"(...) éloge transcendantal de la quête de l’Esprit dans toutes ses expressions et manifestations artistiques (...)" C. Rémy, Critique
Résumé du livre « Un petit grain »
Le livre « un petit grain » de Fabien Le Bihan est un journal rédigé entre 2019 et 2020 où l'auteur partage des évènments de sa vie quotidienne, des réflexions sur la connaissance de soi et sa pathologie, aini que des billets spirituels. Ce récit s'inscrit dans la continuité de son parcours initié à sensibiliser et à promouvoir une société inclusive pour les personnes atteintes de déficiences psychiques et de maladie mentales.
Préface :
"En rédigeant cette préface, la réflexion d’une femme écoutant notre conversation avec un ami sur l’impact de « Me too » me vint à l’esprit : « Qui êtes-vous pour parler des femmes, qu’est-ce que vous en savez ». En effet, même s’il n’est pas question de ne parler que de ce qu’on connaît ou vit de l’intérieur, il nous arrive souvent d’oublier qu’il manque à ce que nous décrivons, à propos de beaucoup de sujets et de la maladie psychique en particulier, cette dimension fondamentale qui est : Qu’est-ce que la personne vit vraiment de l’intérieur ? Comment est ressenti et analysé ce qui, la plupart du temps, est décrit de façon théorique. C’est d’autant plus vrai et essentiel qu’il s’agit là d’un phénomène éminemment humain, en effet l’objet de discussion est le fonctionnement psychique et quoi de plus subjectif et de plus soumis à avis divergents que ce psychisme.
Ce n’est pas faute d’y avoir essayé tous les mots possibles, en effet la littérature abonde, qu’elle soit spécialisée ou non, de pensées plus ou moins intelligentes sur ce qui se passe dans notre petite tête.
Évidemment moi qui trouve que ce qui a été le plus pertinent jusqu’à maintenant se trouve du côté de Freud et Lacan, je suis amené à écouter de façon particulière ce que dit Fabien ! Et c’est vrai que ce qu’il dit nous apporte certains éléments méconnus ou mal connus extrêmement intéressants.
Alors oui, quand j’ai rencontré Fabien, je me suis assez rapidement aperçu de la valeur du langage chez lui, il est de ceux qui ont gardé une certaine éthique malgré la tempête, en effet pour lui les mots ont une vraie signification et la parole aussi. A l’inverse de ce que JP Lebrun appelle « la perversion ordinaire » à laquelle nous sommes régulièrement soumis et à laquelle Fabien se confronte non pas parce qu’il est « sensible » « fragile » … ou même « handicapé » mais parce qu’il a une haute idée de ce qu’est la parole de l’humain et alors oui, quand il sait ou sent qu’il y a contradiction entre ce que quelqu’un dit et ce qu’il fait ; il y est extrêmement sensible et pour cause !!
C’est là qu’on peut faire le lien de sa sensibilité avec ce qu’il a écrit. Il montre bien comment la maladie s’installe au fur et à mesure d’une histoire où les violences psychiques qui lui sont faites induisent les symptômes : cette maladie est le recours le moins mauvais pour lui afin de préserver quelque chose de son intégrité psychique mais recours si invalidant socialement ! Dans ses livres on voit comment cette intégration sociale est difficile et nécessite chez lui une mobilisation permanente et comment est insupportable la stigmatisation du handicap quand quelqu’un l’utilise odieusement.
Par ce lien qui est fait dans ses livres entre son histoire et sa maladie, de façon tellement vivante et sincère, il nous indique un phénomène extrêmement réjouissant. A savoir que cette maladie n’est pas du tout inéluctable, elle n’est pas comme un coup de marteau qui arriverait là sans explication et sans quelqu’un pour tenir le manche. Les écrits de Fabien nous rappellent cela. Attention il ne s’agit pas pour lui d’accuser qui que ce soit ou de le culpabiliser. Il s’agit de faire en sorte que celui qui est concerné puisse mettre un peu de côté ce qui lui arrive.
C’est là que l’écriture de Fabien intervient, elle a double fonction, en même temps elle nous fait vivre de l’intérieur ce qu’est sa maladie et pour lui elle permet, dans une certaine mesure, de mettre de côté ce qui lui arrive. On peut supposer que chacun d’entre nous est sous l’influence de ces multiples rencontres que nous appelons transferts et que même si chacun a l’impression de prendre ses décisions en toute logique, il n’en est rien, surtout quand une relation humaine est l’enjeu de l’échange. Alors oui, on rejoue souvent le même scénario mais les acteurs ne sont pas les mêmes et si on ne fait pas ce travail de regarder l’histoire de nos relations, on ne se donne pas le pouvoir de la mettre de côté, la prendre dans la main et la regarder afin qu’elle ne vienne pas se répéter sous nos yeux sans qu’on s’en rende compte et nous engluer régulièrement. C’est ce que Fabien tente de faire.
Ses écrits nous montrent aussi comment nous nous fourvoyons souvent dans le traitement de la maladie, nous traitons des symptômes mais lui sait bien qu’il a besoin d’autre chose pour sortir de là, il doit se pencher sur les mots (maux) de son histoire. Condition nécessaire pour que le traitement de la maladie soit autre chose qu’une régulation sociale. Pour ça il faut être persuadé que l’être humain est en perpétuelle évolution, psychiquement et socialement et non pas le mettre dans des cases, ce qui le réduit à une seule et unique nature alors qu’il est tellement multiple, complexe, divers et tellement riche. Fabien nous montre bien cela, cette fécondité et cette diversité de l’humain qui nous enrichit tous.
A travers la nécessité impérieuse qui s’exprime dans son écriture Fabien répond au conseil de Rilke :
« Cherchez le besoin qui vous fait écrire, examinez s’il pousse ses racines au plus profond de votre cœur. » Rilke, Lettre à un jeune poète.
C’est que dans ses livres, en expliquant à l’autre ce qu’il faut faire pour vivre, il comprend aussi comment la vie lui est possible à lui."
Jean-Marie Philippe
Psychologue