Benoît  Tisserand

Jeudi 18 avril 2024

« Le tombeau allégorique et alchimique de Mgr de Beausoleil »

par Benoît Tisserand

Le tombeau des Beausoleil, une demeure alchimique

Benoît Tisserand, nous a déjà présenté le décor du buffet d’orgue de la cathédrale, dû à Mgr de Beausoleil, évêque de Lavaur de 1514 à1521 : bien au-delà de simples décors à l’antique, il a décrypté l’allégorie du voyage d’Ulysse, voguant au péril de la mer et des vents vers Ithaque où l’attend Pénélope sa bien-aimée. Résistant aux avances des prétendants, la belle Pénélope préserve comme elle peut les trésors d'Ithaque, et croit toujours au retour du héros dans son royaume, dont il est le seul roi légitime et dont elle est restée l'épouse fidèle. Pénélope figure l’Église qui dans sa liturgie loue son Seigneur par des hymnes et des cantiques au son des instruments (psaume 150) dans l'attente de la Parousie..

Mgr de Beausoleil, au contact des textes de l’Antiquité, et des idées de l'Académie florentine qui s'étaient propagées en France pendant les guerres d'Italie, choisit d'illustrer les poèmes homériques et fait grand cas de leur puissance évocatrice au cœur  même de sa cathédrale. La Contre-Réforme de l’Église a condamné avec fermeté les programmes iconographiques qui se référaient à l'Antiquité et s'est ingéniée à en faire disparaître les éléments trop saillants. C’est précisément à cette redécouverte que se consacre Benoît Tisserand, appuyé sur une solide connaissance de la culture antique ; il nous propose de la partager en nous embarquant sur la remontée du temps, jusqu’aux idées de la Première Renaissance, bien oubliées de nos jours.

Évoquer la mémoire d’un personnage aussi énigmatique que le dernier évêque élu par le chapitre-cathédrale de Lavaur en 1514, est une gageure.
Le blason des Bello Sole d’azur au soleil flamboyant d’or scintillait jusque dans les recoins les plus sombres de la cathédrale pour rappeler que le prélat en avait conçu la décoration intérieure à ses frais, et en humaniste averti, proposait un savant jeu d’images qui reflétaient sa culture des Anciens et son goût pour la philosophia perennis.
En 1521, il achève son œuvre avec la commande d'un tombeau richement orné.
Oserons-nous interroger son double de pierre, afin qu’il nous révèle les secrets de son Opus Magnum ? A moins que l’enfant accoudé derrière son épaule ne soit plus loquace, il faudrait se résoudre à progresser à tâtons dans la dernière demeure de Simon de Beausoleil pour en tirer le Hault Sens.
Sa dépouille repose toujours dans son enfeu dont le programme iconographique se joue des codes traditionnels du genre et offre différents niveaux de lecture, car, si son monument funéraire fait la part belle à la cosmogonie platonicienne, il devient éloquent à la lueur al-chimique d'Hermès Trismégiste.