Exposition sur la plage de Vauville, 216 portraits sur des plateaux à oeufs...(198 x 1188 cm)
Une oeuvre à l'imparfait: Les Eux, les Uns et les Autres...
ou le Miroir d'Eux, des Uns et des Autres...
Un portraitiste de série
En 2002, je me suis fixé l'objectif de peindre 1000 portraits tridimensionnels sur des conditionnements alvéolés pour 30 oeufs (0,34 x 0,34 cm), (en 2023, j'ai fini de peindre plus de 2200 plateaux, soit plus de 200 m2). Je conservais depuis plusieurs années quelques plateaux à œufs de notre consommation familiale dans l'attente d'un usage. Pourquoi des portraits? Parce que j'ai toujours peint des portraits, plus des êtres que des choses. Adolescent, j'ai peint beaucoup de portraits à la gouache noire, notamment beaucoup de Marilyn Monroe presque en même temps qu'Andy Warhol que je ne connaissais pas alors, enfant et adolescent, j'étais jeune et aisé, j'avais des articles dans les journaux, des reportages à la télévision, je fréquentais des gens célèbres, des Ministres, je déjeunais à l'Assemblée Nationale. J'avais été sélectionné parmi des milliers de candidats pour aller à l'école des Rois de France créée par le bon Roi Henri IV, l'école dont le plus célèbre élève a été Descartes, son esprit domine encore toute la pensée de l'Occident, le Cartésianisme. Dès la classe de 6iéme, j'ai eu des enseignants de très haut niveau, des Docteurs, des Professeurs et bien plus... Cette école nous destinait à des carrières monastiques ou militaires, à être des serviteurs de la France et de l’Église. En classes préparatoires, on entretenait des correspondances avec le Roi de France et l'Empereur Napoléon et j'étais désigné par mes camarades de classe pour cette mission, ces correspondances sont conservées dans les archives de l'école. Cette école accueillait aussi des Princes, certains de mes camarades sont devenus Rois, Il est vrai que l'Europe est encore aujourd'hui essentiellement monarchique, les pays sont l’œuvre des Rois. La France qui a guillotiné autrefois son Roi et sa Reine mais aussi 20 000 autres personnes lors de la révolution de 1789 fait aujourd'hui partie des quelques exceptions. La Grande Bretagne qui a longtemps était terre de France et dont la langue officielle est toujours le français par sa constitution a conservé son Roi, sa défunte Reine parlait un parfait français sans aucun accent, les menus de la Cour étaient écrits en français. Précisons cependant que parfois la France a appartenu à la couronne d'Angleterre dans l'histoire.
Ma première peinture à l'huile réalisée en 1967, un portrait de mon père, a été sélectionnée au concours international de portrait en 1971 par l'Académie Française, plus précisément l'Académie des Beaux-arts et exposée un mois au Musée Marmottan.
L'aspect industriel de mon travail: Marches ou C'rêves
Comme Andy Warhol l'avait fait, j'ai appelé mon atelier la Factory, l'usine. Mon fils Vincent alors de 4 ans a lui aussi repris cette idée et a appelé sa chambre "l'usine à fabriquer des monstres". En retour, je fabrique peut-être aussi des monstres. Depuis quelques années, je pousse à son paroxysme le caractère industriel de mon travail, ma production est importante, mais volontairement limitée en raison des débouchés. Cette société de consommation ou plus précisément cette société de conditionnement nous contraint, nous les artistes, à produire de plus en plus vite et au moindre coût. De plus il est vrai qu'aujourd'hui, on ne s'adresse plus à son entourage immédiat mais au monde entier et qu'il faut alors produire énormément pour le satisfaire. Victime comme tout le monde, d'un harcèlement administratif, je n'ai jamais assez de temps pour réaliser mon œuvre. Pour poursuivre ma logique de diffusion massive, j'ai besoin d'aller plus vite et d'être le plus productif possible. Après l'image démultipliée, il me faut maintenant la produire en grande série. Au début de ce travail, il m'aurait fallu un an pour peindre 1000 portraits. Aujourd'hui, après un mois de travail, je peux actuellement peindre plus de 5000 conditionnements par an (près de 600 m2) en ne travaillant que quelques heures par jour, et seul. Cela ne me satisfait pas encore et m'entraîne à expérimenter de nouveaux procédés pour passer de la création artisanale à la reproduction mécanique parce que comme disait Warhol "c'est trop embêtant de peindre", et j'ajoute "dans ces conditions". Ou bien il faut arrêter de peindre et s'engager dans des voies artistiques plus sereines telle que la vidéo qui permet une diffusion massive. J'ai, en 2002, ouvert cette porte d'entrée des artistes.
La recherche d'aventures picturales
Je recherche des aventures picturales par un renouvellement incessant de mon travail, j'attends de mon travail qu'il me transporte le plus loin possible, qu'il me dépasse et me surpasse, par la mise en œuvre permanente d'une espèce d'exorcisme pictural à la faveur duquel mon travail échappera à mon contrôle et se manifestera à moi comme une force extérieure me révélant de l'inconnu et du nouveau. Les êtres jusqu'à leur regard sont générés par un mouvement électronique. Ce mouvement ou plutôt ce chaos électronique qui avec si peu de matière insuffle la vie à la matière. Ce surgissement du vivant reste pour moi un mystère. Comprendre le principe de la mutation du physique au biologique. Du visage, je ne conserve que l'idée d'éruption dans l'espace. Je poursuis sans fin ce peu de matière, cette origine de la réalité de la vie aux limites de l'invisible, ce qui s'est réellement offert à mon œil quelques instants pour me révéler une présence et une identité. J'essaie d'explorer de plus en plus vite la matière en ce qu'elle a de plus secret dans un délire de formes et de couleurs. Ce n'est plus une peinture de portraits, c'est une course poursuite des électrons sur leurs trajectoires afin de percer le secret qui leur permet non plus seulement l'évocation du relief, de la couleur et de la matière mais de générer la vie. En même temps, j'essaie de capter les turbulences et les mutations de cette agitation moléculaire qui nous constitue et qui nous fait tout à coup apparaître ou disparaître, qui nous donne un visage particulier et différent des autres, à chaque instant différent de soi, pourtant toujours le même et qui le demeure au travers de nos déplacements ou des déplacements de ceux qui nous regardent. Je recherche la clé de cette permanence et de cette identité au travers des nombreux et changeants visages que je représente, la mémoire de ces visages, leur épure ou leur principe qui organise le mouvement des électrons dans l'espace afin que ces êtres soient ainsi et le demeurent. Je sais aussi que la réalité qui se dresse devant moi peut soudainement se dérober et que tout ce à quoi l'on tient ou l'on croit est constamment mis en danger. La présence et l'identité me semblent alors comme des bulles d'air provenant du cloaque de l'espace et du temps d'où émerge cette vie si instable et si fugitive.
Gaver d'images le spectateur
Il s’agit pour moi d’introduire le spectateur dans un monde ludique (les plateaux à œufs) où son regard sera sans cesse sollicité par des effets visuels en constante gestation. Mon exigence de dépouillement, en simplifiant de plus en plus les visages et en les peignant en noir, est liée à ma recherche des principes élémentaires de la permanence de la présence et de l'identité. Je réduis le visage à ses traits essentiels, une ombre, une empreinte, un tampon, un pictogramme: dépouillé de ses détails, réduit à des signaux, je pense qu'il acquiert ainsi une efficacité visuelle maximale. Cela a aussi pour effet d'ôter aux visages des significations conventionnelles qu'on lui attribue pour n'en conserver que l'apparence, l'image épurée qui provoque alors la fascination. Pour intensifier celle-ci, je démultiplie le même visage sous divers angles, conférant ainsi un aspect cinétique et une dimension spatiale à l'ensemble. C'est aussi l'illusion du mouvement et le mouvement lui-même qui m'intéressent. Les reliefs des conditionnements alvéolaires sont perçus en incessantes transformations, tantôt en creux, tantôt en bosse. L'ambiguïté est accentuée par l'apport aléatoire volontaire des gammes colorées en des associations ou des oppositions de couleurs chaudes et froides, créant ainsi un "perpetuum mobile en trompe l'œil". J'use aussi des subterfuges des réactions physiologiques de la perception visuelle, j'assemble les conditionnements alvéolaires dans l'espace pour créer un effet d'ondulation (Twin towers, Jeu de massacre, Cubes, etc) et j'escompte sur les effets lumineux naturels et artificiels lors des expositions. J'élabore ainsi un univers dans lequel se perd le regard, en composant et recomposant les visages qui se désagrègent aussitôt que devinés, suggérant ainsi le mouvement Je veux ainsi substituer au monde du réel un monde fictif, toujours réel mais mental. Ainsi j'institue de nouvelles relations entre les spectateurs et mon travail puisque le visiteur n'est plus passif, dérangé, il est aussi libre d'interpréter l'image en autant de situations visuelles qu'il pourra en concevoir.
Nous-Eux: les plateaux alvéolés pour Eux
J’ai trouvé dans cette idée de peindre (sur et dans) les plateaux alvéolés pour 30 œufs le prolongement et le composant essentiel de mon art du portrait. Peindre sur une surface plane était devenu ennuyeux. Je voulais éprouver une nouvelle aventure picturale. C’est ainsi que je suis allé sur des terres inexploitées, par monts et par vaux. Je peins des personnages connus. En fait, je manipule et fabrique une représentation (ou une évocation, à la manière d’une icône, une impression) d’une personne connue dont je sais, sans aucun doute, qu’elle est présente dans la mémoire visuelle de mes voyeurs. J’ai besoin de cette mémoire de mes voyeurs pour mon accomplissement. Je veux provoquer et convier cette mémoire à un festin d’Eux. Pour créer la lumière, j’utilise le blanc et le gris des plateaux alvéolés, des couleurs primaires aussi (rouge, bleu et jaune), et leurs complémentaires (orange, violet et vert), des mélanges élémentaires. Pour créer et représenter les ombres des visages, j’utilise le noir. Je joue avec les ombres, les couleurs et les points de vue pour créer une sorte d’enchantement. Les plateaux alvéolés pour œufs se comportent comme un miroir que j’appelle le miroir d’Eux, des Uns et des Autres, dans le texte, en abrégé, le miroir d’Eux. Le miroir d'Eux, lorsqu’il est solitaire, laissé-pour-compte, est une surface immobile, paisible, dormante. Mais le miroir d'Eux est un miroir virtuel. Il porte en lui une autre destinée sous forme d’une infinité de points de vue dont un seul point de vue est le mien. Ainsi, le miroir d’Eux est une œuvre aux aguets. Le miroir d’Eux a la capacité d’être ondoyant et de s’animer lors des déplacements du voyeur. Le miroir d’Eux attend une présence, le voyeur, sa proie. Seul un être vivant en marche peut mettre en mouvement le miroir d’Eux, l’exciter, éveiller la mobilité et la vie que le miroir d’Eux porte en lui. Le miroir d’Eux est à l’image de l’univers qui n’existerait pas sans présence. L’univers est aussi un miroir virtuel. Et au fur et à mesure que le voyeur se déplace, sa trajectoire tourmente le miroir d’Eux. Les cavités et les bosses, le concave et le convexe, la lumière et l’ombre, les couleurs et le noir, combinées au regard et aux points de vue du voyeur, créent des reflets mouvants à la surface mouvementée des miroirs d’Eux. Le miroir d’Eux est pour les voyeurs à priori un monde inédit, étrange qui fascine. La vue d’un visage dans un autre contexte va raviver leur souvenir. Pour les voyeurs, je peins et je projette des êtres qu’ils connaissent mais dans un univers insolite qui n’est pas le leur ou pas encore le leur. Et comme par enchantement, parce qu’il est reflétant, c’est le miroir d’Eux qui va ressusciter l’image ou l’idée que les voyeurs conservent inconsciemment en Eux de ce personnage. Des souvenirs ou des acquis vacants concernant ce personnage. Moment fatidique qui va créer l’enchantement, un instant fugace et magique d’exception soutenu, une sorte de vertige intense, voir du déjà vu sortant d’un abime, du connu durant un instant. Ainsi, au détour du parcours, un personnage apparaît, d’une manière éphémère puis disparaît tel un fugitif. Le miroir d’Eux est un spectacle inattendu où les visages se composent et se décomposent sous les yeux du voyeur. Le voyeur essaie de capter cette empreinte évanescente d’un visage, les contours et les formes du visage se contorsionnent et se corrompent dans l’espace du Miroir d’Eux. C’est un monde qui déroute contraignant à des reculades, des retournements pour apercevoir qui est portraituré. Ce faisant, le voyeur s’adapte et ressuscite des visages enfouis au plus profond de son être (des laissés pour compte). Le miroir d’Eux est aussi un jeu récréatif qui consiste à retrouver mon point de vue. Le voyeur recherche des coïncidences entre ma représentation et mon point de vue et ceux qu’ils ont en eux. En fait, ma peinture est le miroir de l’image que mes voyeurs conservent en Eux. Il s’agit bien du miroir d’Eux, des Uns et des Autres.