines caractéristiques du tirage qui lui remémorèrent que la famille Scott avait ses habitudes chez un photographe de la ville, un certain William Notman. fort de cette nouvelles piste, Hector et Dad remontèrent à bord du taxi pour une cinquième course en direction de la boutique où avait été développé la photo qu'il avait trouvé à Revelstoke. Sur place, le propriétaire du magasin fut bien en peine de les aider. Il reconnaissait bien là son travail mais pas la jeune femme prise en photo. Comme les deux hommes insistaient, il finit par accepter de leur laisser consulter le dossier des photos développés non retirés par les Scott. Ils y trouvèrent de nombreux clichés pris dans le parc et un notamment qui retint leur attention.

On y reconnaissait clairement Faye, et il avait, de toute évidence, été réalisé le même jour. A partir de ce recoupement, le photographe retrouva dans ses comptes la transaction associée et des détails resurgirent de sa mémoire. En effet Andrew ce jour là avait réglé sa note en dollars Américains. Ce à quoi Mr Notman disait avoir consenti eu égard à la fidélité de sa famille à sa boutique. Il se rappela en outre que le jeune couple était pressé car la jeune femme devait rendre de toute urgence son livre emprunté à la bibliothèque communale. Avec la date du règlement, le 9 juin 1917, et cette information, les investigateurs savaient avoir enfin touché au but. Il remercièrent le photographe en lui confiant le développement des dernières prises de vues d'Hector sur le quatrième totem et se remirent en route pour la bibliothèque. Sur place, ils eurent à faire à une bibliothécaire d'autant plus coopérative qu'elle partageait les même origines Française qu'Hector et qu'elle ne semblait pas insensible à son charme. Lui exposant les faits, ils trouvèrent donc aisément les coordonnées de Faye "Morton", puisque c'était son nom de famille. Elle était venues rendre ce jour là un recueil de poémes Acadiens intitulé "Evangéline". Elle devait encore un livre à la bibliothèque. Un livre emprunté six ans auparavant! Selon le registre, elle habitait une autre zone résidentielle cossue dont Truro semblait être quasiment exclusivement composée. Sur place ils ne trouvèrent malheureusement pas l'amante de l'ethnologue mais seulement sa vieille mère, une femme bavarde et imperturbable. Elle les fit entré chez elle et leur offrit le thé. Elle leur fit faire connaissance avec son chat "Hank" et s'intéressa à leur vie sans véritablement prendre le temps d'écouter leur questions. Bien éduqués, les deux hommes se refusèrent à brusquer la brave dame qui les accueillaient si chaleureusement chez elle mais il durent se résoudre à lui forcer le plus poliment du monde la mains pour obtenir les informations qu'ils étaient venus chercher. Faye avait été mis enceinte par Andrew sans le consentement de ses parents pour échapper à un mariage arrangé avec un riche promoteur industriel Américain. Le pére de la jeune femme, Harry Mortini ne lui pardonna jamais cet affront et répudia sa fille. De son côté Andrew, toujours plus absorbé par ses études scientifiques, commençait à délaisser sa bien-aimée qui ne supporta pas ses absence prolongée et répétée. Lorsque la nouvelle de sa disparition parvint en Nouvelle-Ecosse, Faye quitta le pays et émigra en Europe, probablement en France, pour refaire se vie loin de son pays natal où elle ne se sentait plus aucune attache. C'est d'ailleurs l'accent d'Hector qui avait mis en confiance sa mère lorsque les hommes s'étaitent présenté à elle en lu parlant de sa fille. Lorsqu'Hector interrogea la mère au sujet d'un important colis envoyé par Andrew peu avant sa disparition, le visage de celle-ci s'assombri. Elle expliqua que Faye était déjà très remontée contre Andrew à cette époque et qu'elle avait dit a ses parents qu'elle ne vouait pas de ce truc, elle leur avit demandé de s'en débarrasser. En un instant la mine du Français et de son comparse Haïda blêmie. Il réalisait qu'il venaient de faire tout cela pour rien. Mais la vieille femme laissa planer un "Mais..". Elle ajouta que son marie, paix à son âme, c'était laissé intrigué par cette étrange machine et qu'il l'avait conservé. Maintenant qu'il n'était plus de ce monde, la chose expédié par Andrew devait être au grenier avec toute les affaires de son Harry. Les deux hommes eurent évidemment du mal a dissimuler leur enthousiasme et Darla Morton due le remarquer car elle décida d'un seul coup que s'il voulait repartir avec cette énigmatique machine, il leur en coûterait la coquette somme de 400 dollars canadien. Surpris par un tel aplomb, ils commencèrent d'abord par essayé de faire valoir l'intérêt supérieur de la recherche scientifique... sans succès. Puis ils essayèrent d'impressionner la vieille femme avec l'histoire rocambolesque de leur virée à l'ouest détaillé par tous les journaux, mais sans plus la convaincre. Ensuite ils invoquèrent son bon sens en rappelant qu'il ne faisait que la débarrasser d'un meuble encombrant et inutile, toujours en vain. Ils négocièrent, en désespoir de cause, le prix mais Darla restait inflexible. Ce fut finalement, après d'interminables tergiversations, la proposition d'enquêter sur Faye à leur retour en France et de lui renvoyer des nouvelles de sa Fille qui convainc la veuve esseulée de les laisser repartir avec l'objet.

Cependant Darla prévint ses hôtes qu'à défaut de recevoir les informations promises, elle porterait plainte pour le vol, et qu'elle avait le bras long. L'inhalateur, fort encombrant au demeurant, fut descendu par les deux hommes et chargé dans le taxi. Là où la plupart auraient désertés les lieux dans les plus brefs délais avec leur butins pour échapper aux turpitudes de la douairière, le naturaliste se proposa de rester lui tenir compagnie le temps que Dadjingits n'ailles récupérer les tirages chez le photographe. Les deux hommes payèrent enfin sa dernière course de la journée au taxi qui ne regrettait pas d'avoir rendu services à ces touristes un peu étranges, et ils reprient le train pour Québec. Le train allait arrivé à destination six heure avant le départ du bateau. Il ne fallait mieux pas qu'il connaisse d'avarie.

Joué avec David, Arnaud et Gabriel le jeudi 3 février 2011.

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