Naples-Prochida

juin 2011

Cours de pragmatique

Jacques Moeschler, Université de Genève

Cours

1. Lundi 30 mai : La question des mots logiques, leur sémantique et leur pragmatique

2. Mardi 31 mai : Le carré logique et les implicatures scalaires

3. Mercredi 1er juin : Négation descriptive et négation métalinguistique

Travaux pratiques

1. Mardi 31 mai : Sémantique et pragmatique des temps verbaux en français

2. Mercredi 1er juin : Analyse de la négation dans des corpus (presse, conversation, discours scientifique)

Le cours 1 a pour objet les mots logiques, à savoir la négation, les connecteurs logiques et les quantificateurs. Ce cours aimerait montrer que si toutes les langues du monde possèdent des expressions pour de tels mots logiques, leur sens en usage est souvent éloigné de leur signification logique. Nous montrerons des exemples d’une telle différence en français, et proposerons une explication générale de leur comportement pragmatique (l’hypothèse de la restriction du domaine). La question de la raison de cette différence permettra de réfléchir sur la fonction des mots logiques dans les langages logiques et dans l’usage du langage. Nous verrons que les mots logiques sont associés à des fonctions multiples. Par exemple, description ou argumentation pour la négation, raisonnement, argumentation et narration pour les connecteurs logiques, description et argumentation pour les quantificateurs. Nous verrons aussi que les processus pragmatiques mettent en jeu des contenus à la fois explicites et implicites, qui relèvent donc d’une description pragmatique.

Le cours 2 discute d’une propriété des mots logiques observés depuis longtemps à propos des quantificateurs, de la négation et aussi des connecteurs : ils entretiennent des relations logiques (implication, contradiction, contrariété, subcontrariété) qui permet de les représenter dans le carré logique, dit carré aristotélicien. Le carré logique, qui a été beaucoup utilisé en sémiotique dans les années soixante-dix, a été réactualisé récemment dans les approches pragmatiques néo-gricéennes pour expliquer le sens pragmatique des quantificateurs, et notamment des particuliers comme quelques, certains, qui seraient des déclencheurs d’implicatures scalaires, dont le sens pragmatique serait pragmatique pas tous. Nous examinerons cette approche des implicatures scalaires, et discuterons de la validité de la thèse néo-gricéenne, pour aboutir à une autre proposition, mettant au centre des interprétations des mots logiques des processus d’explicitation (explicature) plutôt que d’implicature conversationnelle. Nous reviendrons aussi sur les connecteurs pour savoir de quelle nature sont leur sens pragmatique, comme par exemple, le sens temporel et causal de et, le sens de disjonction exclusive de ou, le sens biconditionnel de si.

Le cours 3 est consacré à la négation. Nous regarderons la différence entre les propriétés de la négation logique et les différents sens des énoncés négatifs en français, et proposerons de répondre aux deux questions suivantes : (i) pourquoi la négation ordinaire, descriptive, a-t-elle un effet abaissant plutôt que majorant ? (ii) quels sont les effets pragmatiques de la négation des contenus implicites des énoncés, à savoir leurs présuppositions et leurs implicatures ? Nous verrons aussi comment nous pouvons exprimer linguistiquement ce la négation métalinguistique et pourquoi les langues naturelles ne disposent pas de deux mots négatifs, mais d’un seul. Nous examinerons enfin dans quels contextes de discours les deux types d’usage de la négation (descriptif et métalinguistique) se réalisent.

Les Travaux pratiques porterons sur des exercices d’analyse linguistique d’une part des temps verbaux en français et d’autre part de la négation, à partir d’un corpus d’énoncés authentiques du français. Les questions abordées concerneront la détermination des sens en usage et de la manière dont on peut les expliquer.