Préface du livre Chroniques des voix mystérieuses

Récit psychologique et spirituel

La Foi est-elle folie pour la raison ?

Celle-ci ne saurait voir les raisons du coeur qui la dépassent¨

in Pensées (Blaise Pascal)

 

PREFACE

  

Quand Fabien m’a proposé de rédiger la préface de son présent ouvrage, je fus à la fois flatté et pris au dépourvu. Il m’avait interpellé très directement, et sans trop le savoir , sur mes propres questions existentielles.

Psychiatre et croyant chrétien, j’assume totalement cette position : mais celle-ci demeure évidemment clivante. En effet, en tant que professionnel de la santé mentale, je représente le plus souvent, pour les patients que je prends en charge, l’ancrage dans le réel, celui qui, supposé-savoir, par le biais des traitements médicamenteux prescrits et du lien inter-personnel établi, tente de mettre un terme aux phénomènes élémentaires qui les parasitent et les angoissent.

Être croyant en Dieu, c’est tout à la fois faire référence à des événements puisant leurs sources dans la réalité (Jésus-Christ a bel et bien existé), mais aussi accepter la présence permanente et bienveillante d’une entité divine qui nous dépasse, sans preuve scientifique formelle, j’ai nommé la foi.

  Tenter d’expliquer cette dualité, entre la part scientifique de mes connaissances et la dimension impalpable de la croyance à laquelle j’adhère, constitue une véritable gageure.

Je me suis relativement rassuré par certains écrits de Jacques Lacan, psychanalyste français du XXème siècle pourtant peu amène  envers les représentants terrestres de la religion catholique. Il disait : “ Le sujet est aussi sujet de ses croyances ; comme être parlant il ne peut penser qu’il est un être que par sa croyance” (Le Séminaire XVIII). Ouf ! Me voilà rassuré !

  Fabien maintenant : sur le plan pratique, certains diraient qu’il est de l’autre côté de la ligne imaginaire qui séparerait le normal et le pathologique. Il se désigne lui-même comme malade en nommant l’affection dont il souffre : “trouble schizo-affectif”, et, grâce à une psycho-éducation visiblement efficace, connait parfaitement les contours de sa pathologie. Ainsi, il a appris à répertorier les hallucinations et interprétations quand elles surviennent, le taraudent et lui procurent leur lot d’angoisses déstructurantes et intolérables.

Notre première rencontre, le fruit du hasard (ou d’autre chose qui nous dépasse ?) fut dans le cadre d’un office religieux intimiste au cours duquel il a appris mes qualifications professionnelles. D’emblée il a été question du statut de croyances et intuitions nouvelles révélées récemment, qu’il attribuait spontanément à l’émergence d’une foi inédite lui procurant un état d’élation, et non pas à la production délirante trop connue de lui. Fabien a ainsi fait immédiatement la différence entre les croyances qui émergeaient en lui au gré de sa foi naissante et les convictions délirantes ténébreuses.

  Et l’on touche là les différences fondamentales entre croyance et délire, qui ont toujours fait couler beaucoup d’encre. En effet, et en résumé, on peut dire que la croyance en quelque chose, même si cette chose ne peut être prouvée scientifiquement, a la particularité d’être partagée, d’être toujours soumise au doute et source d’épanouissement. Elle lie les êtres dans une communauté fraternelle, ce qui renforce la joie profonde et indicible octroyée par la perception de l’existence d’un divin bienveillant qui s’adresse à l’humanité entière.

Au contraire, le délire, à de rares exceptions près (délire à plus d’un de certaines paranoïas) est vécu dans l’isolement de l’autre, l’exclusion même, et toujours source d’angoisse  accompagnée d’une certitude douloureuse où tout doute est évacué. François Leguil, autre psychanalyste d’obédience lacanienne parle de l’insupportable certitude de la psychose et de l’expérience délirante qui l’accompagne.

Alors voilà ; un patient atteint de psychose, peut être également percuté par l’émerveillement apporté par la foi religieuse, sans pour autant ramener celle-ci à un avatar de l’expérience délirante, ce que s’autorisent certains praticiens, mais c’est un autre sujet.

C’est de tout cela que le présent ouvrage va tenter d’apporter un éclairage vu de l’auteur atteint d’un trouble psychotique avéré, en évoquant un parcours très personnel source de changements fondamentaux dans la vie du narrateur.

 

Christian MORAUD

Psychiatre


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