Université de LYON 2015
Urbaniste en 2030 ?
URBANISTES EN 2030 ?
2030, pour l’urbaniste c’est demain. Juste un peu plus de deux mandats de maire. Un délai pas vraiment suffisant pour impulser des inflexions lourdes.
En 2030, un urbaniste de 30 ans aujourd’hui en aura 45 et verra à peine sortir de terre ce qu’il commence à projeter. Comment imaginons‐nous les urbanistes en 2030 ?
Alors que les collectivités bâtissent leur projet de territoire sur cet horizon de temps, le Conseil Français Des Urbanistes (CFDU) interroge les organisations qui travaillent sur l’urbanisme pour connaitre leur vision de l’urbaniste dans quinze ans.
Cette question du temps une clé de ’intervention des urbaniste demain comme hier, imposant une connaissance approfondie de l’histoire de la ville, de ses strates, de son épaisseur, …
C’est même un paramètre qui deviendra de plus en plus crucial dans le travail sur la ville, tout autant sinon plus que l’espace. L’urbaniste devra raisonner en flux plus qu’en stock, en mouvements plus qu’en lieux. Il devra développer sa connaissance et son intervention sur la mobilité.
Les déplacements ne pourront être laissés aux seuls spécialistes des transports, mais dans une logique d’articulation espace/temps qui n’est pas aujourd’hui acquise.
Enfin, dernier point, celui auquel nous commençons déjà aujourd’hui à être confrontés, le vieillissement qui va s’accélérer en France et en Europe avec une démographie parfois décroissante. Face à ces évolutions du champ d’action, comment se définirait un urbaniste dans 15 ans ?
Au regard du temps, on constate déjà une diversité des enjeux et des connaissances auxquels sera confronté l’urbaniste. D’où la nécessité tendance dans les métiers : Le « spécialiste » et « l’ensemblier ».
1. Le spécialiste (faut‐il parler d’urbaniste ?) sera un expert élaborant l’observation, les bases de données, les projections (l’indispensable pour pouvoir travailler sérieusement sur la ville). Il pourra aussi être celui qui développera ou adaptera les techniques nouvelles à l’urbain. Il sera celui qui pourra tester des scénarios de développe-ment en construisant des outils adaptés de modélisation. Il pourra être sociologue urbain (ce n’est pas un hasard si je commence par lui, car c’est sans doute celui qui manque le plus aujourd’hui, économiste de la ville et/ou de la mobilité, géographe, ingénieur, architecte,… Et pour aller au‐delà ce pourra être un urbaniste-chercheur (la recherche sur la ville étant aujourd’hui bien trop faible et faiblement ou insuffisamment transmise aux « opérationnels »)
2. L’ensemblier sera celui qui comprendra et traduira la commande, celui qui saura construire l’aide à la décision pour la ville de demain (en cela je veux dire que la décision ne lui appartiendra pas), et qui à cette fin sera aussi pédagogue. Il devra être un animateur fédérant les différents spécialistes, maîtrisant le langage et l’approche de chacun d’entre eux, sans en maîtriser les techniques ni les savoirs. Ce qui devra lui permettre de formaliser les commandes, animer l’équipe pluridisciplinaire, il devra être capable de faire la synthèse, de trouver des compromis qui seront toujours imparfaits.
L’urbaniste de 2030 définira les besoins, proposera des objectifs quantifiés, phasés, et définira les outils opérationnels à mettre en oeuvre. Sa démarche se rapproche de celle d’un assistant à maître d’ouvrage maîtrisant les méthodes et la conduite de « projet » (je reviendrai sur ce mot projet plus loin). Dans ces conditions, il devra savoir manier les outils collaboratifs les plus performants. En second lieu, quel serait son cadre de décision de référence ?
Sauf révolution, en 2030 l’urbaniste travaillera toujours dans une démocratie représentative. Ceci n’empêchera pas qu’il devra poursuivre l’intégration de la participation des habitants, et plus largement de toute la population, il devra enrichir sa réflexion, ses visions, ses projets par des concertations ouvertes et fortes. Il devra éventuellement rechercher des espaces de coproduction de la ville avec ses usagers.
Dans des évolutions sociétales de plus en plus fragmentées, l’urbaniste sera celui qui permettra la rencontre, le lien, l’échange, le partage, le frottement (cf. F. ASCHER). Son travail sur la mise en commun : espaces publics, transports, équipements, services, … sera essentiel.
Dans une société de plus en plus inquiète, angoissée, névrosée, l’art dans la ville sera une possibilité de sublimation (freudienne) de la vie.
Enfin, quels seraient ses territoires de travail ?
L’urbaniste de 2030 devra travailler sur tous les territoires sur lesquels il ne travaille pas, peu, mal aujourd’hui : la ville banalisée, le périurbain, le rurbain, « la ville franchisée »… La reconquête de ces territoires par la profession sera forcément difficile, d’une part ils sont largement privatisés, d’autre part il n’existe pas actuellement de ressources propres importantes pour étudier et intervenir sur ces secteurs.
A contrario, il ne s’agira peut être plus que quelques architectes stars réalisent des « projets urbains » dessinés, plus ou moins clé en main, qui font des petits bouts de ville avec souvent beaucoup d’argent, délaissant tout le reste de l’urbain. Ils ne représenteront en tout état de cause qu’un pourcentage très minime de la profession.
Le futur n’existe pas, il est à inventer chaque jour. Pour que l’urbaniste de 2030 puisse travailler, il conviendra que (malgré les crises) les ressources nécessaires existent à un niveau suffisant pour réaliser des études et des travaux de qualité.
A cette fin, il convient que les urbanistes de 2015, 2016,… démontrent aux donneurs d’ordre et aux décideurs l’importance de réserver des sommes dans ce domaine, en acceptant le fait que les résultats ne soient pas « inaugurables », mais en se rappelant l’étymologie du mot politique.
Les villes européennes évolueront sans doute peu, mais dans le même temps l’ensemble du monde sera à dominante urbaine. L’urbaniste de 2030 devra élargir son territoire d’intervention vers l’Asie, l’Afrique, … Il devra être capable de s’exporter et pour cela ouvrir son horizon et se regrouper (sans forcément construire d’énormes BE, mais en associant les savoir‐faire). La compétence existe largement, et la condition majeure sera juste de ne pas dupliquer des modèles occidentaux. (Comme pour tout autre transfert de compétences).
En tout état de cause, l’urbaniste de 2030 sera un urbaniste humaniste mettant l’homme au cœur de la ville, ayant une approche empathique lui permettant de compléter les données chiffrées par une approche qualitative de l’humain, y compris dans toutes ses composantes sociales. L’urbaniste sera toujours avant tout celui qui aime la ville, avec et surtout pour sa complexité.
2015 + 15 = 2030
A l’issue de son université d’été 2014, le Conseil Français Des Urbanistes prépare celle de 2015.
A l’heure où les collectivités territoriales bâtissent leurs projets de territoire à horizon 2030, le CFDU propose aux divers acteurs de l’urbain d’imaginer les urbanistes dans 15 ans. Constatant des évolutions notoires, tant dans les organisations territoriales que dans les prises de compétences des professionnels ou les développements de leurs outils, le Conseil Français Des Urbanistes se donne un an pour lancer les débats et collecter les contributions des différentes organisations de professionnels et de maîtres d’ouvrages autour de cette question : Urbanistes en 2030, pour qui, comment ?
Mille trente associations pour imaginer les urbanistes en 2030.
Au‐delà de ses associations membres qui animeront des débats sur ces sujets, le CFDU se propose d’interpeller 1030 organisations de professionnels, d’élus, d’habitants, intervenant dans le champ de l’urbanisme, autour de cette simple question :
Comment imaginons nous
les urbanistes dans 15 ans ?
Toutes ces contributions seront analysées et alimenteront les travaux de l’université d’été de 2015.
30 000 urbanistes en 2030 ?
Les associations d’urbanistes en ont fait la dure expérience : il est difficile de construire une reconnaissance de la spécificité de notre profession en se reposant sur nos maîtres d’ouvrage ou sur l’Etat.
Les professionnels se doivent désormais d’inventer leur avenir, par‐delà les diverses appropriations du terme urbaniste.
Pour cela il est nécessaire de prendre la mesure de combien nous sommes.
La concertation engagée à travers « urbaniste 2030 » va nous permettre d’affiner les estimations des uns et des autres, en identifiant précisément les lieux d’emploi et le nombre de personnes concernées. Ce repérage nous permettra également d’estimer l’évolution quantitative des professionnels dans chacune de ces structures.