foyer mimont
Vidéos inédites, des témoignages extraordinaires.
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Zidane, les années de la rue Mimont
C'est au foyer des jeunes travailleurs de Cannes que Zinédine Zidane est entré dans la vie d'adulte. Le jeune homme timide y a fait ses premiers pas dans le monde pro, rencontré son épouse, et noué une amitié indéfectible avec David Bettoni, devenu son adjoint au Real Madrid.
L'image est furtive. Ce 3 juin, Felix Brych, l'arbitre de la finale de la Ligue des champions, vient de siffler la fin de la rencontre, au Millennium Stadium de Cardiff. Derrière Zinédine Zidane, qui vient de mener le Real Madrid à la conquête d'une douzième C1, un an après la onzième, un homme s'approche. C'est David Bettoni, l'entraîneur adjoint du Real. Les deux techniciens s'étreignent, sans ostentation aucune, les caméras saisissent à peine l'instant.
Puis Zidane s'en va féliciter ses joueurs, avant d'être emporté par le tourbillon. Cette accolade a échappé à l'attention du monde, mais pas à quelques copains assis devant leur écran sur les bords de la Méditerranée. Eux guettaient la scène. Elle représente toute leur adolescence. Les meilleurs moments d'une vie partagée entre ciel et mer, dans un foyer, creuset d'une amitié qui a, d'une certaine manière, écrit un petit pan de l'histoire du football. C'était à Cannes, il y a trente ans, au 5 de la rue Mimont. Une petite rue du centre-ville à quelques encablures de la gare.
Un nom qui remonte à une époque où la ville était encore un petit village, quand ce chemin en terre s'en allait au milieu de la colline. C'est ici, à flanc de coteau, que des religieuses ont établi en 1868 un orphelinat de jeunes filles. Une bonne œuvre qui sera reconnue d'utilité publique en 1877. En 1973, l'orphelinat se transforme en foyer de jeunes travailleurs. Un endroit où des garçons et des filles qui commencent leur vie professionnelle trouvent pour pas cher un premier logis. «C'est plus qu'un logement, explique Pascale Leyrat, la directrice actuelle du Logis des jeunes de Provence. C'est un lieu avec des valeurs de respect, de citoyenneté qui doit les aider à devenir autonomes. Il y a ici une animation collective où les uns et les autres se construisent avec leurs pairs. On fait confiance à l'humain.»
Zidane va séjourner quatre ans, de 16 à 20 ans, au foyer de jeunes travailleurs de la rue Mimont où l'AS Cannes logeait ses apprentis footballeurs.
C'est exactement ce qu'il adviendra avec Zinédine Zidane. Lorsque Jean Varraud, recruteur à l'AS Cannes, le détecte sur un terrain du CREPS d'Aix-en-Provence et qu'il le fait venir au centre de formation cannois, le jeune Zidane, 15 ans, passe d'abord une première année dans une famille d'accueil, chez Jean-Claude et Nicole Élineau, dans le petit village de Pégomas. Puis le 19 juillet 1988, dix ans presque jour pour jour avant la finale de la Coupe du monde, il intègre le foyer Mimont avec lequel l'AS Cannes a passé un accord pour loger la quinzaine d'apprentis footballeurs de son centre de formation. Le Marseillais va y rester quatre ans, de 16 à 20 ans.
Le foyer compte quelque deux cents logements, les footballeurs côtoient des jeunes de tous horizons, de toutes professions. Il y a également un centre de danse dont la salle de travail est à l'époque à l'intérieur du foyer. Les footballeurs ne sont pas insensibles au charme des danseuses. Et réciproquement.
Le soir tout le monde se retrouve au réfectoire. «C'était notre monde.» Assis dans cette même salle qui fait toujours office de cantine, Denis Armbruster nous fait visiter les lieux où il a vécu plusieurs années. Denis n'a pas fait carrière dans le foot, il travaille aujourd'hui dans un laboratoire de parfums à Grasse. À l'époque, jeune footballeur doué en Alsace, il est sollicité par Toulouse et le PSG, mais c'est Arsène Wenger, alors responsable du centre de formation de Cannes, qui est le plus prompt et le repère en 1984, juste avant d'aller prendre en main sa première équipe pro, à Nancy.
Denis arrivera l'année suivante au foyer Mimont. «On se retrouvait le soir pour manger après l'entraînement et puis on allait s'installer sur le grand escalier avant que la cafèt n'ouvre. Et là, ça chambrait. Quand la cafèt ouvrait à 20 h 30, on allait s'y réfugier et refaire le monde. On était comme une famille, bien entre nous. Nous vivions ensemble vingt-quatre heures sur vingt-quatre. On était très soudés. Pourtant on était en concurrence, à la fin de chaque saison certains étaient retenus, d'autres pas. Mais, dès que quelqu'un avait un problème, les autres étaient là.»
«Yazid et David étaient toujours ensemble, des jumeaux même si c'était le brun et le blond», Denis Armbruster, ancien stagiaire de l'AS Cannes
Il y avait les Marseillais, proches sans pour autant constituer un clan, Jojo Madi Moussa, Franck Gomez, Nouredine Mouka, Éric Giacopino, puis Zidane donc. Et d'autres venus de partout au fil des ans, Fabrice Monacchino, Denis Armbruster, Gilles Hampartzoumian, Frédéric Dufau, David Bettoni, Michel Almandoz.
L'extinction des feux tombait à 22 h 30. Le lendemain matin, tout le monde se retrouvait au petit déjeuner. «Là, fallait pas se manquer, se souvient Denis, si t'avais mis un tee-shirt un peu bizarre, tu chargeais. Ensuite, nous, les plus anciens, quand on a eu notre permis, on a emmené les plus jeunes à l'entraînement. J'avais une Talbot Samba.» Ils suivent aussi des cours à l'institut Nérée, tout proche, afin de passer le CAP des métiers du football. Ils sont mêlés aux apprentis bouchers, coiffeurs. Ils se confrontent ainsi à un autre univers que celui du ballon. C'était la particularité du centre de formation de Cannes, situé, comme le stade, au pied des HLM de la Bocca : les apprentis footballeurs vivaient dans la cité.
À partir de 1988, Zidane occupe la chambre 207. Ce sont des chambres très correctes d'une dizaine de mètres carrés, louées à l'époque 1 135 francs par mois réglés par l'AS Cannes. Il intègre ensuite un studio au 2e étage. Le 924. L'appartement est plus vaste, il comporte une salle de bains, un petit bar, une grande pièce et un petit balcon. Dans sa salle de bains, Zidane est un des rares à disposer d'un bidet. Le studio voisin, le 923, est alors occupé par un jeune de Saint-Priest dans le Rhône, David Bettoni. Le médecin du club lui a prescrit des bains de pieds chaque soir pour soulager ses ampoules. Gentiment, son voisin lui propose son bidet pour effectuer les soins. C'est ainsi que tous les soirs, Bettoni (né en novembre 1971) se rend dans la chambre de Zidane (né en juin 1972).
Une amitié particulière se forge alors entre ces deux garçons qui partagent nombre de traits de caractère. Valérie, la compagne de Denis Armbruster, qui était aussi au foyer Mimont à cette époque, se rappelle parfaitement ce lien particulier entre David et Yazid, ou Yaz, comme l'appellent – aujourd'hui encore – ses amis de Mimont. «Ils étaient tous les deux très réservés, dit-elle, timides. David peut-être encore plus que Yazid. C'étaient des garçons très bien, éduqués, polis...» «Ils étaient toujours ensemble, des jumeaux même si c'était le brun et le blond, le grand et le petit, poursuit Denis .Ils étaient de gros mangeurs tous les deux, pour les repas, tous les soirs, ils allaient se chercher une baguette à la boulangerie.» «Oui, Ils étaient comme des frères, reprend Valérie, jamais l'un sans l'autre et aujourd'hui, ils sont encore ensemble, c'est une belle histoire d'amitié.»
Le foyer de jeunes travailleurs Mimont dans lequel Zidane et ses amis ont habité lorsqu'ils étaient au centre de formation de l'AS Cannes. (J. Goldstein/L'Equipe)
Valérie logeait dans le bâtiment des filles où résidait également Véronique, une jolie danseuse de l'école Rosella Hightower, arrivée de Rodez en 1990. Forcément, au foyer, des couples se sont formés, certains ont perduré. L'idylle entre Zinédine Zidane et Véronique s'est nouée un après-midi d'hiver. Il avait neigé sur la Croisette. Un groupe de garçons et de filles du foyer sont partis se promener au bord de la mer. Rires, bataille de boules de neige, la journée s'achève au foyer autour d'un verre et deux vies basculent.
Les locataires du foyer forment un petit monde sur lequel veille avec fermeté et bienveillance Blanca Blanes. Arrivée d'Espagne en 1965, Blanca a d'abord fait des ménages avant de devenir la gouvernante du foyer Mimont en 1984. Tous les joueurs l'appellent «Tata Blanca». Elle s'occupe des petits et grands soucis. Blanca a pris sa retraite en 2007. «J'en ai vu passer des cons et des moins cons», sourit-elle. Ses petits sont devenus grands. Elle vit toujours à Cannes, dans un petit appartement coquet où elle collectionne des hiboux et des anges. Quatre-vingt-cinq ans mais un dynamisme intact. «Vous avez vu ce qu'il a fait en dix-huit mois au Real, mon petit Zidane... Moi, je suis Barça à 100 % mais quand même, c'est formidable.»
Elle garde une tendresse pour chacun, son album photo c'est un album Panini. «Là, c'est Vieira, dit-elle, il m'appelle chaque année au réveillon. Et là, c'est ce con de Luis.» Luis, c'est Fernandez, qui passa cinq ans à l'AS Cannes (1989-1994) pour y finir sa carrière de joueur et débuter celle d'entraîneur, avec qui visiblement Blanca entretient des rapports amicaux conflictuels. Et puis Zidane bien sûr. «Il était si gentil, bien élevé, poli... Mais toute cette bande, c'était de bons garçons. Après, les générations qui ont suivi, ce n'était plus pareil. Le père de Zidane venait le voir régulièrement, il prenait le train depuis Marseille, des gens très bien les parents Zidane, très respectueux. Vous savez, quand M. Varraud est décédé (en 2006, en pleine Coupe du monde), lui qui bénévolement a tant fait pour l'AS Cannes, eh bien, à son enterrement il n'y avait pas grand monde. Mais il y avait M. Zidane !»
Tous les ans, Blanca rentre chez elle dans les Asturies. Elle passe par Madrid, frôle Bernabeu. «Mais je n'ose pas aller le voir. Je l'ai vu l'autre jour à la télé, pour la finale, il y avait David aussi, ce sont mes petits.» À deux pas de chez Blanca, le stade Coubertin, la Bocca, a subi l'usure du temps. Les vestiaires où évoluaient les pensionnaires du foyer Mimont sont toujours à la même place. Mais sonnent creux. De nouveaux dirigeants comme Yohan Micoud, devenu président, tentent de relancer le club. De faire revivre une époque bénie où le club formait des talents à foison.
Blanca Blanes, la gouvernante qui s'est occupé de Zinedine Zidane lorsqu'ils étaient au centre de formation de l'AS Cannes. (J. Goldstein/L'Equipe)
Dans ce temps-là, c'est Guy Lacombe, un éducateur passionné et exigeant, qui était responsable du centre de formation cannois. Zidane progresse par son talent bien sûr, mais surtout par un travail acharné. Malgré son jeune âge, il est souvent appelé à s'entraîner avec les pros, coachés par Jean Fernandez, qui le fera débuter en Première Division le 20 mai 1989, à Nantes, quelques semaines avant ses 17 ans.
Dans un vieux classeur, Guy Sporn, éducateur au club depuis 1971, nous montre les photos jaunies des équipes de jeunes. Les soirs de match ou pour l'anniversaire de l'un d'eux, tout le monde se retrouve dans une pizzeria, chez Xavier, non loin du foyer. «C'était le QG», dit Sporn. La rumeur assure que l'on y mange les meilleures pizzas de la cité. C'est Christian qui les préparait. Il est toujours devant son four, depuis trente-cinq ans, à raison de quelque 150 pizzas quotidiennes. «Je ne donnerai jamais ma recette que m'a confiée mon maître napolitain, assure-t-il, même pas à la plus belle fille du monde.»
Toute la bande prenait une grande table à l'étage. C'était le temps de l'insouciance et de l'amitié. René Letzgus a tiré de cette histoire un film magnifique, Une équipe de rêve, pour lequel il a reconstitué cette équipe du foyer Mimont vingt ans après. Peu ont vraiment fait carrière dans le foot de haut niveau. Gilles Hampartzoumian a disputé 92 matches en D 1, avec Cannes et Lille. Fabrice Monacchino a été pro avec l'AS Cannes et Le Mans, David Bettoni à Cannes, Istres et Alès. Denis Armbruster a joué quelques saisons à Bastia puis à Tours en D 2. Jojo Madi Moussa est devenu ambulancier. Franck Gomez est retourné à Marseille où il travaille à l'usine de sucre Saint Louis. Nouredine Mouka est employé à la FNAC de Cannes, éric Giacopino est responsable d'une entreprise d'ambulances, Frédéric Dufau travaille au service des sports de Cagnes-sur-Mer...
En 2005, Zidane ne se voit pas encore devenir entraîneur tandis que son copain David a cela dans la peau
Au moment du film, David Bettoni, après avoir poursuivi sa carrière dans de petits clubs de D 2 et D 3 italiens à l'initiative de Zidane, quand celui-ci avait signé à la Juve (en 1996), était éducateur à l'AS Cannes. Pour le besoin du documentaire, en octobre 2005, il rejoint Zidane qui se trouve alors à Clairefontaine avec l'équipe de France. Les deux hommes discutent de la composition de l'équipe Mimont. «Qu'est-ce que t'en penses ?» lui demande Bettoni. «Ah non, répond Zidane, s'il y a un coach parmi les gars de cette équipe, c'est bien toi.» À cette époque, Zidane ne se voit pas encore devenir entraîneur tandis que son copain David a cela dans la peau. «Bettoni était un très bon éducateur, explique Guy Sporn. À Cannes, il s'est occupé des 14 ans nationaux puis des U 17 et des U 19. Il avait le sérieux et la gnac.» «David était un gros bosseur, poursuit Denis Armbruster. Il faisait attention à tout. Et c'était un meneur d'hommes. Je pense que c'est lui qui a amené Yazid à l'entraînement...Et ils ont passé leur brevet ensemble.»
Effectivement, les deux amis de jeunesse ont passé ensemble une partie de leur cursus pour le diplôme d'entraîneur professionnel à Clairefontaine. Avec un tuteur qui n'est autre que... Guy Lacombe, devenu entraîneur à la DTN. «C'est fou comme histoire, sourit aujourd'hui ce dernier. Un jour où je leur rendais visite à Madrid, on était tous les trois dans un ascenseur au Real. Je les ai regardés et leur ai dit : “Vous vous rendez compte, c'est dingue de se retrouver là tous les trois. Après ce qu'on a vécu ensemble à Cannes”...»
1988, l'équipe réserve de Cannes coachée par Guy Lacombe, ici aux côtés de Zidane. David Bettoni est au premier rang (3e en partant de la droite).
À ce moment-là, ils ne pouvaient s'imaginer un tel destin. Ils vivaient leur jeunesse pleinement mais sagement. «David et Yaz étaient vraiment sérieux tous les deux, se souvient Denis. On vivait sur la Côte d'Azur quand même, mais ils ne sortaient jamais, c'était deux gros travailleurs.» «Bettoni était un bon petit joueur, accrocheur», se souvient Guy Sporn. Sa carrière ne l'emmènera pas plus haut que la Ligue 2, mais il aura quand même joué quelques matches de D 1 avec son ami Yazid, à Cannes, en 1991-1992. La fin de cette saison marquera celle de leur voisinage dans la «résidence sociale».
Cannes est relégué en D2 et Zidane recruté par Bordeaux. Bettoni, lui, va signer son premier contrat pro. C'est l'heure des vacances. Le foyer est désert, ils sont les derniers à faire leur sac. Yaz et David ferment une dernière fois les portes de leurs studios 923 et 924. Saluent Marcel à l'accueil et quittent Cannes, ensemble, l'un dans sa Clio rouge offerte par le président de l'AS Cannes pour son premier but en D1 en février 1991, et l'autre avec une Ford Fiesta. Ils rentrent chez eux, Zidane à Marseille, Bettoni à Saint-Priest. Sur l'autoroute, ils se suivent, se tirent la bourre. À Aix, l'A8 se divise. Une voie poursuit vers Lyon et l'autre, l'A51, file vers Marseille. Leurs destins se séparent. Pas leur amitié. Ils se saluent d'un petit signe à travers la vitre. Un geste simple et pudique. Comme à Cardiff, sur la pelouse du Millennium Stadium.
De 1982 à 1990 de très nombreux joueurs, français et étrangers, ont été contactés à des degrés divers. De coups de téléphone en négociations interminables, le plus souvent orchestrées par des impresarii au profil de requins, les rapports entre dirigeants cannois et vedettes du ballon rond, ont souvent donné lieu à des situations cocasses. Celles qui sont évoquées ci-après, feront comprendre au lecteur combien il est difficile d'exercer les fonctions de recruteurs au sein d'un club professionnel, principalement lorsque"l'appât" essentiel-l'argent en l'occurrence-fait défaut !
C'est en 1983 que Richard conte et jean marc Guillouont songé à recruter ce véritable monument du football mondial,une idée folle qui n'a pas abouti pour la simple raison que le triple ballon d'or, malgré plusieurs tentatives d'approche de dick van dijk ,n'a jamais pu être joint. Mais les dirigeants cannois se consoleront quelque temps plus tard, en engageant une autre célébrité hollandaise : Rudi Krol !