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la BOULE à NEIGE: une invention lilasienne de Pierre BOIRRE !

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Elle sera visible, en six mois d'ouverture de l'expo, par les 20 millions de visiteurs, au même titre que les nouvelles fontaines Wallace et la tête de la future Statue de la Liberté, ou encore le "Palais de Pierre" et l'aquarium des jardins du Trocadéro, de l'autre côté de la Seine. Oui, on peut dire que la France républicaine de Mac Mahon relève la tête après le traumatisme de 1871. Avec ses exposants venus de 36 pays, elle retrouve son rang dans le concert des Nations.

Le commissaire américain W.P.Blake est bluffé par le goût artistique des français.

Il fait mentionner dans le rapport du commissaire adjoint C.Cole "des presse-papiers de verre soufflé emplis d'eau, montrant à l'intérieur une figurine d'homme s'abritant sous un parapluie" et que "ces boules contiennent aussi une poudre blanche qui, en retournant le presse-papier, tombe en imitant une tempête de neige". Mais le rapport oublie de citer l'auteur de ce trait de génie!! Cherchons bien. L'examen de la liste des exposants permet d'éliminer les fabricants très spécialisés. Il ne nous reste alors que deux candidats au titre. Au stand 46, on trouve Buglet, avec ses décors et peintures céramiques. Mais il ne semble pas convenir, puisqu'il n'est pas fait mention de socle ou de personnage très décoré dans le rapport. Reste, au stand 54, notre entrepreneur lilasien Boirre qui présente ses boules, flambeaux en verre et argenture de glaces. Il récolte une mention honorable et est vraiment le candidat le plus sérieux. L'inventeur de la Boule à Neige ne peut être que lui!

En 1878, la France s'expose, la Boule à Neige lilasienne aussi

Notre enquête va nous mener à l'exposition universelle de 1878, dans le "Palais de Fer" du Champs-de-Mars, à Paris. Au milieu des 420.000 m², en classe 19 de la section centrale, une pièce immense laisse à découvrir le luxe de cristaux incomparables, de merveilleux vitraux peints, d'imposantes bonbonnes en verre. Et, au centre, la production d'une quinzaine de maître-verriers français s'expose à des prix heureusement plus accessibles.

Oui, cette petite boule de verre ronde que l'on retourne dans sa main pour y faire tomber une neige de paillettes aurait été inventée dans notre ville des Lilas, par Pierre Boirre, maître verrier de la cristallerie Morlot au 13-15 rue du Coq Français.

Il en aurait présenté le tout premier exemplaire connu en 1878, lors de l'exposition universelle de Paris. Cet homme singulier n'en est pas à son coup d'essai: en 1864, il avait déjà déposé un 1er brevet, pour des "objets en verre argenté, métallisés intérieurement". Les boules panoramiques décrites là étaient fabriquées par la soixantaine d'ouvriers de son atelier lilasien et commercialisées dans sa boutique parisienne de la Courtille (bas de Belleville) au 8 passage Vaucouleurs.

Dans les décennies 1970 et 1980, les boules anciennes deviennent des objets de collection. Ceux qui se nomment maintenant des Chionosphérophiles ont leurs revues, leur argus, fréquentent même les maisons de vente-aux-enchères. En 2000, 300.000 sphères sont produites chaque saison par le premier fabricant français qui a, encore aujourd'hui, 300 modèles à son catalogue. La période récente voit poindre des boules à caractère publicitaire et d'autres incluant des personnages de bande dessinée, des Père Noël ou une boite à musique. La mode, les marques de luxe et quelques artistes renommés s'en sont même emparés.

La boule de Rosebud dans Citizen Kane, film d'Orson Welles, devient un objet de convoitise. Les premiers domes en plastique elliptique bleu sont présentés à la foire de Nüremberg de 1950. Ils ne tarderont pas à envahir le monde. La Suède introduit la neige phosphorescente. Des formes et des motifs moins sérieux voient le jour, avec des incrustations ou un tapage chromatique au kitsch confondant.

Mais l'histoire continue. En 1900 à Vienne, Perzy réinvente notre boule presque par hasard, à l'issue de ses tentatives d'amélioration de l'ampoule électrique d'Edison. Honoré par l'Empereur François-Joseph, l'autrichien dépose un premier brevet et commence la fabrication de modèles de plus en plus nombreux et variés. La mode est lancée et, bientôt, de nombreux fabricants embrayent le pas, souvent sur des thèmes religieux, comme la Vierge de Lourdes ou Sainte Thérèse de Lisieux. La production s'industrialise et croît encore: en Allemagne, aux Etats-Unis, au Japon, à Hong-Kong. Le socle pesant, fait de céramique, marbre ou pâte de verre, est remplacé par de la bakélite. Les premiers collectionneurs apparaissent dans les années 1940.

La Boule envahit le Globe

A l'exposition suivante de 1889, la toute jeune Tour-Eiffel voit fleurir de nombreux objets-souvenirs à son image, au premier rang desquels les fameuses boules à neige. L'objet commence à se démocratiser. De presse-papier pour intérieurs bourgeois, il devient témoignage de voyage, accessible à un public plus large. "J'y étais" peut on dire en montrant le modèle réduit de la Dame-de-fer qu'on a ramené chez soi.

Selon Jérôme Montchal "Son heureux possesseur jette sur elle une distanciation variant selon le moment: presse-papier, jouet, souvenir animé, ringard, industriel, bobo ou kitsch, monde miniature quasi-mystique, art populaire, objet de collection ou medium de création". Et selon Philippe Delerm "Les boules en verre se souviennent. Elles rêvent silencieusement la tourmente, le blizzard qui reviendra peut-être ou pas... elles sont colorées de couleurs factices qui n'existent pas et dont la béatitude finit par inquiéter, comme on pressent les pièges du destin, dans un début d'après-midi écrasé de sieste et d'absence". Enfin, selon Lélie Carnot "Quoique éphémère, la magie est immédiate: cette boule vous ne pouvez vous empêcher de la prendre dans vos mains. Une furtive caresse sur son sommet arrondi offre une très agréable sensation. Puis, hop vous la retournez et, quel-que-soit le décor, la tempête de neige se produit. Deux mouvements encore et c'est la fascination d'une nouvelle tourmente. C'est un peu comme si vous étiez Dieu le Père qui, tenant entre ses mains la Terre, décide du temps qu'il y fera".

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l'article de synthèse est dans Infos Lilas n°198, janvier 2020, p21

Industriel et inventeur, mais aussi Maire des Lilas

Pierre Boirre fut également septième maire de notre ville des Lilas, d'octobre 1887 à mai 1888.

Pendant sa courte mandature, il a créé la première cantine pour les enfants des écoles. C'est la grande dépression des années 1880. Avec les patrons qui viennent de démarrer des sociétés mutuelles, il est l'initiateur d'une collecte pour les verriers en grève (alors que ses propres ouvriers ont cessé le travail!). Anticlérical convaincu, il promulgue un arrêté interdisant les processions sur la voie publique, alors qu'elles n'existaient plus depuis longtemps. Quant à ses enfants, en connaissez vous beaucoup qui, par conviction républicaine ont évité les Saints du calendrier pour les prénommer Vercingetorix, Brennus, Cornélie, Camulogène, Caïus-Gracchus, Velleda ou Fabricius?

La poésie est dans la Boule à Neige

Boule à neige, boule neigeuse, boules bleues, boule-à-eau mais aussi, chez les anglophones, tempête-de-neige (snowstorm ), ou boule-à-rêves (dreamglobe), autant de mots différents pour décrire le même objet.

quelques références:

- Petite histoire de la boule à neige - Jérome Montchal - le radar Bayeux juin 2013

- Paris et ses expositions universelles, architectures 1855-1937 - éd du patrimoine 2008

- Celebrating snowglobes - Nina Chertoff & Susan Kahn 2006

- La folie des boules à neige - Lélie Carnot 2002

- Boules de neige - Connie A. Moore & Harry L. Rinker - 2001