Les personnes accompagnées
se renforcent en disant "je"
Les personnes accompagnées
se renforcent en disant "je"
Le terme de démarche est plus approprié parce qu'il y a une sorte de plasticité. Comme toute innovation sociale, la démarche Dedici se diffuse différemment dans chaque association partenaire, les acteurs vont introduire différemment cette innovation.
Une méthode suppose un protocole défini, la démarche implique une possibilité de s'adapter.
Dedici est une innovation sociale parce que sa démarche offre une approche différente, on sort de la technicisation des liens dans le travail social, pour privilégier le rapport à l'autre, le rapport à l'altérité. Comment je réapprends à être sensible à l'autre, à sa singularité, à me décentrer.
C'est en cela que c'est une innovation, où l'on retrouve peut-être quelque chose qui était perdu, où on renoue avec une conception du métier qui s'était perdue à cause de la standardisation, de la nécessité de rendre des comptes, d'appliquer un protocole...
« Dedici amène les professionnels
à faire un pas de côté,
à les mettre dans une situation de présence avec la personne,
à être là,
à l'écoute »
Dedici amène les professionnels à faire un pas de côté, à les mettre dans une situation de présence avec la personne – au sein des « cabanes » - à être là, à l'écoute. Et de renouer avec cette question comment je tisse du lien, je prête attention, comment je remets le « care » au centre... Se rendre disponible. Ce travail d'attention, d'écoute, est sanctuarisé au sein des cabanes.
C'est peut-être aussi simplement renouer avec les fondamentaux du métier.
L'autre aspect innovant de Dedici, ce sont les ateliers de renforcement.
Ces ateliers ont été conçus pour voir comment on travaille la défense ultime avec les trois « acteurs » de la démarche Dedici.
Les parents, qui jouent souvent le rôle de la défense ultime, ont détourné ces ateliers en groupe de parole parce que cela répondait à un besoin social. Certains se sont appropriés cet endroit parce qu'il y a un besoin de narration du passé, nécessaire pour écrire le futur.
Pour les personnes accompagnées, c'est aussi devenu un groupe de parole qui a permis de se rendre compte de certaines situations. Il n'y a pas de groupes de parole collectifs, extérieurs à l'institution, animés par un tiers, où on peut exprimer des choses, des envies, des désirs. Et ces ateliers fonctionnent dans une logique de pair-aidance.
[La pair-aidance en santé mentale, est une pratique qui repose sur l'entraide entre personnes vivant la même maladie psychique].
Les personnes peuvent partager une expérience, voir que l'autre vit différemment, s'identifier et se dire : je peux aussi y arriver. Cela peut briser des frontières mentales. On constate dans ces ateliers l'importance du récit des personnes accompagnées qui n'ont pas forcément beaucoup d'espace pour se raconter. La plupart du temps, d'autres personnes parlent à leur place. Et les personnes accompagnées se renforcent en se racontant, en disant « je ». Elles construisent, affirment leur identité. Ces ateliers permettent la mise en scène du « je », c'est qualitatif, ça fait bouger les choses.
C'est une notion qui reste controversée, dans le sens où elle ne fait pas l'unanimité chez les personnes rencontrées. Peut-être faut-il changer de terme, il y a des difficultés de compréhension de la part des acteurs et d'appropriation. Il faut rendre cette notion plus explicite, plus pédagogique.
Certaines personnes qui jouent ce rôle ne se voient pas en défenseur ultime, parce qu'elles pensent que cela peut aller à l'encontre du pouvoir d'agir, de l'autodétermination de la personne accompagnée.
Ceux qui exercent ce rôle se voient plutôt là en soutien, pour garantir les conditions permettant à la personne accompagnée d'être dans un environnement « capacitant », permettant leur pouvoir d'agir.
On voit des approches différentes de cette notion. Certains souhaitent que le rôle de la défense ultime soit joué par un collectif d'acteurs autour de la personne accompagnée.
Des parents préconisent de confier ce rôle à un tiers neutre, une personne extérieure, en dehors du cercle des proches ou de l'institution, une personne qu'on pourrait trouver au sein d'un vivier de bénévoles.
La différence avec un tuteur curateur, c'est que cette personne n'aurait pas de mission
« technique » mais celle d'être dans le lien, l'écoute.
La troisième catégorie est celle des parents qui se reconnaissent dans les seules personnes pouvant exercer la défense ultime, ils ont parfois du mal à déléguer à un tiers.
Chez certains il y a un tiraillement entre une envie d'être dans cette attention renforcée à la personne accompagnée et l'organisation du quotidien qui laisse peu de place pour cela, avec parfois des injonctions contradictoires. La question du sens, des fondamentaux du métier est présente.
La démarche Dedici, les cabanes, les ateliers exigent du temps. L'enjeu est de savoir comment pérenniser cette démarche.
Recueilli par F.M.