2. La langue celtique ; survivances (à compléter)

Le constat

La fameuse théorie des langues dites indo-germaniques, pudiquement rebaptisées indo-européennes pour cause de convenance franco-germanique, place le celte après le germain. Or, le celte le précède de loin en antériorité. En effet, le germain est issu du scythe ; les Scythes paraissent sur la scène du monde longtemps après les Celtes.

En réalité, fait unanimement ignoré, l'ensemble des langues eurasiatiques dérivent de la tige ancestrale, méconnue, du tartare. Initialement, le turc se trouvait inclus dans le cadre général ; mais il en a été exclu, car il s'intègre mal aux autres. Or, déjà composite, le tartare est l'ancêtre desgroupements dits turco-mandchous ou turco-mongols. Les parlers dits pré-indo-européens se placent dans ce système. Mais, nombre de vocables censés en relever, se traduisent par l'intermédiaire du celte. Bien entendu, les phénomènes linguistiques présentent une grandecomplexité. Longtemps considérée comme linéaire, il est désormais reconnu que la famille des langues celtiques se diversifie en forme d'arborescence.

GENÈSE D'UNE DÉMARCHE DE TYPE SCIENTIFIQUE

Encore jeune étudiant, nous avons commencé à réfléchir au celte. Or, les arrêtés établis par les cercles savants qui ne jurent que par le latin, ce qui bloque toute avancée décisive en ce domaine, ont longtemps retardé la maturation de cette prise de conscience. Il a fallu 40 ans pour sortir de cette sorte d'enfermement intellectuel, en réalité seulement 5 à partir du moment où nous nous sommes mis à apprendre le véritable celte ancien.

Apprendre le celte, est-ce vraiment difficile ? Non, dans la mesure où la méthode des comparaisons permet de rapprocher les uns des autres des vocables censés appartenir à des langues différentes, mais qui dérivent d'une racine commune.

En outre, la phonétique ancienne s'est perpétuée à travers les âges.

En France surtout et singulièrement et terre occitane, force noms de lieux, rivières et montagnes, d'autres encore tels que des patronymes familiaux, portent encore la marque du celte. Ce sont des définitions descriptives, imagées et réalistes, qui se suffisent à elles-mêmes. Au même titre que les livres et manuscrits, ces textes succincts sont des documents, en bonne et due forme.

En élargissant le débat, il n'est guère de nom de roi, d'ethnique, de théonyme, qui ne soit intraduisible. Des défricheurs inspirés nous précèdent sur cette voie pleine de promesses. Or, une vue synthétique leur manque en général.

Définitions

Regardé au titre de celte ancien, le gaulois (sic) de l'âge du fer des linguistes traditionnels, n'est en réalité que du néo-celte. Le véritable celte ancien s'enracine dans les onomatopées primordiales. Qualifiés decelte récent, les parlers insulaires et le breton en constituent des expressions tardives.

Le déclic

Des cas concrets permettent de se rendre compte que les méthodes habituelles d'analyse linguistique, ne donnent guère satisfaction.

- Alboussière (Ardèche). La thèse classique y voit un pays des arbousiers. Or, ce type de végétation n'existe pas dans la région considérée ; en outre, les racines des vocables incriminés sont trop dissemblables. En réalité, il s'agirait d'un composé tripartite alb-bous-ière, ou alb-bous-uscu. Le préfixe désigne unemontagne de moyenne élévation, et l'infixe les vaches.

Le suffixe résulte de la francisation du parfaitement celtique uscu, lieu ou domaine

(comme dans Chamalière, réputé chamal-uscu), et non de quelque terminaison issue du latin (thèse courante).

Alboussière est le domaine des vaches de moyenne montagne. Cette localité s'étend effectivement sur un plateau de piémont, qui se consacrait à l'élevage des bovins. En vertu de quoi, le constat suivant s'impose :

en matière linguistique, légiférer en chambre mène à l'impasse.

- Les Alpes. Les racines alb et alp sont proches l'une de l'autre. Jadis, tandis que l'Elbe prenait sa source dans des Albes, le Tanargue, massif de naissance de l'Ardèche, formait des Alpes. Les Apennins en révèlent la véritable nature : les Alpes sont des cimes élevées, alp-'henn.

Également connue du sanscrit1, quoique réputée pré-celtique, la racine alb signifierait hauteur2. Après cela, que les latins, à la vue des sommets couverts de neige, traduisent albus par blanc, ne change rien à l'affaire.

1. Max MÜLLER : Mythologie comparée. « Essais sur la mythologie comparée ». Commentaire de Pierre BRUNEL, 763, note 18, Robert Laffont, Paris, 2002.

2. Jean ARSAC : Toponymes du Velay, 29, Cahiers de la Haute-Loire, Le Puy, 1991.

- Chalencon (Ardèche, Drôme, Haute-Loire). Il s'agit d'un cas typique

de vocables dont la racine est présumée pré-indo-européenne, de type *chal. L'astérisque est censé le stipuler ; or, dans les esprits, ce vocable prend force de loi, de telle sorte que son caractère hypothétique finit par être oublié. En outre,*chal signifierait hauteur rocheuse.

En réalité, cette construction souffre d'un quadruple vice de forme :

- elle est tellement hypothétique qu'elle n'existe probablement pas ;

- il n'est pas raisonnable de traduire un nom, ici Chalencon, en ne prenant en compte que l'un des éléments qui le composent, et non l'ensemble ;

- il n'est pas tenu compte de la prononciation ;

- et, de ce fait, la césure se trouve mal placée.

Premier point. Si Chalencon signifiait hauteur rocheuse, il y en aurait des milliers, car elles ne manquent pas dans les régions montagneuses. La thèse de la calanque ne se montre guère plus heureuse.

Deuxième point : Chalencon, c'est tcha-al-enc-ou. Les règles intangibles de la phonétique celtique, le stipulent. Or, en patois (en occitan), Chalencon se dit tchalencou. Cette définition expressive se montre autrement convaincante que celle de hauteur rocheuse.

Troisième point. Le préfixe tcha renvoie à une primitive onomatopée, qui se rapporte au travail de la pierre taillée1. Il demeure inconnu des glossaires habituels, et pourtant, il exprime une réalité essentielle.

Quatrième point ; al se rapporte au sacré ou au divin2.

Cinquième point : enc désigne un temple3.

Sixième point : la finale -on résulte d'une déformation du pluriel -ou.

1. Cf. Bertrand LE TOURNEAU : Les temples sacrés de pierre taillée des lieux-dits Chalancon et Chalencon, La Bouquinerie, Valence, 1998.

2. Gaston REY : Survol du passé cévenol..., « ol, el, alt », 197, Robert Roux, Aubenas, 1983.

3. Ibid., 39, 179-180 et 206.

Chalencon, ce sont les temples sacrés de pierre taillée. Inconnus des nomenclatures habituelles, ces monuments mégalithiques existent réellement, dans le voisinage. Ils lèguent leur nom au village.

- Save. Des lieux-dits, ainsi que des rivières en portent le nom. Selon les conceptions en vigueur, il est « interprété creux »1. En l'espèce, cette vision sonne juste, mais demeure vague et insuffisante : toute interprétation d'ordre subjectif doit laisser place à une démonstration en bonne et due forme. Il peut être rapproché du provençal chave, creux, car certains lieux-dits portent la double désignation chave et save (cadastre napoléonien et actuel) ; il y a bien filiation entre ces deux formes. Mais, les analyses habituelles déclarent forfait : « on [en] ignore la provenance »2.

1. Albert DAUZAT, Gaston DESLANDES, Claude ROSTAING : Dictionnaire étymologique des noms de rivières et de montagnes en France, « Save », 82, Klinksieck, Paris, 1978.

2. Jean MOULIN : Habitat et communications dans le pays de Berg, 8, Valence, 2000.

En définitive, selon tcha, pierre creusée, tout lieu-dit Save ou Chave rappellerait le souvenir de grottes artificielles, creusées de main d'homme. Et, plutôt que de croire que les flots des rivières Save en ont creusé le cours, occurrence somme toute banale, il paraît préférable de dire que lesfalaises qui les bordent, présentent ce type de cavités. Ce vocable se retrouve dans le français cave.

- Les Saces (ancien peuple d'Asie centrale). La base tcha en explique la caractéristique intrinsèque (se reporter à la rubrique « itinéraire celtique à bâtons rompus ; les peuples »).

- Le Mézenc (Ardèche). La base enc, temple, se retrouve dans le nom du Mézenc, dont le sommet en forme de plateau domine le paysage environnant. Le préfixe mez désigne la campagne, un grand champ, l'extérieur1. 1. Jean-Marie PLONEIS : L'identité bretonne. L'origine des noms de personnes, « maez », 155-156, Éd. du Félin, Paris, 1996.

La définition descriptive du Mézenc est celle de temple de plein air. Elle enracine dans le terroir l'un de ces temples de plein air des Celtes, connus des annales antiques. Elle se montre autrement expressive que celle de montagne du milieu, habituellement retenue.

Enseignement à tirer de ces cas concrets

L'approche linguistique renouvelée en profondeur ici mise en œuvre, restitue toute leur saveur, à des vocables de vénérable facture. Ce sont de véritables définitions descriptives et imagées, qui se suffisent à elles-mêmes. Qui plus est, elles permettent d'établir des corrélations probantes entre d'une part la langue, d'autre part l'archéologie et l'Histoire. Elles se montrent autrement porteuses de sens que ce que les fades tentatives habituelles réalisent. L'analyse croisée de vocables variés, qui présentent un élément commun, renforce la portée du système.

Itinéraire celtique à bâtons rompus

Les cas concrets précédents tracent le cadre d'une démarche fructueuse. Plutôt que de se perdre dans les méandres d'une linguistique savante qui se développe en circuit fermé, une approche pragmatique et didactique est ici proposée dans un cadre général et global : au même titre que l'archéologie, il s'agit de mettre la linguistique au service de l'Histoire. Elle risque ainsi moins de s'égarer dans des considérations intellectuelles, qui ne prennent pas vraiment compte des réalités multiformes de la vie des hommes et de leurs œuvres, et qui ignorent trop souvent les enseignements tirés des annales et du terroir.

LES CLÉS D'UNE PRATIQUE LINGUISTIQUE FRUCTUEUSE

Le constat

Il est hors de question de se perdre ici dans les jeux stériles des subtilités linguistiques, qui ont détourné des bataillons d'écoliers français de la pratique des langues étrangères. Mais, quelques règles simples suffisent à percer les mystères de la langue celte. Car en effet, écrits et tradition orale conservent force vocables, et jusqu'à de courtes définitions descriptives, d'un réalisme saisissant, qui se suffisent à elles-mêmes.

En outre, de savantes spéculations, objets de querelles infinies, se sont trop longtemps centrées sur le seul gaulois (sic) continental. Même les celtisants peinent à s'affranchir du cercle du latin et du gallo-romain. Une lueur finit toutefois par jaillir : la comparaison des divers idiomes celtes (breton, gallois, irlandais, etc.) se montre féconde. Qui plus est, des toponymes réputés francisés, car ne pouvant se rattacher au latin, cachent des formulations typiquement celtes1. En outre, le vieux breton présente des tournures qui proviennent du celte.

- Fait étonnant, l'occitan conserve la prononciation caractéristique du celte, telle qu'Isidore de Séville la décrit aux VIe- VIIe siècles : nasale et gutturale, elle présente un « caractère aboyant », de telle sorte que les locuteurs « donnent souvent l’impression de japper à la fin des mots ». Une telle « rudesse celtique »2, se trouve parfois reconnue.

- Ces deux langues laissent tomber les consonnes et modulent les syllabes, de telle sorte qu’elles paraissent emplies de voyelles. De même, les locuteurs, voire les scribes, avalent tout ou partie des syllabes, de telle sorte qu'une syllabe se réduit souvent à une consonne.

- Des mutations consonantiques et vocalique persistent encore de nos jours, même en français. Exemple : le /g/ s'affaiblit en /j/, et la gambe (viole de gambe, gambader), devient jambe.

- Enfin, les lois rigides de la phonétique savante se trouvent souvent prises en défaut. Comble de la malséance en la matière, des noms propres reçus du grec et intraduisibles par le biais de cette langue car tirés du celte, auraient « été torturés et défigurés » ; ils « violent souvent les lois phonétiques les plus sacrées »3 (sic) !

Renversement complet de perspective, la réalité objective des faits devrait se plier à des échafaudages de fiction !

1. François FALC'HUN : Les noms de lieux celtiques. Vallées et plaines, 291 et s., Stakline, Genève-Paris, 1982.

2. Revue du Vivarais, T 38, 1931. Jean de la Laurencie : « Survivances celtiques et préceltiques », 193 et s.

3. Max MÜLLER : Mythologie comparée. « Application des règles phonétiques aux noms propres », 451-456, Robert Laffont, Paris, 2002.

SURVIVANCES CELTIQUES (en matière linguistique)

Réalité rarement soulignée, le celte survit peu en français, et nettement plus en occitan. En français, il est admis qu'il perdure dans de rares vocables et expressions, de nature dite péjorative ou enfantine. Or, cette opinion mérite d'être doublement amendée : certains termes ne le sont nullement ; et, quoique moindres qu'en occitan et même qu'en ancien français, les survivances celtiques paraissent plus nombreuses que généralement supposé. En voici quelques exemples (donnés par ordre alphabétique ; cette liste n'en est pas limitative).

- Que d'aria ! Quel aria ! Cette locution, qui tend à tomber en désuétude, exprime un sentiment d’impuissance face à une situation confuse donnée. Elle semble tirée du nom des Aryens, peuple-fleuve de l'inondation humaine.

- Balai, balain au XIIIe siècle. Ce nom d'instrument domestique serait issu d'une variante dialectale de l'appellation celtique du genêt balan. Par suite d'une fréquente confusion, les lieux-dits Balayn, habités par le dieu Bel, se trouvent, dans les esprits, déchus de leurs prérogatives. François FALC'HUN : Les noms de lieux celtiques : vallées et plaines, 176, Slatkine, Genève-Paris, 1982.

Jean-Marie PLONÉIS : La toponymie celtique. L'origine des noms de lieux en Bretagne ; la flore et la faune, << le genêt >>, 83, Éd. du Félin, Paris, 1993.

- Braies. Ce terme désigne le pantalon ample et bouffant des Celtes. Il dérive du celte braia.

- Brebis. Sans passer par le latin, ce vocable dériverait directement du celte, par l'intermédiaire du peuple des Bébryces, au nom explicite de conducteurs de brebis. Réputé d’origine thrace, certains d'entre eux avaient migré en Asie mineure, d’autres dans les Pyrénées.

- Briser. Ce mot dériverait du celtique briz/bres, qui a donné brezel, guerre.Jean-Marie PLONÉIS : L’identité bretonne, ibid.,118.

- Cabochard, entêté : ce terme péjoratif semble revenu au sens initial du celte et du breton kab, têtu, qui n'en fait qu'à sa tête1. 1. Jean-Marie PLONÉIS, L'identité bretonne, ibid., « cab-ec », 172.

- Cambuse. Ce terme désigne une maison mal tenue1, ou mieux, en Berry, une mauvaise hutte2. Comment ne pas y voir un dérivé du celte cambo, courbe3 ? De fait, des maisons préhistoriques présentent une forme arrondie (voir en page 2 bis, 4 : maisons et villages).

1. Le Petit LAROUSSE.

2. Le LITTRÉ, T 1, 464, Hachette, Paris, 1878.

3. Georges DOTTIN : La langue gauloise, « cambo », Paris, 1920.

- Vieux chnoque. Le vieux breton cnoch/cnech, hauteur ou tête1, dériverait du celte archaïque knukko/kûkk, d’ordinaire présumé pré-celtique2. Passée en français, l'expression populaire s’applique à un homme usé et décrépit.

1. Jean-Marie PLONÉIS, L'identité bretonne, ibid., « keneh = hauteur et variantes dans les noms de personnes », 121-123.

2. Jean ARSAC, ibid., « kûkk », 54.

- Cuche. Le breton kouch perdure dans le français cuche, tas de gerbes.

Jean-Marie PLONÉIS, L’identité bretonne, ibid., « kouch », 219.

- Évier. La racine de l’antique eve/ive, eau vive, se retrouve dans le moderne évier. Elle se perpétue dans des noms de rivières ; elle est identique à celle de la biblique Ève (Genèse, 3, 20), qui, « selon le sens de son nom de nature, [est] “la Vivante” »1. 1. Xavier LÉON-DUFOUR (dir.) : Vocabulaire de théologie biblique, « Femme », 355-356, Paris, 1966.

- Galet. Le terme celte calet, dur, et dur comme la pierre (voir à la rubrique Galates), la consonne initiale /k/ étant affaiblie en /g/, donne le français galet.

- Garrigue. Le Littré l'écrit à tort avec un seul « r ». Alors que nulle ascendance latine ne lui est attribuée, ce mot serait tiré du provençal garric, terme qui se rapproche d'un des noms du chêne rouvre1. Il désigne aussi le chêne, sans plus de précision2.

1. Le LITTRÉ, T 2, ibid., 1838.

2. Jean ARSAC, ibid., « garric », 100.

- Joujou. En pays occitan, le terroir compte des lieux-dits de type jurus d'où est tiré le nom du Jura, et des noms de personnes Jouve. Des latinistes impénitents en rapportent la forme à Jupiter (Jovis/Jove) ! Ces formes déclinent plutôt le thème celte iuris/juris de la montagne boisée. Bien plus, le celte jou/joux est un dénominatif caractéristique du sapin1.

Ainsi, par suite de la perte du sens de l'antique vocable, l'acception du lieu-ditardéchois Serre de Jurus est à la fois redondante et édulcorée : tandis qu'un serre est une montagne de forme arrondie, jurus désigne une montagne boisée de sapins. L'origine du terme enfantin joujou est donc très ancienne : il désignait un jouet en bois de sapin, tel que les Celtes les fabriquaient.

1.

- Mage. Manifestement greffé sur le celte magos, grand1, qualificatif qui s'applique à des rois, ce terme convient bien aux rois mages.

1. Jean-Marie PLONÉIS, L’identité bretonne, ibid., « le roi », 58.

- Maint. Cet adjectif remonterait au vieux breton ment, au sens de quantité, taille, mesure. Jean-Marie PLONÉIS, L’identité bretonne, ibid., 226.

- Osier. Le nom de l'arbre de l'eau se calque sur oze, un des noms de l'eau.

Albert DAUZAT, Gaston DESLANDES, Charles ROSTAING : Dictionnaire étymologique des noms de rivières et de montagnes en France, Klinksieck, Paris, 1978.

- Toque. La racine du mot breton tocquer, chapelier1, confirme de façon imagée le fait que le peuple asiatique des Tochariens, ancêtres des Turcs,se trouve placé à la tête d'une confédération. L’origine de l’expression « porter le chapeau » serait donc très ancienne.

1. Jean-Marie PLONÉIS, L’identité bretonne, ibid., « tocquer », 222.

- Truand. Ce terme est réputé dériver du thème celte, anthroponymique, trogo, en irlandais truag et en gallois tru, misérable.

Georges DOTTIN : La langue gauloise, « trogo », Paris, 1920.

LES FAUX AMIS

En raison de rapprochements d'ordre phonétique, des vocables qui relèvent de langues successives présentent des significations entièrement différentes. Les exemples ci-après sont puisés parmi de nombreux cas de figure.

Chante constitue un cas d'école : « Ces composés sont implantés depuis si longtemps sous une forme qui invite à l'interprétation [sic], que nous nous demandons si nous avons affaire à une forme primitive [sic] présumée, ou à un exemple en conformité avec un modèle en faveur... En se laissant emporter par les motivations, on aboutit aisément à la légende[une fausse légende]. »1. Quelle belle illustration de la « science naïve », plus exactement du scientisme moderne (voir en pages 1 et 3) !

1. Jean ARSAC, ibid., préface de Jacques CHAURAND, Pt de la Sté française d'onomastique, 9.

- Baver. Il s'agit de l'ancien français baver, dans le sens de bavarder. Réputé provenir d'une onomatopée, il s'enracinerait dans le celte balbouz, bave, et balbous, qui bredouille1. « Bave dans l'ancien français désignait aussi le parler puéril. »2

1. Jean-Marie PLONÉIS, L’identité bretonne, ibid., « balbous », 233.

2. Le LITTRÉ, T 1, ibid., 316.

- Bras. En français, il s'agit du membre supérieur. En celte, bras/braz désigne une personne de grande taille. Jean-Marie PLONÉIS, L’identité bretonne, ibid., 229.

- Brigand. Terme à ne pas confondre avec le vieux breton brigant, noble, fort, puissant. Une peuplade celtique de l'île de Bretagne portait le nom de Brigantes1. 1. Jean-Marie PLONÉIS, L’identité bretonne, ibid., « brigant », 62.

- Caille. En français, il s'agit d'un volatile. Par contre, le celte killi, bois, bosquet, ou bocage en vieux breton, s'apparente au gallois celli et au vieil irlandais caill, bois1. 1. Jean-Marie PLONÉIS, L’identité bretonne, ibid., « killi », 146.

- Chalet. En français, il s'agit d'une maison traditionnelle en bois, des régions montagneuses. Par contre, la forme occitane palatisée chalet, dérivée du celte calet, dur, dur comme la pierre, désigne un chemin, peut-être un chemin empierré : en terre occitane, un chemin se dit parfois chalet.

- Chante. En région montagneuse du pays occitan et sur le papier, le thème présumé pré-celtique kanta, qui désigne un amas de rochers1 ou une hauteur rocheuse [et non pas Chalencon, voir ci-contre], se trouve souvent assimilé, à tort, au vocable celte canto, le chant (voir en page 2 bis,1 et 8, Cantabres et Cantal). En témoignent les lieux-dits francisés Chantemerle, Chanteperdrix et Chantecoucou, dont l'acception pourrait aller de soi. Or, Chantelermuze, où le lézard intervient (lermuze en patois), permet de trancher, car le lézard ne chante pas ! Par contre, il se dore au soleil, sur une hauteur rocheuse. De même, Chanteloube retentit du bruit de la loube des scieurs de long. 1. Jean ARSAC, ibid., « kanta », 38.

- Chérie. Ce nom de lieu-dit de la Basse Ardèche (massif du Coiron) résulte d'une déformation du vocable Kery/Géry, qui s'applique à une Enceinte fortifiée sacrée (voir en page 2 bis, 6, les forteresses).

- Con. Ce terme désigne un roi. Devenu très familier et dévalorisant, il atteint son comble avec l'expression « roi des cons ». Or, il marque un renversement complet de perspective par rapport au sens originel du vocable celtique kon/con et variantes, qui est celui de seigneur. Le polynésien kon conserve l'acception renforcée de roi (cf le Kon-Tiki, le roi-soleil).

- Croissant. Présent dans la toponymie bretonne, ce vocable ne doit rien à la boulangerie. C'est le type même du contresens qui résulte d'une analogie phonétique entre langues différentes : il s'agit de la transcription de croass-ant/kroaz-hent, carrefour, littéralement la croisée des chemins.

Jean-Marie PLONÉIS, L’identité bretonne, ibid., « croass-ant », 203.

- Cuire. Le celte corio, qui subsiste avec l'irlandais cuire, armée1, ne doit rien à la cuisson des aliments ! 1. Georges DOTTIN, ibid., « corio ».