4. Mégalithisme : la connaissance est dans le regard

7. La nomenclature des mégalithes

souffre d'un net déficit d'identification

À la fois en raison de son extrême diversité, et par suite d'un net « manque d'appétit de savoir », la nomenclature des mégalithes demeure largement déficiente. Par exemple, n'y figurent pas :

-- les menhirs archaïques, c'est-à-dire taillés directement sur place et faisant corps avec la roche ; les pierres posées (autre type de pierres levées) ; diverses sortes de dolmens ; les autels ; les pierres creusées de type archaïque (non polies) ; les fauteuils mégalithiques ; les mégablocs, temples de pierre taillée, observatoires et pyramides ; les falaises, arêtes rocheuses et affleurements aménagés ; les figurations de dieux, hommes et animaux, tant exotiques (en raison d'un climat alors chaud) que domestiques.

En outre, une grande confusion règne à propos des pierres ou bassins creusés, généralement et indistinctement qualifiés de cupules. En réalité, il convient de distinguer, par ordre de taille croissante : -- les micro-cupules, les cupules, écuelles, bassins et chaudrons. Les potets boursouflés constituent une particularité.

Comment comprendre le phénomène complexe du mégalithisme dans son ensemble, si des pans entiers en demeurent ignorés ou mal appréhendés ?

8. Utopie du recensement exhaustif des sites mégalithiques

Une tendance inverse de la précédente accrédite l'idée selon laquelle il serait possible d'effectuer un recensement général des monuments mégalithiques. Las, ils surabondent tellement dans certaines régions, que ce projet se montre irréalisable.

En outre, en raison de l'état de désordre dans lequel nombre de sites se trouvent réduits (destructions du fait de l'homme, essentiellement, mais aussi effritements et éboulements, végétation envahissante), il convient de se résoudre à ne saisir qu'une partie de la symbolique représentée.

De même qu'en matière d'histoire, la méthode des comparaisons remédie en partie à cette déficience.

9. L'absurdité des qualifications négatives

Il paraît surprenant que, placés face à un monument de type insolite, et par conséquent inconnu, d'aucuns le qualifient de façon négative : « Ce n'est pas un dolmen ». Cette position n'est pas acceptable : il convient ou bien de reconnaître les limites des connaissances établies selon des normes convenues, ou bien de le caractériser de façon positive. En l'espèce, il s'agit d'un type nouveau de dolmen que nous avons pu identifier comme tel ; sa facture particulière est tout à fait insolite.

De plus, à partir du moment où le statut de monuments mégalithiques qui ne figurent pas dans les nomenclatures, se trouve nettement établi, d'autres ne tardent pas à être découverts à leur tour. La connaissance se trouve souvent plus dans le regard que dans les manuels.

Ainsi, d'aucuns tendent d'emblée à nier l'existence de ce qui demeure inconnu. Or, renversement complet de perspective, au lieu de déclarer ex-abrupto « cela n'existe pas » ou « il n'y a rien », il convient au contraire de dire « il y a peut-être quelque chose ».

Le cas d'espèce des tortues sculptées, jusqu'alors connues dans les seules îles Hawaï, est à cet égard tout à fait caractéristique.

10. La querelle des datations

Quand un site livre un artefact (silex taillé, pointe d'arme, projectile de baliste, fragment de céramique, objet de parure), il est possible de se livrer à l'exercice délicat de la datation. Mais, en raison de réutilisations successives de monuments, par exemple d'un dolmen, l'affaire se complique, car des objets ont aussi été réemployés au cours des âges. Des armes du néolithique ont même été placées dans des sépultures mérovingiennes.

Par contre, les méthodes habituelles de datation des monuments préhistoriques, ne permettraient pas distinguer ce qui relève de la marque de l'homme, et non de l'origine naturelle de la pierre. Mais, une science très pointue, au demeurant peu utilisée, y parvient avec bonheur : les résultats obtenus se recoupent avec ceux qui sont tirés de l'histoire ancienne.

11. Des mégalithes placés tout au long des routes d'invasion

Contrairement à ce que croit l'opinion courante, les mégalithes ne se situent pas essentiellement en Bretagne : à partir de la Chine et de la Corée du Nord, ils couvrent toute l'Eurasie1, de telle sorte qu'ils jalonnent les routes migratoires. En outre, le nombre de dolmens recensés dans le département de l'Ardèche est plus élevé qu'en Bretagne2.

1. Témoignage de feu René PERCHERON, conseiller de la Réunion des Musées Nationaux, qui s'est rendu en Corée du Nord et y a constaté la présence de dolmens et de menhirs.

2.

12. La critique habituelle ignore

quels sont les auteurs des premiers mégalithes

Un flou opaque règne dans les nomenclatures à propos des inventeurs des mégalithes. Il est tout au plus admis qu'ils précèdent les Celtes, ces derniers étant censés n'apparaître qu'à l'âge du fer. Ils sont qualifiés de Mégalithiens. Mais, les moyens ordinaires de l'archéologie habituelle ne permettent pas de déterminer la véritable antiquité des premiers d'entre eux. Nous verrons plus loin ce qu'il en est au juste (en page 4 bis).

13. La critique ignore en général que les Celtes

sont les continuateurs des premiers Mégalithiens,

et Mégalithiens eux-mêmes

Une immense polémique s'enfle de longue date au sujet de l'appartenance

des Mégalithiens au monde des Celtes, des thèses opposées ayant couru à ce propos. Mais, réaction extrême de nature irrationnelle, ce serait, paraît-il, « un malheur » de croire en un lien quelconque entre Celtes et Mégalithiens1. 1. Jean MARKALE : Montségur et l’énigme cathare, 89 et 91, Éd. Pygmalion-Gérard Watelet, Paris, 2001.

Or, il convient de recadrer le débat : les Celtes se sont parfois appropriés des monuments mégalithiques antérieurs et y ont imprimé leur marque. Ailleurs, ils en ont construit de toute pièce. Plus que d'autres, des peuples spécifiques se sont adonnés à cet office.

Voir la Nouvelle Histoire des Celtes.

MÉGALITHISME : UN DOMAINE SCIENTIFIQUE

LARGEMENT EN FRICHE

Le constat

Le mégalithisme est un phénomène complexe, universel, de grande ampleur et de large diffusion. Aussi surprenant que cela puisse paraître, il demeure globalement peu connu. En raison de cet état de fait, les archéologues éclairés (qui n'appartiennent pas au cercle des chercheurs officiels) qui repèrent des sites, devraient être encouragés (en Grande-Bretagne, ils sont félicités et récompensés). Au lieu de cela, ils sont assaillis de tracasseries administratives sans nom (plusieurs témoignages recueillis).

En outre, des chercheurs prétendent que le mégalithisme se limite aux dolmens, menhirs et formations dérivées (alignements, cercles de pierre...)1. Cette prise de position, hautement restrictive, ne permet ni d'en appréhender l'incroyable diversité, ni d'en percer nombre de mystères. En la matière, le catalogues déjà fourni des idées reçues et des naïvetés courantes, s'enrichit de façon significative.

1.

1. Un négationnisme poussé jusqu'à l'absurde

Des esprits sceptiques à outrance ne peuvent admettre que les monuments mégalithiques sont la marque de l'homme : ce seraient autant de « jeux de la nature »1. Seules, les intempéries les auraient façonnés. Tantôt les bassins creusés de main d'homme, thèse qui se défend en raison de leurs spécificités, ne seraient que des accidents naturels ; tantôt les mégablocs souvent disposés les uns sur les autres et édifiés selon des codes précis, figureraient autant de « rochers naturels » ou de « pierres naturelles ».

1.

La palme de l’absurdité revient à un archéologue qui se produit pourtant dans des publications spécialisées. Il affirme en effet à qui veut l'entendre, qu'un dolmen peut être reconnu comme tel s'il livre des objets (pierre de baliste, arme, objet de parure) ; par contre, en l'absence de fouille, cette qualification ne saurait lui être attribuée, et la datation impossible. Or, quand un dolmen est découvert, les archéologues sérieux le comparent à d'autres, dont la typologie est déjà connue. Cela tend à dire que, nouveau renversement de perspective, la science archéologique se montre capable de qualifier un mégalithe, même en l'absence de fouille.

2. Extension abusive de la notion de pierre naturelle

Nombre de monuments préhistoriques ont subi au cours des âges, force destructions. Il n'en fallait pas plus pour qu'une tendance simplificatrice, récurrente, qui ignore la complexité de la vie des hommes et ramène tout à un processus unique, place tout chaos rocheux au rang de pierres naturelles, ou, selon l'occitan, de chirats. Or, il est encore loisible d'identifier des structures mégalithiques au sein de certains d'entre eux. Les amas de pierres tirés des champs labourés et portés en bordure, forment les chirats véritables. Ce n'est pas une raison pour en étendre le principe à ceux, qui, parmi dolmens, tumulus ou autres, se trouvent aujourd'hui en fort piteux état.

3. Les représentations humaines et animales, sculptées, seraient le fruit de notre imagination !

Incapables de concevoir que les hommes préhistoriques aient pu réaliser des œuvres mégalithiques grandioses, et y sculpter des figures humaines et animales, des rationalistes outranciers prétendent qu'elles sont le fruit de notre imagination, en quelque sorte en délire. Ainsi, la doctrine de la paréidolie ou prosopagnosie (ces termes compliqués sont censés vous en imposer !) professe l'impossibilité d’identifier un visage sculpté sur des rochers d'origine naturelle. Il s'agit d'une autre forme de négationnisme. Un extra-terrestre ahuri ne raisonnerait pas autrement : pour lui, clochers et statues des églises et des cathédrales, font figure de « rochers naturels ».

Ce négationnisme ne connaît pas de bornes. En effet, à l'observation suivant laquelle, lors de visites guidées interactives, l'ensemble des participants en a réellement vu, l'objection se veut imparable : « Il s'agit d'un cas d'hallucination collective. » !

Un argument décisif viendrait en conforter la donne : les nuages prennent souvent la forme de têtes d'hommes ou d'animaux, ce qui montrerait que notre imagination vagabonde partout. Or, c'est faire fi du sens aigu d'observation des hommes préhistoriques, de surcroît imprégnés de transcendance. N'y reconnaissaient-ils pas un message des dieux : « Sur les monuments cultuels dressés à notre dévotion, figurez des représentations humaines et animales » ?

4. Seuls, parmi les peuples de la Terre, nos ancêtres n'auraient pas été doués d'intelligence ?

Il est d'usage d'admettre que, dès une Antiquité parfois prodigieusement lointaine, nombre de peuples, des Égyptiens aux Assyriens et aux Perses, des Hindous aux Chinois, des Incas aux Aztèques, et tant d'autres, ont bâti des monuments grandioses qui honorent le génie de l'homme. Or, curieusement, dès qu'il est question de l'Occident, un courant d'opinion, qui se recrute jusque parmi certains cercles en principe savants, élabore une glose de laquelle il ressort que rien de tel ne se s'y serait produit. Quid de la somptueuse vallée des rois thraces et des innombrables monuments mégalithiques ?

5. Des régions entières demeurent quasiment inexplorées

Conséquence logique des dérives précédentes, et aussi surprenant que cela puisse paraître, il ne semble pas que, particulièrement en pays de montagne, le phénomène mégalithique ait été l'objet d'une recherche systématique. C'est la raison pour laquelle, face à la tâche titanesque qui s'offre aux chercheurs, et en dehors d'incursions ciblées dans des territoires déterminés, nous concentrons nos propres investigations sur 600 km2, entre Doux, Rhône et Eyrieux (Ardèche).

6. Les mégalithes connus

le sont souvent de façon superficielle

Les mégalithes ne livrent leurs secrets qu'aux observateurs patients et attentifs. En effet, leur physionomie change souvent selon l'éclairage,

la période du jour et les saisons. Dans ces conditions, il paraît illusoire de les examiner à la hâte et une fois pour toutes. À plus forte raison quand ils se dressent dans des sites étendus, il importe de les étudier sur une longue période. Mais, en percer tous les secrets paraît quasiment impossible.