Marrakech 2021

colloque Marrakech

La linguistique à la croisée des sciences: entre éclatement disciplinaire et dialogue interdisciplinaire

11 mars 2021

Laboratoire Linguistique et Référentiels ,Culturels, Faculté de Langue Arabe, UCA, Marrakech

Science du langage et responsabilité sociétale: l'exemple de la relation entre langage et vérité

diapositives de la conférence: cliquez ICI

vidéo de la conférence: https://youtu.be/k25Xvd0GvP0

Résumé

Les agences de recherche, après avoir imposé la stratégie Open Access, tant pour les publications scientifiques que pour les données de la recherche, imposent maintenant, pour l’évaluation des projets de recherche, le critère de l’impact sociétal: en quoi la recherche a-t-il un impact sur la société? Cette exigence, nouvelle pour les chercheurs, implique que les questions de recherche aient des implications qui vont au-delà de l’agenda académique et que des retombées pertinentes puissent être mesurées, notamment dans la dissémination des connaissances (outreach). De grands chercheurs dans les sciences du langage ont déjà répondu à cette exigence par leur travaux de vulgarisation (Chomsky, Pinker, Anderson, Roberts dans le domaine de la linguistique formelle, de l’origine du langage et de la cognition humaine, Beaver et Stanley dans la sémantique du discours politique, McConnell-Ginet sur les relations entre langage et pouvoir). Les sciences du langage, dans le domaine de la francophonie, sont hélas marginales dans ce courant mondial (voir notamment les livres de Harari et de Diamond), où les questions sociétales sont occupées principalement par des sociologues, des historiens ou encore, et surtout, par des philosophes.

Dans Pourquoi le langage? (Armand Colin, 2020), j’ai tenté de relever le défi et de dresser un état des lieux des connaissances dans les sciences du langage, notamment en montrant comment et pourquoi la recherche sur le langage et son usage devait être impliquée à des questions sociétales. Dans le chapitre sur la superpragmatique, je montre comment certains concepts fondamentaux en pragmatique (présupposition, implicature, négation descriptive et métalinguistique) peuvent aider à comprendre des phénomènes sociaux difficile à analyser, notamment la vague anti-Charlie Hebdo liée au message Je ne suis pas Charlie en 2015.

Dans cet exposé, j’aborderai une question différente, celle de la relation entre langage et vérité, qui est centrale à une période où les infox (fake news) et les post-vérités se multiplient de manière virale grâce aux réseaux sociaux. Je montrerai pourquoi la notion de vérité est centrale pour l’étude du langage, mais aussi pourquoi elle est complexe: l’usage du langage est en effet non-vériconditionnel, ce qui pose la question de savoir comment, dans la communication verbale, un auditeur peut faire confiance au locuteur. Je montrerai, avec des arguments venant de la pragmatique gricéenne (coopération) et post-gricéenne (pertinence), comment la communication verbale est basée sur un concept modulable, l’engagement (commitment), dont la détection est cruciale pour que la communication réussisse.