Date de publication : Jul 29, 2014 8:3:58 AM
Les forces en présences : Emilien et Daniel, emmenés par Christian. En juillet-aout l’accès au parc naturel d’Ordesa est fermé aux voitures, il faut prendre les navettes depuis Torla. Horaires : toutes les demi-heures de 7h à 22h. Prix : 4.5€ aller-retour.
La veille Emilien et moi avons grimpé à Panticosa, on s’est donc donné rendez vous avec Christian à Biescas à 6h30, ce qui fait qu’on attrape la navette de 7h30. On part pour la voie originale de la face sud du Tozal de Mallo, que les Espagnols appellent la voie Ravier. C’est la première voie ouverte dans la face, par le père de Christian, Jean Ravier, et un groupe d’amis en 1957, et c’est aussi une des plus abordables. 9 longueurs, difficulté 3-4 dans le bas puis du 5 soutenu avec quelques passages de 6a-6a+. C’est du terrain d’aventure, les protections et points d’ancrage pour les relais sont surtout des pitons, à renforcer avec friends ou coinceurs.
L’approche est très bonne, d’abord en sous-bois, puis on débouche sous les parois, au milieu des iris et des ajoncs en fleurs. Petite parenthèse botanique et buissonnière : il y a 2 plantes qui font des buissons aux fleurs de couleur jaune, les ajoncs et les genêts. Ils se ressemblent beaucoup, mais la différence c’est que les ajoncs ont des épines, et à Ordesa, ce sont des ajoncs ! Et comme ils montent très haut dans les parois, ça ajoute un certain piquant (!) à l’escalade.
Topo de la voie, tiré de "Escalade à Ordesa". (Ch.Ravier, R.Thivel)
Après avoir déposé les sacs dans une combe, on arrive au pied de la voie vers 9h45. Il y a une cordée juste devant nous, et on en entend encore d’autres plus haut. Ils ont dû prendre la navette de 7 heures. Là Christian prend un peu la mouche, et nous entamons une manœuvre de contournement rapide par l’aile droite (pas le temps de mettre les chaussons) pour les doubler.
Avant l'attaque Banzaï!
Après avoir dépassé des Espagnols partis un peu trop à gauche, Emilien et moi, en corde tendue, nous apprêtons à porter une attaque décisive sur une cordée de 2 Français qui se demandent bien qui était cette fusée qui les a déposés (Christian, le petit point rouge dans le cercle blanc tout en haut à gauche…) Après leur avoir expliqué à qui ils avaient affaire (ils ne connaissaient pas Raoul…), nous continuons sur notre lancée, prenons la tête de l’étape, et notre échappée ne sera pas reprise!
Les relais étaient plutôt confort, et bien aérés. On va commencer les choses sérieuses.
Se profile bientôt le passage clé de la voie, une cheminée au départ cotée V, mais qui au fil des ans est de plus en plus patinée, et qui nécessite maintenant une séance de ramonage musclé, le dos coincé d’un côté et les pieds en opposition sur un mur bien lisse, de la grimpe à l’ancienne.
Photo du net : Joseph Hallépée, http://joseph-hallepee.over-blog.com/
Suivent 4 longueurs de toute beauté, avec dièdres, fissures, passage sur le fil de l’arête, du gaz, de l’ambiance, une escalade physique, correcte mais un poil virile. Le rocher est surprenant, il y a de très bonnes prises, beaucoup d’écailles, mais c’est parfois un peu branlant, et ça n’inspire pas toujours confiance vu le gaz en dessous.
La sortie se fait par une dernière cheminée. Elle est large, et il est tentant d’aller se coincer dans le fond. Ce serait une grave erreur ! Pour bien passer il faut se repousser vers l’extérieur, pour trouver des appuis sur les bords. On sort au sommet du Tozal avec une superbe vue à 360°, le Mont Perdu à gauche, la vire des fleurs en face, et des edelweiss partout.
La descente nous ramène à la navette à 17h, une bonne journée, environ 8 heures avec approche et descente, 5 heures dans la voie, un bon temps pour une cordée de 3. Quelque peu assoiffés, nous quittons Torla pour nous arrêter un peu plus bas, au bar « el ultimo bucardo » (le dernier bouquetin) à Linas de Broto, établissement très recommandable, qui fait aussi restaurant et gite, un spot pour grimpeur avec de vieux pitons au mur et une télé qui passe en boucle des vidéos de montagne. On y trouve aussi des classeurs de topos, et le topo d’Ordesa lui-même. Site web : http://www.elultimobucardo.com/
En résumé, « la Ravier » du Tozal de Mallo est une voie certes accessible mais pas pour autant donnée, qui nécessite pour la faire sans guide :
D’avoir bien regardé le topo et d’en avoir une copie dans le sac
D’être à l’aise en terrain d’av pour la lecture de la voie, car il est facile de s’égarer
D’être aussi à l’aise dans le 6a+/6b pour placer les protections
D’avoir un bon mental, une technique de dièdre/fissure affutée, et d’avoir fait un peu de stretching avant (ça aidera dans les cheminées, pour aller chercher la prise qui va bien mais qui est au niveau de l’oreille droite…).