DRAGUIGNAN-AS CANNES CDF
Vidéos inédites, des témoignages extraordinaires.
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Retour sur un match de légende opposant le Sporting club Draguignan à l’AS Cannes en coupe de France
Dimanche 20 décembre 1992, devant 4 000 supporters, le Sporting Club Draguignan recevait l’AS Cannes, alors en deuxième division, lors du 7e tour de la Coupe de France. Un match gravé dans l’histoire du football local.
Théo Sivazlian
Publié le 16/02/2023 à 16:45, mis à jour le 16/02/2023 à 18:19
S’ils s’étaient inclinés 3-1, les amateurs Dracénois avaient livré une belle bataille face aux professionnels cannois. Photo Christophe Chavignaud et Philippe Obriot
Imaginez un stade Raoul Brulat plein à craquer, avec deux tribunes, dont une investie par un petit groupe d’ultras dracénois, les "Black Devils".
Imaginez encore la venue de Johan Micoud, en tant que joueur, ou de Luis Fernandez, en tant qu’entraîneur, pour sa grande première sur un banc.
Imaginez enfin une équipe 100% dracénoise ou presque qui, malgré l’écart de division, parvient par sa hargne et sa jeunesse à faire douter l’ogre cannois.
La légende du Sporting
Oui, le Sporting Club Draguignan (SCD) a une histoire. Non, il n’a pas toujours été aussi moribond que ces trop longues dernières années, incapable de rallumer la flamme dans un football amateur moderne toujours plus exigeant et coûteux.
Toute une génération n’a jamais vu l’équipe fanion du SCD à la fête. Pourtant, fête il y eut, dimanche 20 décembre 1992. En tribunes et sur le terrain.
Le match a marqué toute une génération de Dracénois. Photo Christophe Chavignaud et Philippe Arnassan .
"Nous étions le petit Poucet de la Coupe de France, celui qui se bat contre les grands, se remémore Denis Baudino, milieu de terrain historique du club. Il y avait tellement de personnes au stade, entre la famille, les amis, les officiels… Je crois que ça nous avait un peu crispés en début de match."
Quand je repense à la clameur du stade…
Frédéric Balp, ex-avant-centre du SCD, entraîneur de l’AS Estérel
Les Dracénois commencent sur la défensive, laissant leur adversaire cannois développer son jeu et ses actions. Khirat se signale d’abord par une frappe tendue des 16mètres, qui met à contribution Gamba, le portier du Sporting. Et à la 23e minute, l’ouverture du score de Franck Priou, suite à un corner mal dégagé, fait taire Raoul-Brulat.
Luis Fernandez, lui, s’en félicite. Il se souvient de Priou comme un attaquant "idéal, avec du caractère et de la personnalité. Il était toujours bien placé dans la surface."
Arrivé pour créer un choc psychologique dans une équipe alors mal classée en deuxième division, Fernandez, privé de William Ayache, presse ses joueurs d’inscrire un deuxième but. Priou, une nouvelle fois, répond à son appel, à la 33e de la tête, alors que le SCD était dans un temps fort. 0-2. Dur.
Même les plus bruyants supporters marquent le coup. Juste avant la pause, Baudino tente de sonner la révolte d’une superbe reprise de volée, mais Amitrano, le gardien cannois, repousse le ballon d’une envolée. 45 minutes sont passées et la sensation que les Dracénois peuvent mieux faire demeure.
"C’était un rêve d’enfant"
"On s’est aperçus qu’il n’y avait pas une grande différence dans l’impact, les duels. Nous avons voulu miser dessus lors de la seconde période." En bon numéro 10, Baudino prend les choses en main. Il distille nombre de passes clé, secondé par l’autre Denis, Mékidèche. Devant, Frédéric Balp, alors âgé de 23 ans, se démène, malgré une blessure qui aurait dû le priver de ce match.
"L’entraîneur Gérard Fabre ne le savait pas, mais j’ai joué avec une infiltration, raconte-t-il. J’avais la cheville anesthésiée. Gérard a compris que j’avais mal pendant la rencontre et comptait me sortir à l’heure de jeu, vers la 60e. Sauf qu’à ce moment..." Après un appel excentré côté droit, Balp, avant-centre rapide et dribbleur, se joue d’Amitrano. 1- 2.
L’espoir renaît
L’équipe du SCD au grand complet, juste avant le coup d’envoi contre l’AS Cannes. Photo Christophe Chavignaud et Philippe Obriot .
"Il s’est passé tant de choses dans ma tête… En tant que Dracénois, amoureux de la ville et de ses couleurs, c’était un rêve d’enfant, explique-t-il, nostalgique. J’ai encore les frissons quand je repense à la clameur du stade. Il n’y a pas mieux que de marquer devant son public."
Un public qui se déchaîne, sent l’incroyable retour possible et redouble d’intensité dans ses chants.
Le Sporting est toujours en vie. Pendant un bon quart d’heure, les noirs et blancs vont pousser et même avoir une balle de 2-2, par l’intermédiaire de Baudino, bien placé dans la moitié de terrain cannoise. Mais sa frappe est ratée.
S’ensuit, derrière, un suspense maintenu jusqu’au bout, grâce à de la réussite - Cannes touchant les montants à trois reprises - et une forte abnégation des Dracénois, qui finiront à 10 après la sortie de Derderian.
À bout de forces
Exténués, ils ne peuvent éviter le troisième but des hommes de Fernandez dans les ultimes secondes, cette fois-ci par l’intermédiaire de Monachino sur un beau centre de Micoud. 1-3. Le rêve de qualification est passé. La trace laissée par cette équipe de copains, non.
"C’était un autre temps, où parmi les amateurs, l’attachement au maillot avait un vrai sens, regrette Frédéric Balp. Il se transmettait de génération en génération."
Aujourd’hui, c’est à la nouvelle de prendre la relève de ses glorieux aînés.
1. Remerciement tout particulier à Christophe Demaret, caméraman de l’AS Cannes et véritable passionné du club, pour ses précieuses archives. Son site internet, Museeascannesfootball.fr, est une référence en la matière.
LE MAILLOT DU MATCH
PORTÉ PAR DAVID BETTONI
Un parcours très honorable
Retour en arrière. À l’issue de la saison -, les Dracénois, entraînés par Gérard Fabre, ancien joueur professionnel passé par Toulon, parviennent à monter en division d’honneur (DH) après une victoire - contre Carpentras.
Ils ont rempli leur objectif initial. Le président Degrandy fête même la montée dans les vestiaires avec ses joueurs. Prochaine étape : bien débuter en DH et, pourquoi pas, réaliser une épopée en Coupe. Pas n’importe laquelle. La Coupe de France, celle de tous les possibles, tant appréciée par le public.
Le SCD affronte d’abord le FC Hyères, alors en quatrième division, qu’il sort de la compétition en l’emportant -. Buts inscrits par Chiappero, Mékidèche et Balp. Antibes, adversaire suivant, est battu sur le score de - devant personnes grâce, cette fois, à un doublé du géant Cazenave.
Au septième tour, c’est l’euphorie : l’AS Cannes se déplace à Raoul-Brulat. Draguignan tout entier rentre en effervescence. La suite appartient à l’histoire. Les joueurs sur la feuille de match présents pour cette rencontre : Collard, Jubelin, Hernandez, Mallassenet, Balp, Duhan, Chiappero, Mékidèche, Casenave, Baudino, Reboul, Gamba et Derderian.
Dimanche 20 décembre 1992, devant 4 000 supporters, le Sporting Club Draguignan recevait l’AS Cannes, alors en deuxième division, lors du 7e tour de la Coupe de France. Un match gravé dans l’histoire du football local avec une ambiance exceptionnelle au stade Raoul-Brulat, face à un AS Cannes à son apogée.
Théo Sivazlian
Publié le 16/02/2023 à 17:30, mis à jour le 16/02/2023 à 18:18
Un tour d’honneur bien mérité à la fin de la rencontre pour les joueurs du Sporting. Photo Christophe Chavignaud et Philippe Obriot
Les Dracénois ont convergé en masse vers "le vieux temple du football local", comme le relate Philippe Obriot pour Var-matin dans son édition du lendemain, lundi 21 décembre 1992.
"Dès midi, les gradins sont copieusement garnis"et toujours, des groupes se dirigent vers le stade, "si bien qu’à deux heures du coup d’envoi, ça bouchonne aux entrées", souligne-t-il.
"Les Dracénois ont convergé en masse vers "le vieux temple du football local", comme le relate Philippe Obriot pour Var-matin dans son édition du lendemain du match de coupe de France opposant le Sporting club Draguignan à l’AS Cannes, lundi 21 décembre 1992.
"Dès midi, les gradins sont copieusement garnis" et toujours, des groupes se dirigent vers le stade, " si bien qu’à deux heures du coup d’envoi, ça bouchonne aux entrées", souligne-t-il.
À l’intérieur de l’enceinte, après la fouille des CRS et la présence de chiens policiers, il faut se faire sa place "le long de la main courante, où sur trois ou quatre rangs, les supporters donnent de la voix bien avant le coup d’envoi."
Chants, drapeaux, banderoles... Christophe est l’un d’entre eux. Lui et quelques amis sont regroupés dans la tribune dite "populaire".
Ils ont formé, pour ce match contre l’AS Cannes, un petit groupe d’ultras nommé les "Black Devils". Littéralement, les "diables noirs".
Une ambiance digne des grands matchs
"Nous avions confectionné des drapeaux, des banderoles avec des draps, envoyé des papelitos (petits bouts de papier que l’on jette sur le terrain, une tradition répandue chez les supporters sud-américains, NDLR). Tout était artisanal, en s’inspirant du modèle à l’italienne. Il fallait faire le maximum pour encourager notre équipe."
Cette atmosphère si particulière, des équipes de poussins du Sporting et de Lorgues en avaient même profité, eux dont les rencontres, prévues en ouverture, à partir de 13 heures, s’étaient déroulées sous l’œil de Richard Tylinski et... de Luis Fernandez.
Il "vint spontanément féliciter les jeunes pour leur évolution", détaillait Elie Giordanengo, ex-correspondant sportif à Nice-matin. Au total, ce sont 4000 personnes qui prennent place au stade, chose "que l’on n’avait pas vu depuis près de quarante ans."
"Le stade était bien plus intimidant"
Denis Baudino se souvient aussi d’un Raoul Brulat "bondé. Nous avions terminé par un tour d’honneur, pour remercier nos supporters. L’affiche avait fait se déplacer tout le Haut Var."
"Et puis le stade, dans son ancienne configuration, avec le terrain en sens inverse et ses deux tribunes, était bien plus intimidant,enchérit Frédéric Balp. On l’appelait parfois, comme à Saint-Étienne, le chaudron. C’est dommage de voir qu’il n’est plus utilisé aujourd’hui…"
La faute à une pelouse fortement impactée par la sécheresse de l’été dernier.
L’équipe première du Sporting est ainsi obligée, depuis le début du championnat en Régional 2, de s’exiler une fois à Flayosc, une fois à Taradeau, une fois à Gilly, où les tribunes sont inexistantes. Une situation inacceptable et subie par un club qui aspire à retrouver son niveau d’antan avec, à long terme, la Nationale 3 dans le viseur.
Aujourd’hui, lorsque l’on évoque Cannes, son festival, ses paillettes et sa douceur de vivre sont régulièrement cités en premier. Mais les connaisseurs se rappellent aussi d’un club ayant évolué entre la première et la deuxième division, avec des joueurs renommés - Dussuyer, Ayache, Dréossi, Durix, Priou - ou prometteurs - Micoud, Bédrossian, Madar -, un président, Francis Borelli, qui a été celui du PSG durant 13 ans (1978-1991)…
Cannes, dans les années 1990, s’affirme comme une place importante du football français, et va même jusqu’à disputer la Coupe UEFA. Son centre de formation en particulier, qui a lancé de véritables talents tels que Vieira, Micoud, Luccin, Frey, Clichy ou encore le plus iconique d’entre eux, Zinédine Zidane.
Les rouges et blancs ont aussi installé sur leur banc un certain Luis Fernandez. Fraîchement retraité de sa carrière de milieu de terrain, il a pris la suite d’Erick Mombaerts, alors en grande difficulté, lors de la mi-saison 1992-1993. Hasard du calendrier : le premier match en tant qu’entraîneur de Fernandez a lieu contre le Sporting Club Draguignan.
Cyrille, supporter cannois, se souvient d’un échange prophétique avec le natif de Tarifa, en Espagne. "Fernandez n’avait pas encore entraîné qu’il nous disait, avec un ami, que le club allait remonter en D1 en fin de saison. Nous étions alors mal classés dans le groupe B de D2, souligne-t-il. Ça semblait impensable. Bilan en fin de saison : remontée en D1 via les barrages, contre Valenciennes ! C’était un sacré phénomène."
Luis Fernandez connaîtra ensuite différentes expériences plus ou moins couronnées de succès, comme entraîneur du PSG de 1994 à 1996 où il remporte la Coupe des coupes, puis de 2000 à 2003. Viennent ensuite l’Athletic Bilbao (1996- 2000), l’Espanyol Barcelone (2003- 2004), le Beitar Jérusalem (2005- 2006) ou encore, entre autres, la Guinée (2015-2016), sa dernière expérience sur un banc à ce jour.
Fernandez a également eu droit à un jubilé qui s’est déroulé le 28 février 2010, au Stade Pierre-de-Coubertin à... Cannes. Un club qu’il porte toujours dans son cœur, et espère "y revenir un jour, comme directeur sportif ou à la formation, par exemple. Je tiens également à rendre hommage à mon ami Charly Loubet, décédé le 30 janvier dernier et qui m’avait notamment aidé lors de mon premier match à Draguignan."