Décisions et réunions

Quand on parle de réunion, tout le monde fait le même constat :

il y en a trop

elles sont trop longues

On ne prend pas assez de décisions

Alors pourquoi faire des réunions ? C'est vrai, si c'est chronophage et qu'en plus elles ne sont pas efficaces pour prendre des décisions, autant s'en passer. Certains le font. Mais c'est jeter bébé avec l'eau du bain.

Les réunions peuvent être des moments pleinement satisfaisants : efficaces, enrichissants, plaisants.

Mon objectif, qui passe avant tous les autres, c'est que vous ayez le sourire au travail. C'est la première pierre qui va tenir tout l'édifice.

Je vous propose donc de travailler la façon de faire des réunions pour que ces moments d'équipes deviennent des moments pleinement satisfaisants.

Distinguons les réunions dont le but est de prendre des décisions. Ce ne sont pas les mêmes réunions, ne les mélangeons pas avec les autres.

Commençons donc par travailler sur le processus de décision.

La façon de prendre les décisions est le socle du management. Observez le processus de décision de n'importe quelle organisation et vous verrez se dessiner tout le reste.

La première question qui se pose, c'est qui décide.

Le rôle de la hiérarchie distingue les types d'organisations. Existe t-il une organisation de pouvoir ? Est-ce que votre place dans la hiérarchie définit votre rôle dans la décision. Par exemple, est-ce que si votre chef n'est pas d'accord avec votre décision, est-ce qu'il peut la changer ? C'est quand même le cas dans la quasi-totalité des organisations, si tant est que le chef ne soit pas en réalité le seul à prendre toutes les décisions. Et cela nous paraît souvent naturel. En fait ce n'est pas du tout naturel, c'est totalement culturel. Frédéric Laloux nous le fait remarquer : la hiérarchie de pouvoir ça marche dans des microcosmes. Mais plus l'organisation devient complexe, et moins la hiérarchie est efficace. Dans un corps humain, avec des milliards de cellules, si les process de décisions ressemblaient à ceux avec lesquels on travaille, on serait mort de vieillesse avant d'avant ouvert les yeux. La cellule cheffe du cerveau rassemblerait son comité de direction des cellules du cerveau pour leur expliquer sa stratégie, cette stratégie redescendrait sous forme de notes et de réunions de direction, pour qu'on mette en place les différents projets, avec les nécessaires discussions sur les budgets et les plannings, puis les procédures de recrutement des cellules projet, qui mettront en place le process de sélection de l'organe qui sera chargé de l'élaboration de l'objet, sans oublier celui qui sera chargé de l'étude et de l'évaluation.

A l'inverse de la hiérarchie, certaines organisations essayent de fonctionner selon un principe de consensus. L'idée est séduisante, mais les résultats sont rarement satisfaisants. Entre le processus de décision qui peut être extrêmement long, pour accoucher d'une décision médiocre, qui a pour principal intérêt de ne pas trop mécontenter les uns et les autres (si tant est qu'il accouche de quoi que ce soit), admettons que c'est rarement un progrès. Et qu'en général on revient au point de départ, et donc à la décision hiérarchique.

Alors, les réunions ?

Revenons sur notre plainte : les réunions sont trop fréquentes, trop longues et on ne prend pas assez de décisions.

Si on n'arrive pas à prendre des décisions dans les réunions, c'est pour deux raisons, toujours les mêmes :

  • La personne qui doit prendre la décision n'est pas clairement identifiée
  • Quand elle l'est, elle ne veut pas prendre la décision

Si on arrive à prendre une décision et qu'elle n'est pas satisfaisante, là encore c'est pour deux raisons, et également toujours les mêmes :

  • La personne qui prend la décision n'est pas la mieux placée pour la prendre
  • La décision ne tient pas compte de l'avis des autres personnes

Je vous propose de changer le process de décision, en confiant chaque décision, et la responsabilité de chaque décision, non pas à la personne qui est le plus haut placé dans la hiérarchie mais (on pourrait presque dire "au contraire") à celle qui est au plus près de l'exécution de la décision.

Et pour cela, réinventer l'outil de la réunion, pour créer des réunions où on décide vite et où les décisions sont validées par toute l'équipe.

Je prend appui sur ce qui s'appelle en cancérologie les réunions de concertation pluridisciplinaires.

Le médecin présente la situation, avec les détails nécessaires, explique son raisonnement et fait une proposition. Si la situation relève d'un protocole, c'est simple, tout le monde valide la décision, c'est très rapide. Si la situation sort de l'ordinaire et que le protocole est déconseillé, le médecin a déjà travaillé en amont et faire une autre proposition. Soit cette proposition paraît logique à tout le monde, et elle est validée, soit un des médecins présents (rappelons que la réunions est pluridisciplinaire, il y a donc d'autres compétences que celles du médecin référent) fait une remarque qui change la donne, auquel cas la décision peut être modifiée, ou remise à la prochaine réunion après plus d'exploration.

Dans ces réunions, on passe généralement entre une et deux minutes sur la plupart des situations. Pas parce qu'elles sont simples. Pas parce qu'elles ont peu d'importance. Mais parce que le travail fait en amont fait que l'exposé et la proposition ont convaincu tout le monde. J'ai l'habitude de dire que si on peut prendre en deux minutes la décision de vous enlever les deux seins ou de vous faire subir une radiothérapie, je ne vois pas bien quelle décision on peut imaginer qui soit plus complexe ou qui ait plus d'importance.

Frédéric Laloux fait une analyse simple et lumineuse des organisations dans son ouvrage Reinventing organizations. Je vous invite à lire son livre ou à parcourir le site dédié ou si vous êtes pressé à regarder cette conférence.