Pourquoi les salariés ont pris le pouvoir ?


le rapport de force entre les entreprises et les salariés s'est inversé !

Sous nos yeux s'est réalisé le changement... Cela s'est produit en quelques années entre 2020 et 2022 sous l'effet d'un déclencheur et d'un catalyseur. Le déclencheur c'est la montée fulgurante du télétravail rendu indispensable du fait des confinements successifs. Ce saut de digitalisation du travail administratif et intellectuel a créé les conditions d'une fluidité du marché (du travail) inédite. Dès lors qu'un salarié n'est plus attaché à l'unité de lieu que constitue son bureau, le monde devient potentiellement son terrain de jeu. C'est ainsi que des salariés d'Europe du Sud et de l'Est habituellement moins payés peuvent désormais postuler sur des missions ou des postes qui, avant 2020, auraient été réservés à des salariés bien mieux payés ! En France, l'engouement des salariés et indépendants pour s'établir dans les villes moyennes est une manifestation évidente de ce phénomène. Le catalyseur, c'est la pénurie de compétences, y compris dans des métiers faiblement qualifiés : du développeur au serveur en passant par le chauffeur... peu de domaines sont épargnés. Le rattrapage de l'activité économique en 2021/22 n'est que la vue émergée de l'iceberg. Les causes plus profondes de ce phénomène sont multiples mais une chose est sûre, les salariés ont maintenant le choix et le font savoir à leur employeurs en imposant leurs conditions comme jamais auparavant !

Pour les salariés, c'est une bonne nouvelle... pour les entreprises un peu moins !

Du côté des entreprises, on réagit comme on peut pris entre la course à la croissance retrouvée et les limites de celle-ci par manque de ressources humaines. Alors on dégaine les armes classiques : un effort sur la rémunération, un aménagement des horaires, un nouvel accord de télétravail... Il faut jouer sur ces leviers bien sûr mais ils ne suffiront pas. Car on quitte son entreprise pour un mauvais salaire, des horaires pénibles ou un refus de 3/5 en télétravail, mais on ne reste pas, ou plutôt on ne donne pas le meilleur de soi-même pour ces raisons. Ce qui se joue en vérité est la question même du sentiment d'appartenence des salariés à leur entreprise : la nécessité d'avoir un job qui a du sens et la certitude que ce que fait son entreprise est... "bien". Ma conviction c'est qu'il faut profiter du pouvoir nouveau des salariés et leurs attentes pour crééer le mouvement vers une vision de l'entreprise co-créée et non pas imposée. C'est ce que Frédéric Laloux appelle la "Raison d'Etre Evolutive" (Reinvinting Orgnizations ed. Diateno). Au fait, la vision n'y suffira pas, il faudra avoir le courage de refondre TOUS les processus majeurs pour les rendre "human centric" et avoir une chance d'attirer et de retenir les talents pour des raisons de fond.