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CHARLES ROZIÈRE, LE "MAIRE AUX FOYERS"

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Le Roi de la Réclame

Il y a 140 ans exactement, en avril 1880, Charles Rozière, 4ème maire des Lilas, termine son second mandat. Sa famille vient de Villejuif où son père, pâtissier, a l'idée en 1819 de faire cuire des oignons dans un four, afin d'en tirer une pâte à colorer les bouillons. En 1848, Charles reprend l'affaire et la développe. En 1868, il l'industrialise en s'installant aux Lilas, précurseur du décollage économique de notre cité à peine née. Patron novateur, il dirige également la mairie pendant 5 ans, avant de décéder en 1907 et d'être inhumé au cimetière de la ville dans son caveau à l'angle de "l'allée des maires".

Le Patron et sa marmite

Déjà à ses débuts, Charles Rozière maîtrise tous les codes de la vente. Des boîtes richement décorées, une marque et un dessin efficace alliant le carrosse et la marmite, pour apporter le pot-au-feu dans les foyers. Il veut parler aux sens, autant qu’à l’intelligence. Des encarts publicitaires dans les journaux nationaux et régionaux, des cadeaux associés à l’achat du produit. Toute ses étranges initiatives ont pu intriguer: ses annonces multipliées, ses prospectus enthousiastes (mais vrais), sa voiture emblème, en forme de gigantesque marmite, qu'il fait déambuler dans tout Paris. Mais, la curiosité aidant, le doute a passé, les ménagères comme les aristocrates de la gastronomie ont essayé ses pastilles et découvert une révolution complète dans le pot-au-feu (si c'est Rozière qui le dit..).

La production est assurée en 1889 dans d’immenses bâtiments de 2 étages de 5.000 m2. Les livraisons à partir d'un pont-roulant sont incessantes. En 1931, on emploie 35 employés: une quinzaine pour l’arôme et les Pastilles, une dizaine pour le savon de Panama, dix autres pour la Panamine. L'emballage des pastilles se fait à l'extérieur, chez des ouvrières qui les conditionnent dans des boîtes de 5 kilos. Sans héritier en mesure de lui succéder, la succession de l'entreprise est reprise par Georges, puis François Dubos, fils et petit fils de sa belle-soeur.

On ne rigole pas avec la propriété industrielle

Charles Rozière est un petit patron du 19°siècle qui tutoie ses ouvriers avec une rudesse familière. Il connait la famille de chacun d'eux et son épouse rend visite aux plus démunis. Paternaliste, il organise pour eux des sorties dominicales en chars à bancs. En septembre, il les emmène au pèlerinage de Notre-Dame des Anges à Montfermeil, occasion d’un pique-nique "familial" avec le patron. Pour la circonstance, le plateau du char est surmonté d’une énorme marmite, frappée du nom de l’entreprise et dans laquelle s’engouffrent les familles.

Pour se prémunir d'une concurrence déloyale Charles Rozière inaugure les méthodes modernes de lutte contre la contrefaçon. Il dépose en 1863 son premier brevet sur le "moyen de préserver les extraits purs d'oignon et de les mettre en pastilles capsulées". Viendront en 1865, celui sur un "extrait sec de bois de panama, dit Panamine", et en 1870 celui sur son "composé argileux dit Savon-Rozière". Mais sa réussite entraînera de nombreux imitateurs, contre lesquels il multipliera les procès. Il parvient ainsi à faire condamner son concurrent Carpentier à changer la forme de ses bocaux et étiquettes. Ses réclames s'en feront l'écho, comme ici en 1866: "Malgré les jugements rendus, quelques épiciers se laissent tromper en achetant, à un vil prix, des produits composés de caramel, de fécule et de chicorée, et les vendent pour des pastilles d’oignons et de légumes, produits dont M. Rozière est l’inventeur. Pour éviter ces abus, exigez sur les flacons et sur les boîtes la signature Rozière et l’étiquette représentant la Voiture-Marmite".

Maire et père.. fondateur

Inventeur et novateur

En 1866, il publie "le Petit Cuisinier" recueil de recettes de cuisine en 29 pages, incluant -comme il se doit- de la réclame pour ses produits: le Similor-liquide, la Calvanoïde, les Pastilles-Rozière et une illustration de son usine à Romainville (près Paris). Il innove également avec le spectacle réjouissant de sa voiture pot-au-feu escortant la mariée du carnaval dans sa promenade avec le Boeuf Gras, la marmite enrubannée emplie de pastilles bien entendu. En 1897, Courteline lui fait l'honneur d'une citation dans une saynète de "la Voiture versée" où il parle des oignons cuits dans de grandes cuves et de la pâte ensuite découpée dans un laminoir, pour donner naissance aux fameuses pastilles.

Une usine aux petites oignons

Son usine ouvre sur la rue de Bagnolet -actuelle avenue des Combattants en Afrique du Nord- sur un terrain d'un hectare, longeant le bd de la Liberté au sud et la rue de Paris au Nord.

Après le "Parfum des potages", il créé en 1863 les "Pastilles Rozière", pastilles à l’oignon rondes et noires. Ajoutées aux pot-au-feu, aux sauces ou aux ragoûts, elles leurs donnent une teinte appétissante, un parfum exquis et une saveur délicieuse où le goût de l’oignon est associé à celui de petit légumes. De plus, elles empêchent le potage de surir, lui assurant ainsi une longue conservation. En parallèle, après de longues recherches que sa formation de chimiste lui permet, il met au point un nouveau savon: il réussit, en 1866, à extraire de l’écorce de Quillaja, ou bois de Panama, une émulsion à laquelle il donne le nom de Panamine.

Outre ses activités professionnelles, Charles Rozière endosse également l'habit de maire des Lilas, 4ème du nom, pour deux mandats en 1874-76 et 1878-80. Républicain modéré sous Mac Mahon, il est désigné par le Préfet dans un contexte local de désaccords et de démissions répétées au sein du conseil municipal. Il rend d'ailleurs lui-même son tablier au terme de 5 ans de mandature. Cela ne l'empêchera pas de céder son terrain du 96 rue de Paris, pour l'édification de notre belle Mairie, inaugurée en 1884. Au titre de maire, on lui doit l'achat de plaques indicatives pour nos rues et de n° pour nos maisons, ainsi que l'inauguration du 1er groupe scolaire, rue de la nouvelle commune, actuelle rue Romain Rolland. Quant aux produits de la marque, l'usine Rozière a eu beau déménager à Champigny en 1958, ils ne sont pas restés sur les rayons au delà des années '60. Par la suite, sur l'ancien terrain lilasien, la cité des Sablières est construite à l'intérieur du périmètre ayant accueilli l'usine, les serres et le jardin d'agrément de monsieur Rozière.

Il conçoit également la Saponine, à l'extrait de saponaire. Ce savon précieux mais bon marché est vendu en carré long, gravé en son milieu d'une lessiveuse. C'est donc une gamme de détergents qu'il propose avec deux extraits différenciés. Intégrant toutes les étapes de sa production, il acquiert des jardins maraîchers, des sablières, … et monte même une verrerie en 1871.

Rozière réside à côté de son usine, comme beaucoup des patrons de son époque. Son imposante maison de maître ouvre sur des serres et un jardin d'agrément.

En 1868, Rozière est en fait le premier industriel à installer sa production aux Lilas. Une quarantaine d'autres entreprises suivra, attirées qu'elles sont par le coût raisonnable des terrains et des baux, la patente moins élevée et les droits d'octroi beaucoup plus faibles qu'à Paris. Patrelle ne migre de Romainville qu'en 1889. Curiosité de l’histoire qui fait s'implanter aux Lilas les deux créateurs du marché des arômes d’oignons. Victor Delepoule s'invitera dans le jeu en s'y installant également en 1881.

Et qui se douterait que l'immeuble de la "Sécu" et son square Marcel Joseph-François sont installés depuis 1973 sur le triangle de l'ancien Parc, de sa mare et de son ruisseau artificiel, à la fois jungle et terrain d'aventures de toute une jeunesse d'il y a un siècle?