LE CONTRE-PRINTEMPS



« Je vais faire un poème sur la guerre. Ce ne sera peut-être pas un vrai poème, mais ce sera sur une vraie guerre »

(René Daumal, La guerre sainte)

Les révolutions arabes, dites printemps arabe, ont durablement épouvanté l’Arabie saoudite et autres émirats ; qui se sont mis à financer frénétiquement et dès sa création Daesh, lequel s'est d'autant facilement implanté sur des zones géographiques dévastées, suite à la situation chaotique en Irak résultant de l'intervention de l'armée américaine, et tout aussi chaotique en Syrie après la répression de la révolte anti Hassad.

L'État français voudrait faire croire que c'est en s'alliant à l’Arabie saoudite (un État Islamique qui a réussi, en quelque sorte), au Qatar - voire à la Turquie d'Erdogan - des états sérieusement impliqués avec Daesh tout en faisant mine de s'y opposer, que l’on combat cette variante de fascisme religieux. L'approvisionnement en pétrole et la vente d'armes du quatrième fabricant de la planète sont tout autant les motivations de cette alliance que la protection des mines d'uranium est un ingrédient notable de l’intervention au Mali.

Avec une armée en guerre sur différents théâtres d'opérations, en Afrique et au Moyen Orient, et avec le vivier terroriste que constituent les banlieues miséreuses, dont la juste colère (ainsi en 2005) est retournée depuis quelque temps par une idéologie totalitaire médiévale, comment les citoyens, à Paris et dans le pays, pouvaient ils s'imaginer rester durablement à l'abri ou en dehors d'une guerre engagée en leur nom ? 129 morts, c'est la moyenne quotidienne de ce qui en a fait 200.000 rien qu'en Syrie depuis 2011. Aussi le slogan « vos guerres, nos morts » exprime-t-il une prise de conscience réelle mais un peu tardive.

Les seuls à combattre au sol l' État islamique avec succès sont les milices kurdes. La réticence à les aider ne vient pas seulement du fait qu'il ne faut pas mécontenter la Turquie d'Erdogan : c'est que l'expérience autogestionnaire du Rojava, au delà de ses qualités et de ses défauts, est plus ou moins ressentie comme une menace par les divers pouvoirs.

L'état d'urgence imposé en France, majoritairement plébiscité à chaud, risque d'être aussi peu efficace que le plan Vigipirate lors du massacre de Charlie Hebdo. Cet état d'urgence, et les modifications constitutionnelles corollaires envisagées, sera par contre un outil supplémentaire contre les futurs mouvements sociaux qui remettront en cause l'existant.

(22 novembre 2015)