5 villes nouvelles : réussites et ratages urbains dans l'Histoire -1
Succès et loupés de cinq cités du Néolitique à nos jours
Raconté pour vous par Cécile, le 20 mai 2022 - temps de lecture : 3 mn
Quand ? Néolithique, Antiquité, Moyen Âge, époques moderne et contemporaine
Où ? Costa-Rica, Iran, Syrie, Pakistan, Chine, Turquie, Algérie, Italie, France
En Europe, comme dans beaucoup d'autres régions du monde, nous avons l’habitude de vivre dans des villes et villages vieux de 500, 1 000 voire 2 000 ans, si bien qu’on ne se pose même plus la question de leur ancienneté, ni de pourquoi ils ont été installés là où ils sont.
La question mérite pourtant d’être posée : qu’est-ce-qui fait qu’une agglomération se forme, ou qu'une autorité décide de construire un jour une ville là où il n’y avait rien ?
Pour réfléchir sur la question, voici un tour du monde de villes réussies et de villes ratées, qui vous donneront un bon aperçu de ce qui s’est fait par le passé. De toute évidence, peu de leçons ont été tirées au fil des siècles des expériences ratées…
1. Les plus vieilles villes du monde
Sans surprise, c’est dans le Croissant Fertile que se trouvent les villes les plus anciennes du monde.
Toute la difficulté vient ensuite de la définition de ce qu’est une ville… Cela ne se compte pas au nombre d’habitants, en fait, mais à la structuration de sa société. En anthropologie sociale et en histoire, on parle de ville à partir du moment où le site répond à une dizaine de critères, parmi lesquels : le fait que les habitants soient sédentaires ; le fait qu’il existe une forme de gestion publique de l’espace impliquant une classe dirigeante et un système administratif dévolu à l’entretien des édifices et des espaces communautaires… et donc au prélèvement d’un impôt pour faire face aux dépenses collectives ; qu’il existe une architecture publique monumentale ; enfin que la majeure partie de la population exerce des métiers non agricoles.
En Iran, la ville de Suse est au nombre de ces vénérables ancêtres des villes actuelles.
Les fouilles archéologiques ont notamment livré des documents administratifs (tablettes de terre cuites) datées vers 3 500 av. n. ère, qui ont permis de comprendre la structuration de la société de cette importante capitale de royaume. Les niveaux les plus anciens du site, qui n'était pas encore une ville, datent des années 4 000 av. n. ère.
En Syrie, Ebla a également été la capitale d’un très vaste territoire vers 3 000 av. n. ère.
Les vestiges magnifiques du palais royal sont au sommet d’un tell, une colline artificielle formée par la superposition des dizaines d’agglomérations qui se sont empilées sur le site depuis le Néolithique.
La plus ancienne occupation date de 7 000 av. n. ère !
Ce que l'on remarque de tous ces exemples, c'est que les sites ont été abandonnés un jour, après plusieurs siècles de prospérité cependant.
Pourquoi ? Le plus souvent, plusieurs phénomènes se conjuguent : modification des structures économiques d'une société et détournement des voies commerciales, réorganisations administratives, pouvant conduire au déclassement des capitales, destructions liées à des guerres... les explications ne manquent pas !
Les plus vieilles villes encore occupées seraient Damas et Alep (Syrie), Byblos (Liban), Jéricho (Israël), mais aussi, Plovdiv (Bulgarie), Luoyang (Chine) ou encore Varanasi (Inde).
Toutes étaient déjà d’importantes capitales entre 3000 et 1000 av. n. ère.
En Turquie, l’incroyable site de Çatalhöyük est le plus ancien site proto-urbain connu et bien fouillé : vers 7 500-5 500 av. n. ère, environ 7 000 personnes vivaient dans cet énorme village, organisé autour d’un impressionnant sanctuaire. Ce n’était pas tout à fait une ville, mais ça commençait à y ressembler sérieusement !
2. Les Romains, grands fondateurs des villes nouvelles
Les villes romaines sont très bien connues, et c’est tant mieux : associant textes antiques et archéologie, on comprend parfaitement pourquoi et comment elles étaient créées.
La ville représentait, pour les Romains, un résumé de leur mode de vie et de leur culture. Ils en ont donc créées de toutes pièces dans tout leur empire, de l’Afrique du Nord à la Grande-Bretagne, de la Germanie à la Jordanie. Toutes suivent des plans d’urbanisme standardisés : on y retrouve les mêmes rues se croisant à angle droit, les mêmes édifices monumentaux (théâtre, thermes, forum), les mêmes maisons. Ces schémas ne varient que lorsque le relief ne permet pas l'établissement d'un urbanisme géométrique ou que les fondateurs ont souhaité conserver des éléments d'un bâti antérieur à leur arrivée sur le site.
Certaines ont été créées pour des vétérans de la Légion, et implantées volontairement dans des espaces tout juste pacifiés, pour y imposer la présence romaine. D’autres sont des fondations civiles, conçues plus tard, dans une démarche d’organisation administrative des provinces.
Leur rôle était d’incarner la culture romaine et d’abriter les nouvelles instances du pouvoir local, tout en servant de base au développement économique des provinces (dans une conception strictement romaine de l'économie, bien entendu).
Mais il est très difficile d’obliger les gens à vivre dans une ville nouvelle et surtout d’y rester, s’ils n’ont pas décidé de s’ y installer d’eux-mêmes !
C’est particulièrement vrai dans les cas où les créations de villes sont l’expression de décisions politiques. Ainsi en Gaule, un grand nombre de ces nouvelles capitales administratives « à la romaine » ont été prévues pour accueillir beaucoup plus de personnes qu’il n’y a eu finalement d’habitants.
Ce décalage se voit bien en archéologie : tous les îlots urbains délimités par le réseau préétabli des rues n’ont pas été lotis, comme à Jublains / Noviodunum, en Mayenne).
A Reims / Durocortorum, les remparts enserraient un immense espace vide, dont seul le centre a en fait été construit. Et comme à Jublains, tous les îlots n'ont pas été occupés. Pourtant, c'était une ville très prospère !
Les habitants, des Gaulois exclusivement, puisqu'il n'y a pas eu d'apport massif de populations latines dans ces agglomérations civiles, n'ont simplement pas utilisé la ville comme l'auraient fait des Méditerranéens.