3 bis. Petit catalogue des naïvetés et idées reçues, en tout genre (suite)

8. Le mythe moderne de l'opacité de « la nuit des temps »

L’inexorable fuite du temps trompe son monde. L’artifice convenu, relatif à l’abîme et à l’opacité de « la nuit des temps » sans fin, aux profondeursjugées inaccessibles, impensables à l’échelle humaine, constitue une excuse de facture trop facile ; elle dispense à bon compte d’entreprendre des recherches approfondies.

« L'origine des Celtes semble se perdre dans la nuit des temps »1 ; il s'agirait de « communautés... surgies de la nuit des temps »2. Or, ces propos désabusés pourraient trahir un emprunt infidèle et tronqué à d’autres sources, dont l’incidente, loin de se montrer accessoire, mérite au contraire d’être soulignée : « L’origine des Celtes se perd dans la nuit des temps sans écriture »3, ou dans « un monde sans fin qui précède l’écriture »4. Il s’ensuit que le facteur primordial de cet énoncé n’est pas celui d’une nuit des temps qui impressionne tellement l’observateur qu’elle le réduit au silence ; il s’agit plutôt de la prolongation tardive d’un stade de développement, qui s’en tient au mode primordial de transmission orale des coutumes et des traditions.

1. Michel CARLAT : L’Ardèche, 51 ; L’Ardèche, les chemins du cœur, 9.

2. Jacques ROUCHIER : Histoire du Vivarais, T 1, 150, [s.n.], Largentière, 1914.

3. Sabatino MOSCATI (dir.) : Les Celtes. Guido Achille MANSUELLI, « Les Celtes et l’Europe ancienne », 7. Stock, Paris, 1997. Cite Paul-Marie DUVAL, préface de l’ouvrage de Venceslas KRUTA : Les Celtes, RCS Libri et Stock, Fribourg-Paris, 1978.

4. Fernand BRAUDEL : Les mémoires de la Méditerranée, Préhistoire et Antiquité, 36, de Fallois, Paris, 1998.

D'après la Nouvelle Histoire des Celtes, T 1.

9. « Maladie du langage » et « maladie de la pensée »imaginaires1

Les esprits rationalistes à outrance s'interdisent de comprendre quoi que ce soit de la mentalité antique au caractère symbolique marqué, dont l'étonnant florilège, imagé, verse dans l'ésotérisme. C'est ainsi que les conteurs épiques, aèdes et chroniqueurs des anciens temps se sont emparés des exploits héroïques des conquérants, et les ont enjolivés. Largement incomprises, leurs relations sont d'ordinaire regardées comme le « fléau de l’Antiquité »2.

Ce n’est donc pas tant une insaisissable maladie du langage qui serait encause, que l’inconséquence des raisonnements et des modes de lecture. Confusions verbales, contresens et quiproquos en série finissent par dérouter les commentateurs.

1. Max MÜLLER : Mythologie comparée. « Nouvelles études de mythologie », 288-289, Robert Laffont, Paris, 2002.

2. Ibid. Leçons sur la science du langage, 12-13.

D'après la Nouvelle Histoire des Celtes, T 1.

10. Le concept d'un « âge d'or » préhistorique,

est un mythe moderne

Les peuples conquérants, aux invasions fulgurantes et foudroyantes, ne donnent pas une image pacifique. Or, la littérature spécialisée a longtemps nié l’existence de conflits antérieurement à l’âge du fer : « l’idéalisation du passé » tient lieu de doctrine aux « préhistoriens, [qui] n’ont cessé d’angéliser le passé humain »1. En vertu de ce principe, thèse de nos jours encore en faveur, la construction de places défensives aux époques plus anciennes, aurait été inutile. Or, c'est faire fi et de la nature guerrière du tempérament humain, et de la réalité d'une succession dans le temps, de places-fortes aux noms diversifiés.

1. Lawrence H. KEELEY : Les guerres préhistoriques. « L’idéalisation du passé », 23-65, Éd. Perrin, Paris, 2009.

11. La violence des guerres préhistoriques

n'est pas une vue de l'esprit

Quand l'esprit humain se persuade qu'une réalité n'existe pas, il ne se donne pas la peine de s'assurer du contraire. Il devient aveugle et s'enferme dans ses certitudes. Par exemple, le pendant de l'âge d'or, c'est l'absence de conflit. Pourtant, dès les temps obscurs et fabuleusement lointains des Tartares et des Titans légendaires, l'humanité retentit du bruit de fureurs et d'atrocités sans nom. La notion de guerres préhistoriques n’est pas une vue de l’esprit1. Désormais, cette réalité se trouve parfois reconnue2.

1. Lawrence H. KEELEY, ibid.

2. Jean CLOTTES (dir.) : La France préhistorique. Un essai d’histoire, Gallimard, Paris, 2010.

12. Une prétendue « mode mégalithique »

Il conviendrait de déplorer une « mode mégalithique » : « contrairement aux idées reçues, les dolmens sont bien antérieurs à l’arrivée des Celtes, et ils n’ont rien à faire avec la culture celtique… Les dolmens sont des tombeaux préhistoriques, et on en trouve davantage dans le midi de la France qu’en Bretagne. »1. Avec le couplet de la « mode mégalithique », cette dénégation prend un tour sarcastique ; or, les termes de l’équation sont faussés, biaisés : elle s’appuie sur la thèse éculée de l’apparition tardive des Celtes, à l’époque du fer. D’aucuns n’hésitent pas à qualifier de « fadaises… inventées par la celtomanie », l’attribution de tels monuments à ce peuple spécifique. Las, c’est méconnaître la prodigieuse antiquité de l’enracinement celtique, de sa brillante civilisation, ainsi que son extension eurasiatique. La paternité de ces « fadaises » se trouve totalement inversée.

1. Ouvrage collectif : La plus belle Histoire de l’homme, Le Seuil, Paris, 1998. Jean GUILAINE : « La mode mégalithique », 147.

Extrait de la Nouvelle Histoire des Celtes, T 1.

13. Un nomadisme qui ne laisse pas de trace

Un observateur des myriades de cultures de l’âge du bronze, s’interroge sur la nature de ce « kaléidoscope de petits groupes humains dont la coexistence, comme les relations, restent pour nous un mystère. Des siècles durant…, ces tribus vont se côtoyer, se combattre et se supplanter tour à tour. Il est donc nécessaire d’attribuer à ces peuples un nomadisme qui contraste avec toutes les données archéologiques. »1.

Une nouvelle fois, la charge de la preuve se trouve curieusement inversée,et la science élevée au-dessus des contraintes de la réalité objective des faits. Les peuples demeurent longtemps errants ; leur état de vie spécifique ne contribue guère à la formation de vestiges archéologiques. En la matière, cela constitue le comble de la désolation.

Toutefois, des campements datés du mésolithique livrent réellement des objets, tels que des pointes de pierre taillée.

1. Archéologie : cultures et civilisations du passé en France et dans le monde entier, Paris, 1980. R. PERONI : « Les populations de l'âge des métaux », 140.

14. Négation de la réalité des migrations massives

Les invasions qui se succèdent dans la longue suite des temps, ne font que reproduire un phénomène initialisé de longue date, qui conduit les peuples migrants de l’Orient à l’Occident. Abondant désormais en ce sens, avancée significative, « l’ensemble des historiens s’accordent pour reconnaître que l’expansion de ces nomades conquérants fut foudroyante »1.

Mais, un point de vue restrictif reprend droit de cité : les Celtes étant censés naître en Occident, ils ne pouvaient alimenter des flots nourris de migrants. Cette thèse nie la réalité des invasions massives, sous prétexte que « des changements [techniques et culturels sont] interprétés [sic] en termes de migrations »2, ce qui constitue effectivement une erreur de jugement. Or, issues des profondeurs de l'Asie, les invasions massives laissent dans les annales et la mythologie, un souvenir terrifiant.

1. André NATAF : Mythes et légendes des grandes civilisations, 107, Éd. Amarande, Genève-Paris-Montréal, 1993.

2. Patrice BRUN et Pascal RUBY : L'âge du fer en France, 10, Éd. La Découverte, Paris, 2008, 2ème édition 2011.

15. Vraies et fausses invasions

De temps à autre, la critique fait état de fausses invasions. C'est ainsi qu'il semble désormais reconnu que les cavaliers de l’âge du bronze final, munis d’une grande épée, étaient des indigènes1. Mais, que diable, d’où une croyance longtemps tenace tient-elle qu’ils avaient été subjugués par des envahisseurs orientaux ?

1. Patrice BRUN et Pascal RUBY, ibid., 51.

Par contre, les Celtes étant longtemps restés nomades ou semi-nomades, de simples déplacements d'un lieu à un autre sont parfois pris pour des mouvements d'invasion.

Par ailleurs, une thèse dominante assure que, en provenance d'Europe centrale, les peuples des Helviens, des Allobroges et des Ségalauniens surgissent dans la vallée du Rhône en plusieurs vagues, au cours des âges successifs du fer. L'apparition de nouveaux types de poteries en seraient la marque et la preuve. Elle se place au centre d’une vive polémique : plus circonspect, un cercle plus restreint d’archéologues en conteste la validité. Il observe en effet que rien ne permet d’affirmer qu’une corrélation étroite s’établit entre d’une part l’apparition de nouveaux types de céramiques, dûment identifiés, et d’autre part celle de nations dont nul, jusqu’à présent, ne pouvait suivre la trace. Interrogé à ce sujet, un archéologue local, dont la compétence dans son domaine ne saurait être mise en doute, avoue : « Oui, il y a polémique ». C’est tout : la discussion s’arrête net avant même de commencer. Or, tout désaccord de ce type cache quelque chose, qu’il s’agit de découvrir.

En réalité, aucun mouvement d'invasion de grande ampleur n'étant observé aux époques considérées, alors qu'explorateurs et marchands grecs sillonnent la région, force est d'admettre que la présence sur place des peuples considérés est antérieure à l'âge du fer.

D'après la Nouvelle Histoire des Celtes, T 3 (en préparation, 2010).

Ce cas d'espèce et d'école se verra résolu au tome 3, au double plan de l'origine et de la nature des peuples en question, et de la cause des changements techniques observés.

16. Histoire inconnue des Indo-Européens

Sans leur reconnaître la qualité de Celtes, la critique habituelle déplore ne rien connaître des Indo-Européens, et demeure dans le flou le plus complet :« les Indo-Européens, toute leur préhistoire, nous est inconnue ; ce sont peut-être des indo-européanisés »1. Cependant, une intéressante ouverture admet que, venus de l’est, des Indo-Européens auraient colonisé l'Europe au cours du -VIIe millénaire2.

1. Roland BARTHES : Fragments d’un discours amoureux, 10, Éd. de l’Amateur, Paris.

2. Albert CAMUS : Le mythe de Sisyphe, les Essais XII, 34 et 41, Gallimard, Paris, 1942.

17. Les Indo-Européens de la critique n'ont pas d'existence propre : les premiers d'entre eux sont des Celtes

Leur apparition sur la scène du monde résulte de la théorie des langues dites indo-européennes. Or, en fonction de ce qui précède, avant l'émergence des Scythes puis des Germains, ensuite des Sarmates puis des Slaves, ce sont la plupart du temps, d'authentiques Celtes. Qui plus est, la branche hindoue ne prime pas sur la branche d'origine altaïque : les textes indiquent clairement que les hindous résultent de migrations en provenance du nord, c'est-à-dire de régions peuplées de Celtes.

18. Les excès de l’anticeltomanie

rejoignent ceux de la celtomanie

Les débordements romantiques incontrôlés d’une « celtomanie »1irraisonnée, excessive et aveugle, se développent au XIXe siècle, époque de nationalismes exacerbés et antagonistes. En retour, ils provoquent à l’encontre des Celtes un désintérêt abusif et irrationnel ; ils jettent le discrédit et l’anathème sur l’ensemble du phénomène celtique. Les travaux spécifiques qui les concernent en pâtissent. À en croire les doléances des archéologues, il s’étend pour longtemps et par ricochet aux études préhistoriques en général.

D’aucuns déplorent et dénoncent « les récentes résurgences nostalgiques de la celtitude »2 ! Or, ce discours relève plus de l’irrationnel que d’une saine conception de l’Histoire.

1. Archéo, encyclopédie de l’archéologie. À la recherche des civilisations disparues, T 11, 36 et 285-286, Bruxelles, 1986.

2. André AKOUN (dir.) : Mythes et croyances du monde entier, 16, Paris, 1985.

D'après la Nouvelle Histoire des Celtes, T 1.

19. Négationnisme appliqué aux Celtes

Les pourfendeurs du phénomène celte n’hésitent pas à franchir un pas supplémentaire, allant jusqu’à lui nier toute réalité existentielle : « la culture celte n’est qu’une fantaisie historique » ! En outre, il serait « fâcheux » d’user du nom ethnique de Celte, qui « reste en travers de la gorge »1 ! Cette opinion outrancière émane de respectables Britanniques, sans doute nostalgiques de la conquête anglo-saxonne, pour lesquels la réduction et l’écrasement des Celtes ne sont pas complets.

1. Alec MARSCH : « Les Celtes ne sont-ils qu’un mythe ? », The Daily Telegraph, cité par Le Courrier International n° 388 des 9-15 avril 1988, 46.

20. L'origine des Celtes est réputée inconnue

Faute de recherche approfondie, d’aucuns déclarent forfait et admettent avec fatalisme, que « l’origine des Celtes demeure inconnue »1, ou que« les origines des Celtes demeurent très mystérieuses »2. Leur naissance serait-elle « enveloppées de ténèbres »3 ?

Ce commode artifice de langage ne constitue-t-il pas une autre forme expressive, aux accents fortement incantatoires, de la fameuse « nuit des temps » de la critique classique, un aveu d’impuissance face à l’indicible ? Il vibre tel un chant antique, tragique et désespéré. Puisqu’elles « semblent [s’y] perdre », autant renoncer à les situer dans la durée.

1. André NATAF : Mythes et légendes des grandes civilisations, 107, Éd. Amarande, Genève-Paris-Montréal, 1993.

2. Michel MOURRE : Le petit Mourre, 132, Bordas, Paris, 1993.

3. André PIGANIOL : La conquête romaine, 138, P.U.F., Paris, 1967.

D'après la Nouvelle Histoire des Celtes, T 1.

21. Le « mystère celte » est un mythe moderne

Selon les canons habituels, l’interrogation fondamentale « les Celtes ont-ils été le premier peuple européen ? », demeure en suspens. Et, il convient d’ôter toute consistance à un prétendu « mythe celte ».

-- Premier point : les fouilles archéologiques ne permettent pas toujours d’attribuer les vestiges découverts à un peuple donné, ni d’en connaître l’extension.

-- Deuxième point. La fiabilité des sources étrangères ne semble pas incontestable : elles ne parlent pas des Celtes avant le -VIe siècle.« Comment un peuple peut-il surgir de nulle part, et se trouver soudainement aux quatre coins de l’Europe ? »

-- Troisième point : le celte est l’une des langues européennes les plus archaïques, ce qui incite à penser que ses locuteurs « devaientcertainement peupler l’Europe dès l’époque de la préhistoire »1.

1. Emmanuelle GRÜN : Silences et non-dits de l’histoire antique, 85-86, Yvelinédition,

Montigny-le-Bretonneux, 2008.

D'après la Nouvelle Histoire des Celtes, T 1.

22. Les Germains ne précèdent pas les Celtes

Pas plus qu'ils ne se confondent avec les Celtes, leur individualisation ne précède la leur. Maintenir le contraire est doublement inexact. En effet, tout d'abord, les Germains résultent à l'origine de la métamorphose des Scythes asiatiques. Ensuite, ou plutôt antérieurement, les Scythes se différencient nettement après les Celtes.

« Au début, ils [les Scythes] n’occupaient qu’un petit territoire, mais, par la suite, grâce à leur force et à leur vaillance, ils en conquirent un bien plus considérable, et portèrent leur nation à un haut degré de puissance et de gloire. Leur point de départ fut le fleuve Araxe, auprès duquel ils vivaient en petit nombre, sans renom et même sans estime ... » DIODORE de Sicile, Bibliothèque historique, II, 43.

Le témoignage des Scythes le confirme : « À ce que disent les Scythes, leur peuple serait de tous le plus récent. Dans leur pays, alors désert, serait né le premier homme… » HÉRODOTE (Histoires, IV, 5).

En réalité, alors que l'Araxe coule en Asie centrale, le lieu de leur naissance se place au fin fond de l'Asie. Les hordes de ces précurseurs des Germains devenus nombreux, n'eurent de cesse de repousser les Celtes toujours plus loin, vers l'ouest.

23. L'Occident ne constitue pas

le vivier promordial des Celtes

La vision qui se dégage de thèses habituelles, alternatives par rapport à la précédente, se trouve complètement inversée par rapport à la réalité : les Celtes ne naissent pas dans les régions transrhénanes ou danubiennes pour ensuite migrer tous azimuths, mais dans le lointain Altaï sibérien. De là, ils partent à la conquête de l'ancien nouveau monde, selon des itinéraires globalement orientés d'est en ouest.

« La course des astres les conduit d'est en ouest. »

AETIUS, l'un des premiers philosophes grecs.

Pourquoi un philosophe se préoccuperait-il d'une circonstance aussi vulgaire ? C'est que, en réalité, en un langage imagé à la mode antique, il fait allusion aux mouvements des migrations ancestrales. Et, s'il est question d'astres, c'est en raison de ce que les héros primordiaux leur sont assimilés, principalement au soleil, qui naît à l'est et se couche à l'ouest.

D'après la Nouvelle Histoire des Celtes, T 1.

Le cliché de l’origine d’une seule civilisation, qui se serait propagée d’ouest en est1, a vécu : l’inverse correspond mieux à la réalité des faits.

1. Georges DUMÉZIL : Les dieux souverains, 183.

24. Les Celtes ne naissent pas au nord de l'Europe

Le cliché des « derniers conquérants venus du nord »1 est irréaliste : il semble que le nord de l'Europe ait de bonne heure été atteint par les vagues d'invasion venues de l'Altaï. Il s'agirait plutôt des premiers conquérants, qui y seraient parvenus plusieurs millénaires auparavant...

1. Camille JULLIAN : Histoire de la Gaule, T 1, Livre I, I, section 1, Hachette, Paris, rééd. 1993.

25. Génération spontanée des Celtes ?

Une vision réductrice considère que « la culture celte de la Tène… apparaît comme une nouveauté, une découverte… qui s’est créée en un “instant” » Elle se caractérise par un art décoratif à tendance baroque, typiquement celte. Elle aurait donc surgi brusquement au second âge du fer, et succédé à « la culture de Hallstatt qui, avec ses styles régionaux…, ne peut être considérée comme une préfiguration de la culture celte… Les débuts de la culture celte sont obscurs. »1.

Tel un écho fidèle, il en résulterait que « les origines des Celtes demeurent très mystérieuses »2. Et, tel le Phénix qui renaît sans cesse de ses cendres, la fameuse théorie de la génération spontanée, en vogue aux débuts balbutiants de la biologie, ressurgirait-elle en archéologie ? Plutôt que de miser sur son improbable apparition instantanée, ne serait-il pas préférable de soutenir au contraire que la culture de la Tène représente l’« apogée »3 ou constitue le « noyau de la civilisation celtique » ? Elle procéderait d’une évolution qui plonge ses racines dans celle de Hallstatt.

1. Archéologie. Cultures et civilisations du passé en France et dans le monde, Paris, 1980. J. DRIEHAUS : « L’Europe à l’époque des Celtes », 179-180.

2 et 3. Michel MOURRE : Le petit Mourre, 132, Bordas, Paris, 1993.

Extrait de la Nouvelle Histoire des Celtes, T 1.

26. Les Celtes ne naissent pas tardivement,

au début de l'âge du fer

La doctrine qui place tardivement le berceau des Celtes sur les cours supérieurs du Danube et du Rhin (la Lusace), au début de l’âge du fer, se voit parfois mise en balance avec celle qui leur fait franchir le Rhin dès l’âge du bronze. Las, le flou persiste, car c’est pour en conclure aussitôt qu’elles paraissent « aussi crédibles » l’une que l’autre1.

En raison de cette thèse restrictive, d'aucuns s'étonnent de ce que nul mouvement migratoire en provenance de cette contrée et en direction des Îles Britanniques, ne soit observé à l'époque considérée, celle du fer. Et pourtant, mystère selon les normes habituelles, le celte semble déjà parlé dans cette dernière région2.

Or, l'antique mythologie grecque restitue à la fois le lieu de leur naissance, et le nom des héros primordiaux. Par ailleurs, les annales des prêtres égyptiens de Saïs permettent de dater aux environs de -8600 l'émergence des Celtes proprement dits, qui succèdent à d'autres entités ethniques, nettement identifiées.

1. Sabatino MOSCATI (dir) : Les Celtes. Guido Achille MANSUELLI, « Les Celtes

et l’Europe ancienne », 7-8, Stock, Paris, 1997.

2. Patrice BRUN et Pascal RUBY, ibid.,

D'après la Nouvelle Histoire des Celtes, T 1.

27. La langue celtique ne se forme pas tardivement,

à l'âge du fer, ou peu s'en faut

Compte tenu des vues réductrices en vigueur, il serait impossible de situer la date de la formation du celte, à l'âge du fer ou à celui du bronze. Or, ce cercle de langage s'enracine dans le lointain Altaï et antérieurement ; le tartare en constitue le vivier primordial. Il s'ensuit que, regardé au titre de « celte ancien », le gaulois n’est en réalité que du néo-celte ; qualifiés de « celterécent », les parlers insulaires et le breton en sont des expressions tardives. Et, de nature archaïque, le véritable celte s’enracine dans les onomatopées primordiales ; tel est le véritable celte ancien. D'après la Nouvelle Histoire des Celtes, T 1.

28. Croyance du caractère fortuit de la permanence

de noms ethniques à travers l'Eurasie

Comment se pourrait-il que la répétition insistante dans l’espace et dans le temps de noms de peuples, se réduise à des cas fortuits et accidentels d’homonymie, qui résulteraient des effets du seul hasard ? Cette opinion courante relève plus d’une sorte de dérive faussement rationaliste, que d’une saine vision de la réalité. Sceptique, la critique y voit le signe que les Anciens manquaient de curiosité et d’imagination (mais, l’imagination, reine du roman, ne saurait s’introduire dans un débat à caractère scientifique) : par paresse intellectuelle, ils auraient appliqué des dénominations identiques à des peuples hétérogènes, et rejeté dans un magma indifférencié tous les Barbares, étrangers au monde grec et latin.

En réalité, la chronique et l’onomastique attestent de la véracité d’étonnants dons d’ubiquité de coureurs d’aventure. Tout en conservant une appellation la plupart du temps quasiment inchangée quant à la forme ou quant au fond, des peuples avaient migré d’un lieu à un autre, à travers les immenses espaces de l’Eurasie. il s’agit là d’une clé fondamentale de découverte parmi d’autres ; elle permet de retrouver des liens de sang de longue date devenus indécelables.

Les étiquettes désignatives apposées aux anciens peuples, ne doivent donc rien aux effets du hasard ; elles découlent d’une observation minutieuse de leurs mœurs. Elles les campent d’un trait caractéristique qui les distinguent en propre, et les différencient des autres nations. Tel est le cas des Celtes,

dont le nom indigène rend compte d’une invention remarquable, celle de la cavalerie ; elle est avant tout l’apanage d’une caste de guerriers. Mais, dès l’Antiquité, qui s’en souvenait encore ?

D'après la Nouvelle Histoire des Celtes, T 1.

29. Floraison de peuples mythiques

L’émergence livresque des Celtes et de leurs illustres prédécesseurs va d’autant moins de soi, que la critique se complaît à déclarer qu’il s’agit à leur propos de contes ineptes, d’un « ramassis de sottises »1 ou de « sornettes » ; ils évoqueraient des « peuples mythiques »2, tous plus fantaisistes les uns que les autres.

1. Opinion émise par un éminent conférencier, à propos des Histoires d’HÉRODOTE.

2. PLINE, VI, 50, Les Belles Lettres, Paris, 1.980. Commentaire de J. ANDRÉ et J. FILLIOZAT, note 1.

30. Le nom de Celtes ne naît pas dans la vallée du Rhône !

Une autre vision réductrice consiste à professer que le nom générique de Celtes « désignait primitivement les habitants de la moyenne vallée du Rhône », et « fut étendu plus tard à l’ensemble des peuples occupant la Gaule et les îles Britanniques»1.

1. Jean-Marie CORNET, Cours de logistoire 1, ibid., 120, Imp. de PL.A.N, Romans,1990.

31. Amalgame persistant entre les noms

de Celtes et de Gaulois

Il est d'usage d'affirmer que les noms de Celtes, Gaulois et Galates sont équivalents, et basés sur la même racine linguistique.

En réalité, le premier se différencie des autres :

-- le nom de Celtes est forgé sur le grec Keltoï, les Cavaliers, définition intrinsèque de cette grande famille humaine ;

-- ceux de Gaulois et de Galates dérivent de la forme Alaunes, les Meilleurs des hommes (se reporter à la rubrique « La langue celtique, les peuples »).

32. Le nom des Celtes n’est pas une invention moderne

Comme c’est étrange, tout y passe : une thèse étonnante prétend que le nom de Celtes ne serait qu’une « terminologie… très récente, [qui] sert à classer commodément un groupe humain d’après ses spécificités »1.Certes, certains milieux spécialisés finissent parfois par l’adopter, et à abandonner celui de Gaulois. Or, la chronique antique en fait déjà état...

1. Jean MARKALE : Nouveau dictionnaire de mythologie celtique, « Celtes », 65, Pygmalion-Gérard Watelet, Paris, 1999.

D'après la Nouvelle Histoire des Celtes, T 1.

33. Méconnaissance de l'importance

du pouvoir économique des Princes Royaux

Déterminer quelles sont les causes des changements techniques et culturels, se trouve en général hors de portée des moyens ordinaires de l'archéologie.

L'exercice du pouvoir des princes dirigeants, tel qu'il ressort d'annales négligées, livre la clé du mystère. Il s'agit du principe méconnu du monopole commercial, que les Princes Royaux détiennent : à toute époque, l’innovation relance la demande. Les Arvernes en illustrent le principe avec brio ; ils perpétuent un système qui tire son origine du fond des âges.

L’intérêt commercial bien compris consiste, jadis comme aujourd’hui, à redonner régulièrement vigueur à la demande, grâce à une innovation sans cesse renouvelée. Même si le rythme en paraît alors nettement moins frénétique car il s’agit de siècles et non de saisons ou de mois, le schéma reste globalement le même. Cette tendance qui crée la mode, ne serait donc pas l’apanage des temps modernes.

D'après la Nouvelle Histoire des Celtes, T 3 (en préparation, 2010).