Quand la Défense Ultime s'invite
à la Maison Emilie
Quand la Défense Ultime s'invite
à la Maison Emilie
Malmerspach, vendredi 14h. La Maison Emilie* accueille Dedici. Educateurs, parents, direction et Dedici se rencontrent autour de la question :
Finalement, parler de Défense Ultime
et renouveler l'attention à la place des familles,
ça change quoi pour les personnes accompagnées ?
La salle de réunion du 1er étage se remplit au fur et à mesure. Des parents d'enfants confiés à la Maison Emilie. Ils sont trois. Des éducateurs, ils sont six avec leur directrice et trois bénévoles de Dedici. Chacun s'assoit à côté de celui ou celle qu'il connaît. Ambiance conviviale autour d'un café.
Michel, animateur de Dedici, lance le débat qui ne doit pas dépasser 2 heures. La personne vulnérable, entendez la personne en situation de handicap, a besoin d'une protection inconditionnelle. C'est ainsi qu'est née l'idée de Dedici de créer un rôle singulier: la «défense ultime» de la personne vulnérable.
Mais, voilà :
Comment comprendre ce concept nouveau tant auprès des professionnels que des parents?
Comment créer les bonnes conditions pour permettre au défenseur ultime de tenir son rôle dans la durée?
Comment peut-il se situer par rapport aux référents de la personne vulnérable?
Y -a- t-il concurrence? Complémentarité? Stimulation ?
Et bien sûr, très important, qui est -il?
La discussion est ouverte:
«Pour moi, dit la mère de Valérie, le mot «ultime» est choquant. Il est très fort. Cela veut dire jusqu'au bout de la vie de mon enfant ? Après la mort de ses parents ? Après son départ de l'institution?»
Pour les parents, la protection va forcément plus loin, défend la mère de Manon. qui met l'accent sur l'idée d'une attention chaleureuse. La défense ultime poursuit-elle c'est être au plus juste et au plus près de la personne vulnérable. C'est ne pas baisser les bras et ce, sur la durée. Choisir le câlin plutôt que le médicament.
Mais faut-il forcément mettre de l'affect ? Non répond un professionnel. Ceci étant, lorsque la personne vulnérable n'a pas de famille, le rôle du défenseur ultime change. Le soutien, la protection sont amplifiés et on y met de l'affect. Une éducatrice le confirme avec René «quand je le vois, j'ai de l'émotion. Il dégage quelque chose de particulier qui le rend très attachant.». La notion d'affect, cependant, est complexe, reconnaissent les participants.
Mais faut-il forcément mettre de l'affect ? Non répond un professionnel. Ceci étant, lorsque la personne vulnérable n'a pas de famille, le rôle du défenseur ultime change. Le soutien, la protection sont amplifiés et on y met de l'affect. Une éducatrice le confirme avec René «quand je le vois, j'ai de l'émotion. Il dégage quelque chose de particulier qui le rend très attachant.». La notion d'affect, cependant, est complexe, reconnaissent les participants.
Justement, quand le professionnel joue le rôle de défense ultime, quelle borne est à mettre à son engagement personnel ? Ce rôle peut être joué par plusieurs personnes même si le parent est réellement présent, parce qu'il ne peut pas toujours agir sur tous les pans de la vie de son enfant ( santé, vacances...).
Au mot «protéger» souligne un éducateur, je préfère le mot «défense»: défendre ses intérêts par rapport à sa vulnérabilité. D'où l'importance de connaître ses intérêts, ses désirs, ses besoins.
La défense ultime pour moi, ajoute une de ses collègues, c'est l'aider dans ses choix, l'encourager dans ses activités, c'est être son supporter. C'est l'assurer que peu importe ce qui peut lui arriver, je serai là dans la durée».
S'il y a un besoin de défense, c'est qu'il y a attaque, il y a danger. Est-ce vraiment les situations vécues, s'interroge un autre éducateur. Si c'est le cas, le défenseur ultime est son «bouclier».
Et l'un des professionnels d'évoquer cette image: «le soutien, c'est être un peu derrière toi. La protection, c'est être un peu devant toi pour encaisser les coups à ta place.»
Roselyne, la directrice, soulève les difficultés fréquemment rencontrées: « il peut y avoir des malentendus, des incompréhensions entre les parents et l'institution quand la peur prend le dessus sur la réalité. »
Par ailleurs, les parents qui connaissent si bien leur enfant, croient sincèrement que les professionnels ne peuvent pas, mieux qu'eux, trouver les solutions aux problèmes. «Or, insistent les éducateurs, nous ne souhaitons pas que les parents nous donnent leur mode d'emploi. Nous préférons découvrir par nous-mêmes la personne et permettre ainsi la rencontre.» Il ne s'agit pas, en effet de mettre sur un piédestal le parent. Chacun croit savoir, mais peut aussi entendre différemment l'autre. «Oui, mais rétorque un parent, le comportement de notre enfant n'est pas le même à la maison et au sein de l'institution».
Comment créer les conditions favorables pour une coopération favorable entre parents et professionnels ?, relance Michel de Dedici pour engager la deuxième partie de la rencontre.
La mère de Valérie lâche «parfois on a peur de dire ce qui ne va pas avec notre enfant. On a peur de la réaction du professionnel. Alors, je fais attention à ce que je dis pour que mon enfant ne soit pas pénalisé. Parfois, j'ai le sentiment qu'on n'a pas le droit de parler. Le cœur a envie de dire mais le cerveau dit stop de peur que la parole soit mal entendue.»
«Moi, complète sa voisine, je sais que maintenant je peux dire les choses qui ne vont pas sans être dans la colère.»
Vu mon âge, dit encore le père de Thierry, je sais que je ne peux plus m'occuper de mon fils à 100%. C'est obligé que je fasse confiance à l'institution. Je sais qu'ils sont professionnels, ils sont formés pour cela. Ils ont appris à faire. »
Les parents rappellent par ailleurs que le changement de référents professionnels est souvent difficile pour eux. La passation des informations avec le nouveau référent se fait de manière incomplète. « Mais, nous professionnels, justifie l'un d'eux, notre temps est limité ».
Pour une bonne « coresponsabilité », insiste un parent, « il faut assurément de la confiance, de la transparence, de la vérité. C'est en parlant qu'on y arrive. C'est dans l'échange que l'on ose dire, on ose expliquer, on ose questionner. Ce serait bien que toute l'équipe ( infirmière, cuisinier...), et pas seulement le référent entende ce que nous les familles ont a envie de dire. »
Des sujets tabous, il y en a, ou du moins, préfère dire la directrice il y a des sujets plus compliqués ou délicats à partager avec les familles.
La confiance vient quand on prend le temps du temps ensemble, quand on œuvre pour renforcer les relations entre les familles et les professionnels. C'est là précisément le cœur du combat de Dedici, toute la force de sa démarche.
La Maison Emilie à Malmerspach (vallée de Thann) est un foyer d’accueil agréé pour accueillir des personnes en situation de handicap mental, âgées de plus de 20 ans. Ils sont accueillis soit en accueil permanent, soit en accueil temporaire.
Recueilli par B.d'A.