Interview de Brigitte Raussin
"Avec Dedici,
je me suis posé
les bonnes questions"
Interview de Brigitte Raussin
"Avec Dedici,
je me suis posé
les bonnes questions"
Entretien avec Brigitte Raussin, sœur de Kim, 44 ans, pensionnaire à la Maison Emilie à Malmerspach.
Si Brigitte Raussin, 56 ans, accepte de témoigner, c'est parce qu'elle s'est laissée convaincre par la démarche Dedici, découverte il y a deux ans avec sa sœur Kim :
« Dedici m'a amenée à me poser les bonnes questions. J'ai mis du temps à comprendre son projet, sa façon de penser. Mais maintenant, j'y crois assurément, je crois à la défense ultime, une idée forte pour le bien-être de la personne handicapée ».
L'histoire de Kim et celle de Brigitte sont comme un tricot, des fils intimement liés depuis l'entrée de Kim dans la famille. Brigitte, quatrième fille d'un couple profondément croyant et militant, voit arriver progressivement en 1971, en 1974 et 1982 un frère et deux sœurs adoptés dont deux sont handicapés.
C'est une volonté des parents, accueillir ceux qui auront le moins de chance d'être adoptés. Kim est alors une petite coréenne de 3 ans, sortie de l'orphelinat après une existence cauchemardesque de maltraitance. Plus tard, la famille découvre son handicap, autisme grave, maladie génétique non identifiée, mal voyante, mal entendante, s'exprimant très difficilement.
Pétrie des valeurs humanistes et généreuses de ses parents, Brigitte devient tout naturellement le soutien inconditionnel de sa mère pour s'occuper de son frère et de sa sœur handicapés. Très rapidement, Kim occupe une place essentielle dans l'existence de Brigitte : « Kim est comme ma fille, c'est ma joie de vivre. Je l'aime énormément ». Elle l'a placée sous son aile dès le début puis a redoublé de soins et d'attention à la mort de son père, alors qu'elle n'avait que 18 ans. Et depuis l’AVC de sa mère en 2016, elle est devenue sa tutrice.
Décider de soutenir sa famille a eu des conséquences lourdes au niveau professionnel et personnel pour elle. Et après quarante années d’aide sans limite, l’épuisement est là.
Qui plus est, Brigitte garde en elle une certaine amertume : « quand on est juste une sœur aidante, on n’est absolument pas reconnue par l'entourage ni l'institution. Cette non reconnaissance est difficile à accepter.»
Quand Kim, pensionnaire longtemps dans un centre d'accueil de jour, intègre comme interne la maison Emilie à Malmerspach, Brigitte se dit : « j'ai gagné au loto », tant ce lieu est « le meilleur foyer que je connaisse, on y travaille dans la bienveillance et la gentillesse.» Brigitte ne se sent plus seule à accompagner Kim.
C'est là qu'il y a la rencontre avec Dedici.
Grâce aux ateliers qu'il organise, où parents et éducateurs se retrouvent, Brigitte chemine. Ses idées, ses convictions, ses croyances bougent au fil des rencontres. Brigitte s’interroge sur son rôle, sa place auprès de Kim.
« J'ai pris conscience que j'infantilisais peut-être trop Kim, que je lui imposais parfois mes décisions. A vouloir la surprotéger, l'ai-je vraiment aidée ? Un exemple: elle ne voulait plus aller à la piscine alors que je persistais à penser qu'elle en avait besoin pour sa santé. J'ai compris plus tard, qu'elle voulait simplement rester avec son chéri qui, lui, n'allait pas à la piscine. Aujourd'hui, je me dis que mon lien fusionnel avec Kim l'empêche peut-être de vivre pleinement sa vie dans l'institution ou ne permet pas aux autres d'occuper une place auprès d'elle. Pour moi, elle a droit aussi d’avoir sa propre vie privée. Suis-je obligée de tout savoir? »
Brigitte se reconnaît aujourd'hui comme le défenseur ultime de sa sœur Kim. Mais, pense-t-elle, le défenseur ultime ne devrait pas être de la famille ni de l'institution. Il devrait être une personne plus neutre, une tierce personne. « Les familles aimantes commettent aussi des erreurs. Les professionnels peuvent être excellents, mais ils font ce qu'ils peuvent avec les moyens dont ils disposent. Ce regard extérieur est à mes yeux salutaire, plus sain. Il permet de prendre des décisions collégiales plus justes en intégrant la personne aidée autant que possible ». Et Brigitte d'ajouter qu'elle a dans ses cartons un projet de parrainage pour permettre à des personnes disponibles, sensibles au handicap, de s'investir pour devenir défenseurs ultimes.
Le rôle du défenseur ultime ? Voilà comme Brigitte le conçoit :
« Donner la parole à la personne handicapée, être sa voix aussi, être l'intermédiaire entre le professionnel et la famille, défendre ses intérêts dans les décisions importantes, être un outil de contrôle pour que tout se passe bien »
« Ce qui est le plus important pour moi est de comprendre que Dedici invite à mettre la personne aidée au coeur des décisions qui la concerne en trouvant "des facilitateurs de vie". La présence de cette personne est une forme de répit pour nous, la certitude que nos parents vulnérables seront soutenus, ne seront pas seuls face aux institutions. »
Penser « à l'après », oui, bien sûr, Brigitte ne fait pas l'autruche. « Je pense qu'il sera nécessaire de passer le relais. Qu'il y ait plusieurs personnes qui prennent soin de Kim, c'est bien pour elle, j'en suis convaincue ».
Recueilli par B.d'A.