Inventaires après décès

L'inventaire après décès

Établi généralement à la demande d'un conjoint survivant, ou d'un tuteur légal, cet acte, s'il était fréquemment rédigé peu de temps après un décès, le sera très souvent peu de temps avant un remariage. La communauté existant avec le conjoint décédé devait alors être dissoute et l'on procédait à un inventaire exhaustif des biens.

Si l'on peut en trouver à partir du 15ème, c'est au cours des 17ème et 18ème siècles qu'ils ont été le plus fréquents.

En liaison directe à ces époques avec les nombreux remariages et l'existence d'enfants issus de différentes unions, l'un des objectifs des inventaires était de préserver les droits d'enfants encore mineurs lors du remariage d'un de leurs parents et d'éviter d'interminables querelles lors de la succession ultérieure de ce dernier.


On notera qu'un tel inventaire pouvait tout aussi bien être sollicité par :

· un enfant souhaitant accéder à sa part d'héritage

· divers créanciers

D'une manière plus générale, le Code civil impose le recours à un inventaire:

· au conjoint survivant, avant l'entrée en jouissance de biens en usufruit, en particulier s'il y a des enfants mineurs;

· à un tuteur;

· à un héritier, désireux d'accepter une succession "sous bénéfice d'inventaire".

La loi sur les archives de 2008, comme pour l'état civil, a ramené leur délai de communication à 75 ans [ou, si cela peut permettre de raccourcir ce délai, à 25 ans à partir de la date du décès]

La consultation de l'inventaire après décès

Aux Archives départementales

Conseil: le recours aux inventaires après décès est variable selon régions et époques. Renseignez-vous sur les coutumes locales et avant tout déplacement aux Archives départementales

⇒ consultez les répertoires des archives notariales disponibles, quelquefois accessibles sur leur site Internet

Les minutes notariales sont classées en série E [sous-série variable selon les départements], par noms d'études et de manière chronologique.

⇒ Les archives notariales anciennes doivent théoriquement y être versées, conformément à la loi.

Limites - certains notaires n'ont pas versé leurs archives :

⇒ Pour le vérifier, reportez-vous au répertoire numérique de la sous-série de référence, donnant l'inventaire des minutes notariales, par commune et par étude.

· les minutes peuvent avoir été déposées, sans être encore inventoriées ni classées

· les minutes peuvent avoir été détruites

Chez les notaires

· documents anciens non encore versés aux Archive départementales.

· Minutes de moins de 75 ans, consultables par les ayants droit.

Attention : ne vous fiez pas aux frontières administratives actuelles

⇒ si votre secteur de recherches est situé aux confins de plusieurs départements, il sera peut-être nécessaire de travailler dans plusieurs dépôts d'Archives départementales :

· possibilité de conservation de certaines minutes notariales dans un département limitrophe;

· le notaire de famille officiait dans une commune dépendant d'un autre département que celui de la commune de résidence de vos ancêtres

À savoir : établis généralement par un notaire ou un jureur-priseur [commissaire-priseur à notre époque], certains inventaires seront alternativement rédigés :

· par les juges seigneuriaux (dans l'Ouest, en particulier en Bretagne). On les trouvera parmi les Archives judiciaires ⇒ série B des Archives départementales

Conseil : avant de dépouiller inutilement les liasses, contrôler si ces actes n'ont pas été répertoriés dans les registres du Contrôle des actes

· par des greffiers. On les retrouvera alors, pour certaines villes, aux Archives municipales

L'intérêt généalogique de l'inventaire après décès

Les informations sur les personnes

Un inventaire pourra, par son contenu permettre de sortir d'une impasse liée aux lacunes des registres paroissiaux (actes non filiatifs, etc.), et de remonter une ou plusieurs générations :

· données sur le défunt (situation de famille, date et lieu du décès)

· données sur les autres habitants du foyer (noms, prénoms, professions et parentés)

attention: on ne trouve ni âge ni dates de naissances

· données sur les enfants mineurs d'un précédent mariage [mention éventuelle de leurs dates de naissances]

· évocation d'autres parents éventuels (curateur, tuteur, etc.), de leurs professions et lieux de résidence

· évocation précieuse, parmi les papiers de famille, de divers actes mentionnant des membres des générations précédentes :

· contrat de mariage du défunt, précisant parfois date et lieu, nom du notaire l'ayant reçu, et les références de l'acte d'enregistrement.

· testaments

· partages

· documents ayant servi à prouver des quartiers de noblesse

Un inventaire pourra aussi fournir de nouvelles pistes de recherche :

· les lieux-dits de domicile sont précisés

· la fourchette de recherche d'un décès peut être affinée pour les personnes mentionnées vivantes dans l'acte retrouvé

Les objets de l'inventaire

Certains objets en traversant les époques peuvent constituer un véritable "sésame" généalogique :

· objets portant des armoiries, permettant d'identifier en un temps record plusieurs quartiers d'ascendance de leur propriétaire

· noms relevés au dos de tableaux

· dédicaces dans certains livres

Les données fournies par l'inventaire après décès

Les richesses des inventaires demeurent souvent méconnues des généalogistes, concentrés, dans un premier temps, sur les registres paroissiaux et d'état civil.

Ils s'avèrent pourtant un outil incontournable pour celui qui souhaite témoigner du quotidien de ses ancêtres.

Outre la présence de signatures, toujours émouvantes, un inventaire fait revivre les personnes dans leur cadre de vie, évoque les menus objets de leur quotidien. La minutie des descriptions pourra même certaines fois permettre d'envisager des reproductions très "visuelles" des lieux d'habitations, sous forme de dessins, voire de maquettes !

Les lieux

· La pièce principale – souvent pièce unique, en communication directe avec l'étable – avait tous les honneurs : centre de vie familiale par excellence, où l'on imaginera ses ancêtres prendre leurs repas, recevoir leurs hôtes, marchander, négocier les dots, passer de longues veillées d'hiver consacrées à divers travaux domestiques

· Les dépendances, avec leur spécificité (grenier, cave, cellier, grange, atelier, remises, écurie, étable, etc.).

· La cour et le jardin.

Attention: pour les plus aisés, la procédure d'inventaire sera étendue aux différents domaines possédés !

Les meubles et objets

Le notaire décrit en détail le mobilier, ouvre les coffres, précise l'état des objets inventoriés, dont la valeur est finalement estimée, individuellement, ou par lots plus ou moins hétéroclites.

A savoir: certains objets présentés ne devant pas être compris dans l'inventaire seront répertoriés avec les mentions "pour ordre" ou "pour mémoire".

· Objets en état ou usagés, tout pouvait avoir une valeur : le mauvais dressoir, la mauvaise table, la vieille faux…

Attention: gardez à l'esprit que le rédacteur utilisera logiquement des termes d'époque, voire des dénominations spécifiquement "locales", distinguant "mouchoirs de poche" et mouchoirs de cou", sans oublier les "paillons" (corbeilles en paille ou en osier), ni les "plainties" (couettes), partie intégrante de la literie. Le "chalit" (bois de lit) sera fréquemment équipé de colonnes et de tringles (on parlera de "lit à quenouilles"), destinées à supporter un ciel de lit et permettant de le fermer de rideaux, ce qui dévoile d'un coup deux impératifs :

· se protéger du froid

· permettre un minimum d'intimité, dans des pièces où dormaient souvent plusieurs couples

⇒ il sera quasiment incontournable de se référer aux ouvrages et glossaires explicitant le dialecte de la région concernée, ne serait-ce que pour distinguer les étoffes (baracan, droguet, etc.), ou les outils divers et variés utilisés dans les nombreux petits métiers du passé

Vie au quotidien, statut social et niveau de fortune

Les éléments fournis renseignent sur :

· le quotidien (outils spécifiques aux professions exercées, animaux, type de cultures, etc.) et le niveau d'instruction (livres, etc.)

⇒ certains actes inventoriés (baux, ventes, etc.) témoignent de l'activité économique de vos ancêtres

⇒ certaines dettes, comprises au titre des "déclarations", permettent de mieux appréhender la vie au jour le jour (activités, personnages cotoyés et périmètre habituel des déplacements alentours), ainsi les sommes dues :

· "pour ouvrages de leur état" au maréchal-ferrand, au bourrelier, au cordier, etc. [on cite généralement leur lieu de domicile]

· pour l'achat de chevaux, viande de boucherie, farine, foin, avoine, marchandises diverses

· à des domestiques, pour gages des années précédentes

· à des saisonniers "pour travaux de la dernière moisson"

· la position sociale et la situation pécuniaire (valeur et type des biens, étendue des terres cultivées, importance du cheptel, longueur et durée de l'inventaire)

⇒ face au mobilier cossu et aux objets précieux des nobles et bourgeois, les inventaires ruraux s'avèrent plus modestes : literie, linge de maison, vêtements, mobilier réduit à un minimum (coffres, tables, chaises, dressoirs pour la vaisselle)

⇒ indices révélateurs:

· diversité des étoffes pour les vêtements

· état des meubles: sont-ils en bois de chêne, en bois fruitier, en bois blanc, équipés ou non de serrures ?

· la literie est-elle plutôt élaborée, ou limitée à de simples paillasses ?

· découvre-t-on ça et là un livre ou un miroir ?

· les réserves de grains sont-elles abondantes ?


attention: les données rencontrées restent à analyser avec discernement :

· elles ne reflètent à priori que la situation de fortune à un moment donné

⇒ si l'on veut saisir une évolution, certains papiers des défunts se révèleront plus parlants en documentant quelques moments clés de leur activité économique (quittances, actes de ventes et d'achats, procès, etc.)

· inutile de convertir en monnaie actuelle: les évaluations chiffrées n'auront de sens qu'en compararaison avec d'autres inventaires de la même période, retrouvés pour des parents ou voisins. Vous ne pourrez faire revivre vos ancêtres que dans "leur univers"

⇒ prenez plutôt comme références le salaire journalier et le prix des denrées de l'époque.

Conseil: au plan local, ou pour comparer avec d'autres régions, reportez-vous à des études spécialisées ou travaux d'historiens

Fil rouge de recherche d'un inventaire après décès dans les archives notariales

Méthode de travail aux Archives départementales

Remarques préalables :

À proscrire : ne jamais partir à l'aveuglette en vous attaquant d'emblée aux multiples liasses des différents notaires ayant pu procéder à l'inventaire en question !

⇒ vérifiez toujours si une association ou un particulier n'ont pas déjà effectué un dépouillement des registres que vous vous proposez de consulter.

À savoir : si l'on s'attend généralement à retrouver un inventaire peu après le décès, il peut souvent n'être dressé que quelques années plus tard, peu avant un remariage du conjoint survivant. Rappel: ce cas spécifique démontre à nouveau l'intérêt de rassembler le maximum d'éléments généalogiques concernant une famille

⇒ faites le choix d'avancer plus lentement, mais de manière plus systématique, et ne négligez surtout pas de relever les divers remariages d'ancêtres, sous prétexte que les nouveaux conjoints n'ont aucun lien de parenté directe avec vous !

Conseil : si vous consultez de telles liasses à la recherche d'un acte spécifique, n'omettez pas de relever toutes les références rencontrées pouvant concerner des personnages ou patronymes qui vous intéressent ; vous prenez sinon le risque de devoir ultérieurement manipuler à nouveau les mêmes registres.

Sous l'Ancien Régime

Avant 1693 :

⇒ Reportez-vous à la partie correspondante des "Méthodes de recherche" de la notice "Recherche d'un acte notarié" (bientôt disponible)

Entre 1693 et 1790 :

Vous travaillerez en priorité – s'ils existent - à partir des registres du Contrôle des actes de la sous-série 2C

1. identifiez, à l'aide du répertoire de la série C, le bureau dont dépendait la paroisse étudiée

2. selon l'angle d'attaque choisi, relevez la cote des registres du Contrôle des actes à consulter, en fonction de la date du décès ou de celle du remariage du conjoint survivant

3. feuilletez ensuite chaque registre à partir de la date du décès, ou, alternativement, de celle du remariage

4. le contrôle des actes indique :

· Date du contrôle

· Nature de l'acte

· Nom des parties

· Montant des tractations

· Identité du notaire, lieu d'exercice et date de rédaction de l'acte

· Nombre de pages de l'acte

· Montant des droits perçus.

5. gagnez du temps: concentrez-vous, dans la partie correspondant à la "nature de l'acte", sur la mention "Inventaire" ; attention: ayez l'œil, car cette mention apparaît quelquefois sous une forme abrégée du type "Inre".

6. si vous parvenez à retrouver l'acte recherché, relevez en la date et les coordonnées du notaire

7. recherchez ensuite dans le répertoire adéquat de la série E, si les minutes sont bien disponibles sur place

8. si oui, relevez la cote de la liasse qui vous mènera à l'acte recherché.

Remarque : dans les régions où le contrôle des actes n'existait pas, on se repliera sur les Registres des insinuations, à moins qu'ils ne fassent eux aussi défaut (Alsace et Nord de la France)

⇒ Reportez-vous à la partie correspondante des "Méthodes de recherche" de la notice "Recherche d'un acte notarié" (bientôt disponible)

Aux 19ème à l'époque contemporaine

À partir de 1790, vous travaillerez à partir des registres de l'Enregistrement de la série Q [délai de communication: 50 ans]

1. identifiez, à l'aide du répertoire de la sous-série 9Q, le bureau dont dépendait la commune étudiée

2. relevez la cote de la table qui vous intéresse :

· avant 1865 coexistaient plusieurs tables (contrats de mariages, successions, partages, décès, testaments, inventaires…). Tenues par lettre de l'alphabet, puis par ordre chronologique des actes, elles résument la nature de l'acte et mentionnent :

· Noms des personnes citées

· Date de l'acte

· Nom du notaire

· Référence du registre à consulter

· À savoir : des tables spécifiques des inventaires après décès existent à priori de 1791 à 1824 !

· après 1865 ne subsistent qu'une table des mutations par décès et un registre regroupant tous les autres actes. Ce dernier registre renvoit à un répertoire appelé le "sommier". Son utilisation est délicate, mais il présente l'avantage de rassembler tous les actes concernant un individu.

· À savoir: le classement du "sommier" est chronologique : à la date du premier acte qu'elle passe, chaque personne se voit attribuer une "case", regroupant tous les actes qu'elle passera ultérieurement.

Des tables sont censées exister, permettant d'identifier les cases qui vous intéressent. Elles peuvent ne pas avoir été versées aux archives départementales et seraient à consulter directement aux actuels bureaux de l'enregistrement (centre des impôts).

· Conseil : les inventaires devenant assez rares, privilégiez pour cette période la recherche d'une déclaration de succession :

· si vous la trouvez, elle fournira directement les références d'un inventaire éventuel

· en son absence, le défunt ne laissant à priori rien à partager, l'existence d'un inventaire pourra alors logiquement être exclue

3. si la table ne fournit que la date de l'acte, reportez vous au registre chronologique qui devrait révéler l'identité du notaire

4. une fois date de l'acte et nom du notaire identifiés

5. recherchez dans le répertoire adéquat de la série E, si les minutes ont été versées

6. dans l'affirmative, notez la cote de la liasse menant à l'acte recherché.

Les tableaux récapitulatifs par années de recensement

Le préambule

· mention de la date et de l'heure

· identité et qualité des requérants, précisions sur l'environnement familial

· noms et prénoms

· professions

· domiciles [lieu-dit, paroisse ou commune]

· situations de famille

· identité du conjoint décédé dont on va procéder à l'inventaire, éventuellement date et lieu du décès

· identité des enfants mineurs, éventuellement leurs dates de naissances

· identité et qualité des curateurs ou tuteurs présents

· noms et prénoms

· professions

· domiciles [lieu-dit, paroisse ou commune]

· liens familiaux avec les enfants

· date et lieu du procès-verbal de leur nomination

· identité et lieu de résidence du notaire, lieu de l'inventaire

· situation nécessitant cet inventaire et modalités en découlant, comme l'apposition de scellés, s'il est requis par des créanciers

· identité et qualité des intervenants, chargés de présenter les biens répertoriés, ou censés les "priser" [en qualité d'experts choisis par les parties]

· noms et prénoms

· professions

· domiciles

· prestations de serments des requérants (qui s'engagent à "tout montrer et ne rien cacher") et intervenants

· signatures des comparants et notaires

L'inventaire des lieux et des biens

Proprement dit des lieux et des biens : la "prisée" [énumération et estimation des objets et des animaux, même domestiques] :

· la principale chambre d'habitation

· cheminée, crémaillère, pelle à feu, chenets, pincettes, soufflets

· lits et accessoires

· coffres et contenu

· etc.

· les autres pièces du rez-de-chaussée, puis des étages

· les dépendances (cellier, grange, grenier, etc.)

· cour et jardin ⇒ y compris les animaux qui s'y trouvent (oies, volailles, etc.) !

· ensemencements faits sur les terres, en particulier celles appartenant en propre au défunt .

À savoir : leur estimation peut être repoussée à plus tard "lorsque les blés seront sur pied" et venir ultérieurement compléter l'inventaire éventuellement :

· prestations de serments des requérants

· signatures des requérants et "experts-priseurs"

Les déclarations

· objets à l'extérieur de l'habitation au moment de l'inventaire

· argent liquide ("deniers comptans")

· dettes et créances éventuellement :

· signatures des requérants, curateurs et tuteurs

L'inventaire des papiers

Contrats de mariages, inventaires, partages, baux, obligations, ventes…, avec mention des dates et lieux, ainsi que des notaires qui les ont reçus

La formule finale

Mention "clos et arrêté", reprise éventuelle des date et lieu de l'inventaire, des prestations de serments des requérants certifiant avoir "tout montré et indiqué", puis - après lecture - les signatures des intervenants.