Quand les choses se gâtent

"Dieu merci vous êtes bien là!"

C'est par ces mots que Lepoil tira les deux Français de leur sommeil.

"Allons bon Henri que vous arrive-t'il?" lui renvoya presque aussitôt Emile.

Le comptable semblait terrifié, il leur expliqua que le plan ne s'était pas déroulé comme prévu. La femme s'était bien présentée en pleine nuit pour récupérer la gamelle d'Hector maquillée pour donner le change quelques instants. Prostré dans son lit, le Québécois, ne trouva pas le courage de se tourner pour dévisager l'inconnue. Il entendit en revanche que le guerrier sensé veiller sur lui et la démasquer était en pleine conversation avec elle. Elle l'avait sans doute repéré et ne tarda pas a tourner les talons. Singa ne jugea pas utile d'essayer d'expliquer la situation à l'homme blanc et s'en alla lui aussi, probablement pour la suivre. Lepoil attendit le temps qui lui semblait utilement nécessaire pour le mettre à l'abris du danger et déploya des trésor d'audace et d'ingéniosité pour traverser le camp et rejoindre la cabane des Français. A cette nouvelle, le sang de l'archéologue ne fit qu'un tour et tandis que le naturaliste s'attelait à rassurer le petit comptable, il se mit en quête des deux indiens. Il avait pris le temps de consulter sa montre à gousset, il était deux heures du matin et le village dormait paisiblement. A la lueur de la lune il trouva rapidement la cabane de Lepoil. Mais l'inspection de cette dernière ne donna rien. Il fit ensuite un tour hors du village. Scrutant l'air frais de la nuit, il n'aurait jamais pu percevoir le bruits lointain des chevaux si les montagnes endormies n'avaient été aussi silencieuses. Il ne pouvait décemment pas prendre le risque de s'aventurer aussi loin aussi décida-t'il d'abandonner sa piste et de retourner se coucher. A la cabane il retrouva Hector et Henri en pleine conversation. Il se joignit à eux et compris que le bureaucrate était en train d'examiner un des "Claim" qui avait été prélevé au coffre-fort d'Avranche. Manifestement la lecture des termes du contrat liant l'exploitant de la parcelle au propriétaire de la mine le laissait perplexe. Selon ses dires, Avranche avait droit de vie ou de mort sur ses mineurs et Lepoil semblait penser que ce genre de clauses étaient illégales. L'écoutant, les Français se firent la réflexion que le bureaucrate leur serait plus utile à Québec qu'ici. A l'évocation de cette idée, ils trouvèrent bien entendu un Lepoil plus que jamais acquis à leur cause. Il leur en coûterait environs 400 $ de le mettre dans le train pour le renvoyer chez lui mais les scientifiques savaient qu'ils transformaient ainsi un handicap en atout. Tout au plus allait-il falloir faire profil bas à Revelstoke tant il semblerait inopportun de laisser la pègre locale prendre connaissance de leur venue. C'est sur cette considération que les trois hommes s'en retournèrent à leur précieux repos.

Levé aux aurores, fin prêt à partir, Henri réveilla de nouveau ses amis ce lundi matin. Il était vraiment tôt mais ils ne s'en offusquèrent pas tant la journée s'annonçait chargée. Firmin ne tarda d'ailleurs pas à se présenter à leur porte. Il semblait encore groggy de l'expérience de la veille mais impatient d'exploiter son savoir recouvert. En fait il ne put attendre qu'on lui donne les épreuves à étudier pour confirmer ce dont il avait enfin réussi à se souvenir. Les positions très particulières des corps sur les totems correspondaient bien a un langage. En fait une ancienne tradition Haïda de danse fonctionnait sur le principe d'une gestuelle codifiée permettant à des chasseurs ou des guerriers de mimer leurs exploits sur de la musique sans avoir à prononcer le moindre mot. Cette chorégraphie ancestrale comportant un lexique très riche, l'ethnologue confirma rapidement son hypothèse en établissant un parallèle entre les figures du troisième totem et l'histoire racontée par Howkan la veille. Laissant leur compagnon à son étude, Emile et Hector s'attelèrent à la réalisation d'un second étui étanche. Ils allaient en effet avoir besoin de mettre à l'abris le précieux fruit de leur larcin avant de partir pour Revelstoke. De plus ils savaient qu'ils leurs faudrait prendre avec eux environ 500 $ pour payer son billet de train au comptable et lui permettre de ramener un "Claim" à Québec. Le naturaliste habituellement trés inventif se fit coiffer sur son terrain par l'archéologue qui eut l'ingénieuse idée d'aller recueillir de la résine de pin pour sceller la gamelle qui contiendrait le nécessaire pour l'expédtion à Revelstoke. Hector profita du temps que prenait cette opération pour dissimuler de nouveau l'étui à l'extérieur du village. Leur devoir rempli, les deux hommes rendirent une visite à Kaïganis. Ils tachèrent de le rassurer en lui expliquant qu'ils allaient bientôt quitter skung Gwaï où ils sentaient bien qu'ils commençaient à se faire indésirable. Mais ils lui firent part de leur besoin de retourner à Revelstoke au préalable et lui demandèrent de bien vouloir leur accorder une escorte. Le chef refusa de leur céder ne serait-ce qu'un guerrier, il ne pouvait plus se le permettre, mais il les enjoignit de quérir les services de Kunkia, le pisteur. Ils lui firent ensuite part de l'incident de la nuit et apprirent que Singa, le guerrier, n'était toujours pas reparu, mais aussi et surtout qu'Atana, manquait elle aussi à l'appel ce matin. Les soupçons se confirmant au sujet de la soeur de Kumshewa, les Français interrogèrent le chef à son sujet. Ils obtinrent une information capitale avant qu'il ne parte au chevet de la jeune blessée: Atana avait eu une relation secrète avec un blanc il y a quelques années et cet homme répondait au nom d'Andrew Scott. Comprenant encore plus l'importance d'enquêter sur l'ethnologue américain, ils allèrent à la rencontre de Kunkia pour préparer le voyage. Celui-ci leur proposa de passer par les montagne pour échapper à d'éventuelles embuscades. Il leur avoua que ce choix allait considérablement rallonger la durée du voyage et qu'il allait falloir compter sept à huit heures pour rallier Revelstoke en hors-piste. En revanche, ce détour présentait l'avantage de leur permettre de passer non loin du plus grand totem, celui situé sur le mont Revelstoke, et donc d'obtenir des clichés supplémentaires à soumettre à l'insatiable sagacité du jeune ethnologue. Il allait donc falloir se mettre en selle au plus vite. Récupérant Lepoil avant le départ, Emile et Hector laissèrent Firmin à son travail de traduction et se mirent en file indienne avec Kunkia à leur tête. La route était, comme l'avait annoncé l'indien, très délicate à emprunter. Hector, qui bénéficiait des effets antalgiques du semi comprimé à base de morphine qu'il avait ingurgité avant de partir, commençait à montrer de bonne dispositions pour l'équitation. Emile, plus en difficulté, parvenait tout de même, à force de pratique, à suivre le pisteur sans trop le pénaliser.

Ils arrivèrent vers seize heure en vue du quatrième totem. Howkan ne leur avait pas menti, il était véritablement bien plus grand que les autres. Il semblait relativement bien conservé et se tenait encore bien droit, planté dans la neige. Aidé par la remarquable lumière ambiante et l'expérience des trois précédentes interventions, Hector réalisé de nouveau une bonne série de clichés. Pendant ce temps, l'archéologue effectua un prélèvement de neige à proximité et un autre d'un fragment du totem. C'était la première fois qu'il en voyait un de prêt et il pu ainsi faire part à son collègue du fait qu'il connaissait la nature du matériaux qui constituait l'artefact. Pour en avoir déjà fréquemment manipulé dans le cadre de son travail, Emile avait reconnu du bois pétrifié. Selon lui ce type de transformation n'intervenait que dans des circonstances bien particulières et prenait plusieurs dizaines d'années à s'opérer. Etait-ce du fait qu'ils avaient pris la précautions de revêtir leur masques plus tôt, ou bien de l'absence totale de faune aux alentours, toujours est-il qu'aucune vision étrange ne vint les perturber. Soulagés d'avoir franchi cet obstacle sans encombres, les quatre cavaliers reprirent en toute hâte leur route vers Revelstoke.

Cheminant silencieusement vers la vallée, c'est presque arrivé à destination qu'ils entendirent au loin une voix: "Les mains en l'air!". L'injonction, trop lointaine et indistincte pour leur être destinée, provenait d'une rivière coulant une centaine de mètre en contrebas. Ils mirent tous pied à terre et progressèrent prudemment, Kunkia en tête, jusqu'au cours d'eau. En arrivant ils entendirent des rires d'enfants et, écartant les buissons, ils virent deux garçons jouer avec des armes en bois.

Les Français ne les reconnurent pas tout de suite mais il s'agissait d'Anton et de Marty les deux gamins de la ferme Lovegod qui, en échange d'une pièce avaient acceptés d'avouer avoir dérobé leurs livres. Pesant le pour et le contre, les investigateurs décidèrent d'abandonner l'opportunité offerte pour ne pas prendre le risque d'être trahi par les jeunes villageois. Ils terminèrent donc leur route jusqu'aux abords de la ville où Kunkia leur faussa cordialement compagnie. Les trois français, livrés à eux-même décidèrent d'attendre la nuit pour se faufiler jusque chez le maire. Pour minimiser les risques, ils prirent la peine de contourner la ferme du vieux Stevenson pour se présenter au plus prés à une cinquantaine de mètres au nord de leur objectif. Se faisant, ils remarquèrent que le petit prés de la ferme du maréchal-ferrant était plein. Contrairement à d'habitude, il y avait là pas loin d'une trentaine de chevaux. La course vers la maison du maire promettait d'être courte mais risquée. Les trois hommes attendirent le moment opportun et s'élancèrent. La traversée se déroula parfaitement bien pour Lepoil et Emile qui, lorsqu'ils s'arrêtèrent devant la porte d'entrée de Thomasson, ne purent que constater qu'Hector ne les avait pas suivi. Cherchant à avancer au plus vite tout en se tenant baissé, avec une visibilité réduite, sa douleur à l'épaule et la contrainte de ne pas faire de bruit, le naturaliste s'était pris les pieds dans un rail en traversant la voix de chemin de fer. Il s'était légèrement tordu la cheville et ne pus retenir un juron. Le bruit ayant éveillé l'attention des vigies patrouillant en ville, Hector, comme ses comparses l'avaient fait trois jours plus tôt, trouva refuge dans l'église. Il y attendit, terré dans le confessionnal, presque un quart d'heure que les gardes ne soient partis avant d'aller rejoindre ses compagnons. Ayant suffisamment joué avec le feu, les trois hommes profitèrent de ce que la porte du docteur n'était pas verrouillée pour s'introduire chez lui sans prendre la peine de frapper. La demeure semblait déserte et ce n'est que lorsque l'archéologue s'approcha de l'escalier qu'il tomba nez à nez avec le maire fusil en main. Thomasson avait entendu les intrus tourner autour de sa maison et avait pris l'initiative de s'armer. Une fois le malentendu dissipé, il invita les hommes à le suivre dans son bureau à l'étage où il pourraient, à la lueur d'une bougie deviser sans éveiller l'attention des chiens d'Avranches. Là Thomasson servit un verre à ses hôtes tout en leurs expliquant que l'avant-veille, la ville avait été le théatre d'un bien sinistre fait divers. Une vague de froid, inopinée en cette saison, s'était fait ressentir de tous et un ours s'était invité dans l'entrepôt des Cutteridge. Il y avait agressé et tué Langly et Arlie deux des enfants de la famille. Le père Radd était lui-même entre la vie et la mort en ce moment. Il avait abattu la bête de plusieurs coups de fusils. Ce comportement, de la part d'un animal sauvage ayant amplement de quoi se nourrir dans les montagnes, restait totalement inexplicable. Le lendemain, jour du seigneur, le pasteur William Clark assura avoir vu l'oeuvre du diable dans l'incident de la veille. Il invita ses ouailles à s'interroger sur ce qui avait pu ainsi réveiller le malin... juste après avoir regretté que les Français fraîchement arrivés n'aient préférés se consacrer à leur mission obscure plutôt que de venir se joindre à eux. Tout le village assistant à la messe, l'impact du discours sur l'opinion des gens semblait ne pas devoir être pris à la légère. D'autant plus que Thomasson ajouta avoir entendu des rumeurs indiquant que Noël offrait une récompense contre des informations concernant les investigateurs. Brefs ils n'étaient plus les bienvenus à Revelstoke et ils semblaient condamné à devoir se faire oublier. Interrogeant la maire au sujet des horaires de train, il apprirent que les mercenaire devaient arriver par le train de 15h00 en provenance de Vancouver et qu'Henri aurait un train pour Québec à 18h00. Il allait falloir être particulièrement vigilant vis-à-vis de Leo Qualwell le chef de gare qu'il savait être sous les ordres de Noël et qui devait avoir reçu des consignes. Il fut décidé que le comptable attendrait chez le maire l'heure de son train et qu'il se grimerait de manière à passer inaperçu lors de son passage à la gare. La conversation s'orienta ensuite sur Andrew Scott et la mystérieuse sacoche qu'il semblait avoir déposé à la gare. Le maire mit instantanément en garde les Français par rapport au fait que l'ethnologue Américain n'était pas officiellement déclaré mort, mais juste disparu. C'est ainsi que ses documents ne sortiraient pas des coffres de la banque avant 1944, date à laquelle la disparition sera classifiée et que l'homme serait officiellement mort. Pour récupérer les documents, il faudrait pouvoir prouver qu'Andrew est bien décédé. La procédure prévoyant une transmission de ses biens à la famille et à défaut à un commissaire priseur, les investigateurs pourraient jouer sur la ressemblance troublante d'Emile avec le disparu. A ce sujet d'ailleurs, Thomasson expliqua que les traits communs entre les deux hommes devaient être évident pour tous les habitants de Revelstoke sans pour autant permettre à l'archéologue de se faire passer pour Andrew. En effet l'ethnologue avait passé plus d'un an à Revelstoke et tout le monde ici ce souvenait de lui. Pour finir, le maire mentionna un rapport de police concernant la disparition de Mr Scott qui devait être archivé lui aussi à la banque pour les raisons que tous les quatre savaient bien. A ces mots, les Français se souvinrent devoir interroger le maire au sujet des livres disparus. Manifestement gêné par la question, l'homme répondit qu'il s'excusait pour le désagrément mais que la manœuvre était courante vis-à-vis des étrangers séjournant en ville. Pour des raisons évidentes de sécurité, leurs ouvrages leurs étaient systématiquement subtilisés. Ceci étant, ils étaient conservés à la banque et le caporal devait se charger de leur rendre au terme de leur séjour en prétendant les avoir miraculeusement retrouvé. Comme pour se racheter, le docteur se proposa d'aller, et ce malgré l'heure tardive, réveiller son ami Ernest Fudge à la banque pour lui demander de bien vouloir lui remettre les ouvrages des Français ainsi que le dossier du caporal concernant la disparition de l'ethnologue.

Profitant de ce que le maire n'était plus chez lui, les Français fouillèrent la maison de fond en comble sans rien trouver d'intéressant si ce n'est une plaquette entamée avec huit comprimés d'Arpédine qui finit au fond de la poche d'Hector. A son retour, le docteur leur rendit tout leurs livres et leurs remis le rapport de police. Les Français consacrèrent donc les deux heures qui suivirent à étudier l'épaisse pile de documents. Il allait falloir extraire les informations intéressantes de toute cette paperasse administrative.

Ils apprirent qu'Andrew Scott était un citoyen naturalisé Américain né en 1881 à Truro en Nouvelle-Ecosse. Qu'il avait disparu en octobre 1919 à l'age de 38 ans. Il intègra Yale à l'age de 17 ans et en ressorti six ans plus tard en tant qu'ethnologue spécialiste des civilisations Amérindiennes. Lors de sa courte mais remarquée carrière, il avait publié deux ouvrages. Le premier en 1911, et le second en 1917, il était venu à revelstoke entamer la rédaction de sa troisième étude, consacrée aux Kungahaï. Dans la déposition d'Erwine Lowedge, le propriétaire du Shuswap's Creek, il était écrit qu'Andrew était son meilleur client, qu'il était le seul à avoir passer un hiver complet dans son hôtel. Il expliquait que l'ethnologue avait transfomé sa chambre en véritable laboratoire où lui seul rentrait. Il déclarait ensuite avoir remarqué que son client semblait découcher de plus en plus fréquemment ses trois ou quatre derniers mois. En conclusion de l'entretien, Erwine se souvint que l'Américain avait pris un repas récemment dans son restaurant avec Noël Avranche. Cela ressemblait à un repas d'affaire et une grosse somme d'argent avait finie dans les poches du patron de la mine.

Continuant à compulser les documents, les Français s'étonnèrent d'ailleurs de ne trouver aucune déposition du parrain de Revelstoke. Il mirent néanmoins la main sur celle d'Andy Lovett, le propriétaire du magasin général. Le commerçant faisait part du fait que l'ethnologue était aussi un très bon client pour lui, qu'il lui passait régulièrement des commandes toujours plus invraisemblables pas forcément en rapport avec son métier. Il en voulait pour preuve une commande récente de 300 litres de "Fluxed Cutback". En arrivant presque à la fin du dossier, ils tombèrent sur la déclaration d'Edward Smith le lampiste du CPCT de la ville. Edward explique que l'Americain échangeait des télégrammes avec une demoiselle de Truro et qu'il lui avait même fait envoyer récemment un gros colis "très important" selon ses propres dire. Malheureusement il n'en conserve aucune traces. Puis dans les toutes dernières pages du dossiers, les scientifiques découvrirent la déposition de Marvin Kempf. Le vieux Marvin, qui était décrit comme trappeur, semblait avoir un discours plus cohérent à l'époque qu'aujourd'hui. Il expliquait qu'il s'était lié d'amitié avec Andrew, qu'ils pêchaient souvent ensemble. Il disait que l'ethnologue lui avait fait part d'un très gros projet dont il ne pouvait pas lui révéler les détails mais celui-ci devait lui permettre de gagner la confiance des "sauvages" de la région. Il disait aussi que s'il réussissait, tous les habitants de Revelstoke tireraient bénéfice de son travail. Cela semblait toutefois dangereux et Marvin semblait ne pas bien comprendre ce qui motivais Andrew tant il savait qu'il avait déjà réussi a approcher certains Kungahaï. La dernière fois qu'il l'avait vu c'était lorsqu'il partait pour réaliser sa mission et qu'il quittait la ville par le nord. Il ajoutait que le pauvre homme avait perdu tout ses proches en décembre 1917. A cette date, en effet, il s'était rendu à une réunion de famille qui avait lieu à Halifax et il fut le seul survivant de la fameuse explosion qui détruisit une bonne partie de la ville. Il garda de cet accident plusieurs séquelles dont une surdité partielle, une légère claudication et une prothèse oculaire. En refermant le dossier, une petite note sur un papier volant tomba au sol. Elle indiquait que le matériel récupéré dans la chambre d'Andrew était consigné dans un des entrepôts Cutteridge, celle là même qui avait été décimé l'avant-veille par un ours.

Cette nouvelle excita la curiosité d'Emile, qui malgré l'heure tardive et la fatigue, se fit un devoir d'aller inspecter les affaires stockées à proximité de la gare. Laissant ses amis prendre du repos, il se glissa dans les ombres de la nuit pour rejoindre la rivière. Il voulait en fait contourner le village par l'eau pour passer à l'abris des regards. Malheureusement pour lui, deux gardes le remarquèrent et tentèrent de le suivre. Profitant de se qu'ils ne donnaient pas l'alerte directement, l'archéologue plongea littéralement dans les eaux froides de la Shuswap pour rejoindre le ponton du port d'une brasse coulée particulièrement efficace. Là, à l'abris des regards, il attendit que les choses se calment pour refaire surface et se diriger vers l'entrepôt au sud de la gare. Il commençait à se dire qu'il allait falloir être rapide car cette seconde alerte allait sûrement provoquer une réaction de la garde d'Avranche. Il crocheta très habilement la serrure du bâtiment et se mit en quête du rayonnage spécifié sur la note du rapport de police. Les Cutteridge semblaient être des gens bien organisés, aussi ne lui fallut-il pas plus de cinq minutes pour mettre la main sur la palette qu'il cherchait. Le matériel de l'ethnologue s'étalait maintenant devant ses yeux. Il y avait la tout un outillage de mécanique de précision, et même un nécessaire de chimiste mais pas grand chose en rapport avec le domaine de compétence de l'homme. Au milieu d'une pile de vêtements sans intérêt Emile découvrit un cadre photo vide qui attira son attention. En l'inspectant de plus prêt, il s'aperçut qu'il contenait un cliché qui avait été retourné.

Au dos de l'image on distinguait d'ailleurs un prénom écrit à la va-vite: "Faye". Ne parvenant pas a déterminer la nature des travaux qu'Andrew pouvait bien mener avec son matériel, Emile pris le temps de faire le tour de l'entrepôt. Il y trouva notamment une réserve qui devait contenir du matériel pour la mine. Il récupéra une dizaine de bâtons de TNT, une bobine de cent mètres de câble et un détonateur. Découvrant dans un sac une trentaine de masques à gaz, il en conserva un et sabota les autres en perçant le filtre de l'intérieur. Une fois ressorti, l'archéologue pris le risque de prolonger sa balade nocturne jusqu'à l'autre hangar, au nord de la gare. Il n'y trouva qu'une paire de costumes de conducteurs de trains qui semblèrent pouvoir lui être fort utile à l'avenir. Le retour chez le docteur se passa sans encombre. L'expédition était un succès mais l'archéologue n'eut pas le coeur de réveiller ses amis pour leur en faire part. Il préféra les rejoindre dans un sommeil bien mérité.

De son côté, à quelque kilomètres de là, à Skung Gwaï, Firmin exténué par une journée complète de recherche s'endormait sur les photos d'Hector. Il avait beaucoup avancé dans l'étude des totems et avait découvert que les ensembles de pieds et mains visibles se référaient à des nombres. Il lui avait fallu beaucoup de perspicacité pour déterminer la mécanique sous-jacente basée sur un système numérique de base 20. Il avait ainsi traduit partiellement les deux premiers totems:

Concernant le premier, celui qui était recouvert de bitume l'ethnologue traduisit les termes suivants:

3663 lunes. Un brave débusque le Wendigo. Grotte/Cuivre. Partir/Guerre/Animal/Habitant. Le guerrier disparaît avec son secret dans la grotte.

Pour le second, le plus ancien:

1584 lunes. Des voyageurs inconnus à la tête longue s'enfuient, ils viennent du sud et vont vers le nord. 150 guerriers têtes longues escortent les étrangers qui s'arrêtent pour dormir sur le territoire des Kungahaï. Kungahaï / Regarde. Langage / Arme / Bijoux / Inconnu. Parle / Peur / Mort. Guerre / Nuit / Fuite / Passage / Glacier / Piege / Froid. Victoire / Kungahaï. Début de la malédiction du Wendigo

Le mieux conservé, celui d'Howkan commençait, quant à lui par la date de 11879 lunes et fit office de lexique bien utile pour la traduction des autres.

Au premières lueurs du matin, ce mercredi 12 aout, dans la cabane de Yagun, Dadjingits ouvrit pour la deuxième fois les yeux. Il observa autour de lui, le chaman n'était pas là, il sentait qu'on lui avait fais boire un liquide au goût âcre. Le pisteur décida d'attendre mais dans son état il succomba rapidement au sommeil. Il en fut tiré quelques instants plus tard par un Firmin d'une humeur maussade. Le Français avait trouvé Kumshewa dans sa couche en se réveillant avec un mauvais torticolis dû à la mauvaise position dans laquelle il avait dormi. Il l'avait réveillé en tirant sa couverture et s'était éclipser sans autre forme de politesse. Maintenant au chevet de Dad, il tentait de se rendre utile en changeant ses bandages. Mais comme rien ne semblait vouloir aller ce jour là, il se rendait compte qu'il était entrain de commettre maladresse sur maladresse et ne s'arrêta que lorsqu'il pris conscience du risque de rouvrir certaines plaies à peine cicatrisées. Il alla chercher de l'aide à l'extérieur et eut ainsi l'occasion de remarquer à quel point les gens du villages semblaient être devenu hostile à leur présence. Il obtint tout de même d'une jeune femme qu'elle vienne réparer les dégât qu'il avait causé. Se faisant il nota l'agitation qui régnait à Skung Gwaï. Il compris rapidement que quelque chose d'anormal se tramait tant les indiens s'agglutinaient autour de la maison du chef. Il s'informa et appris que le brave dont Kaïganis leur avait confié la responsabilité et qui avait disparu la veille avec la soeur de Kumshewa était revenu au village tôt ce matin. Il était très gravement blessé, entre la vie et la mort mais il avait eu le temps de transmettre un message au chef. Il s'agissait d'une mise en garde vis-à-vis d'un évènement imminent et très grave concernant Huados. En apprenant cela l'ethnologue se fit un devoir d'informer le chef qu'une trentaine de mercenaires à la solde de Noël Avranche arrivait le jour même de Vancouver à Revelstoke et qu'il pensait que cela pouvait avoir un lien. Plus qu'inquiet, Kaïganis demanda à Yagun de retourner s'occuper de Dadjingits pour essayer d'en savoir plus. Malheureusement le pisteur ne put en dire plus. Le chaman qui commençait à comprendre qu'il n'aurait plus longtemps le loisir de fréquenter les visiteurs offrit à son patient une gourde pleine du mystérieux liquide dont l'ingestion devait lui permettre de mieux supporter ses blessures. Le reste de la journée fut consacré au repos pour Dad et à la poursuite de son étude pour l'ethnologue qui, comble de malchance, perdit son temps sur une mauvaise piste.

Ce même matin, à Revelstoke, on frappa à la porte du Docteur aux aurores. Ce qui aurait dû provoquer une vive réaction de vigilance chez les scientifiques traqués, les laissa dans l'expectative indécise de l'homme usé par la fatigue et réveillé trop tôt. Le maire descendit et s'entretint avec le caporal à sa porte. Le militaire venait l'informer qu'une grosse dizaine d'hommes étaient descendus du trains de ce matin en provenance de Vancouver et qu'il fallait venir les accueillir pour apprendre les motifs de leur présences. Pressentant l'arrivée prématurée des mercenaires d'Avranche, les Français se mirent en devoir de trouver rapidement un moyen de quitter la ville. Ils demandèrent au maire de bien vouloir informer le caporal de leur présence et de lui demander de revenir les aider. Thomasson accepta et prit même le temps de trouver une fiole d'un puissant neuro-toxique à base de datura pour répondre à une requête d'Emile. Ce dernier tenait en effet a trouver un moyen de mettre hors course les chevaux parqués dans le ranch de Stevenson et le produit du médecin devait permettre de les droguer un à deux jours. L'attente du retour de l'officier se fit un longue et angoissante compte tenu des circonstances. Les scientifique en profitèrent pour donner leurs derniers conseils à Lepoil et lui souhaiter bon courage avant que le caporal Brown ne finisse par arriver. Le temps d'organiser leur exfiltration de la ville, Emile lui fit part de sa découverte récente à la cabane de chasse. L'information selon laquelle le terrain avoisinant était un véritable cimetière semblait embarrasser au plus haut point le caporal qui dût néanmoins se résoudre à promettre d'ouvrir une enquête. Il allait sans dire que le policier n'était guère enthousiaste quand il s'agissait de prendre le risque de bousculer Avranche. Il annonça instantanément qu'il allait devoir faire venir du monde et que pour déclencher une procédure il faudrait attendre au moins trois jours. A l'aide de ses hommes il escorta, comme promis, les Français hors de la ville sans qu'aucun gardes ne croisent leur route. Là Emile et Hector s'aperçurent que les hommes descendus du train le matin même n'étais pas des tueurs à gages mais des ouvriers. Des rippers plus précisément qui étaient envoyés par le ministère de la culture Canadien pour suivre les instructions de la délégation Française. La quinzaine d'homme de l'entreprise "Fletcher & sons" étaient venus avec du matériel et un wagon container pour renvoyer en France les artéfacts désignés par les scientifiques. Ils avaient une semaine devant eux et comme le foyer d'accueil des mineurs de Mr Juncker était entièrement réservé par Avranche pour sa petite armée, ils avaient pris la liberté de dresser leur barnum juste à la sortie de la ville. Ils étaient en train de prendre leur petit déjeuner lorsque les Français se présentèrent à eux. Leur chef, Martin Fletcher, leur réserva un accueil chaleureux, il semblait pressé de se mettre à la tâche.

Joué avec David,Arnaud, Louis et Gabriel les jeudi 4,11 et 18/11/2010.

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