Savoureuses petites nouvelles policières venues du pays du soleil levant. Un peu dans la même veine que les nouvelles de Matsumoto Seicho dont parle ici également, voici un recueil de Kyotaro Nishimura : Petits crimes japonais.
On y retrouve un peu de cette fascination pour le crime parfait et de cet amour des histoires policières à l'ancienne.
Les sept nouvelles sont inégales mais plusieurs valent le détour par Tokyo.
Comme celle de ce policier compatissant qui alpague les SDF pour les mettre à l'abri en prison, à leur demande.
De quoi lui donner l'idée d'un crime sinon parfait, du moins avec un coupable consentant ... ou presque, bien sûr !
Ou encore celle du pickpocket qui ouvre le bouquin et les poches de ses voisins de métro. La plus réussie avec un dénouement tout en subtilité qu'on vous dévoile un peu plus bas et qui est reprise dans le recueil de Michaël Ferrier : Le goût de Tokyo.
D'autres sont plus "japonaises", plus étranges, comme celle du jeu de la charité où tel est bien pris qui croyait prendre. Loin des agitations occidentales, Kyotaro Nishimura prend son temps pour nous emmener en quelques pages au cœur de son lointain pays.
Pour celles et ceux qui aiment les crimes presque parfaits.
Métro à gogo de Kyotaro Nishimura - traduction du japonais par Jean-Christian Bouvier. Après son forfait, Suzuki téléphone à sa maîtresse Kazuko dont il vient de tuer le mari, Kotaro ...
À l'autre bout de Tokyo les inspecteurs Ueda et Inoé découvre le cadavre ...
Morale : amis criminels, attention à ne pas vous attaquer à un pickpocket !
[...] Une fois rentré chez lui, Suzuki téléphona à Kazuko.
- Sur le coup, cela m'a fait froid dans le dos; c'est la première fois qu'un type me sourit au moment où je lui règle son compte.
- Tu es sûr qu'il est mort ?
- Pour qui me prends-tu ? Quand je l'ai jeté dans le canal, il était bien mort, crois-moi.
- Tu n'as laissé aucun indice ?
- Ne t'inquiète pas; je défie quiconque de trouver quoi que ce soit entre ton mari et moi.
- Personne ne vous a vus ?
- Est-ce que j'ai l'air aussi bête que ton crétin de mari ? Je te répète que je l'ai épinglé proprement et discrètement dans un endroit désert. Je n'ai pas oublié non plus de me débarrasser du poignard.
Il ouvrit une canette de bière et la vida d'un trait en poussant un grognement de satisfaction.
- Je ne l'ai pas fouillé pour lui prendre ses papiers; de temps en temps, il vaut mieux rendre l'identification du cadavre difficile, mais dans notre cas, cela ne ferait que retarder inutilement le versement de la prime d'assurance.
- La police va me poser des tas de questions ...
- Ton mari ayant été assassiné, c'est normal. Mais comme tu as un alibi solide, tu ne risques rien.
- J'ai passé toute la journée chez une amie, et ce soir j'ai travaillé au bar.
- C'est parfait. Fais seulement attention à ne pas mentionner mon nom au cours de l'interrogatoire car moi je n'ai pas d'alibi. D'ailleurs, il vaut mieux ne pas se voir jusqu'à ce que l'assurance paye.
- D'accord; mais j'ai envie de toi, tu sais ...
_______
La pluie s'était remise à tomber. C'était une petite pluie fine et triste. Les goutelettes formaient d'innombrables petits ronds à la surface de l'eau noire et lavaient le cadavre imprégné de la puanteur du canal.
- J'ai trouvé deux curriculum vitae dans la poche de son pantalon, dit le jeune Inoe à l'inspecteur Ueda.
- La photo correspond. Il s'appelle Kotaro Fujiwara et habite dans l'arrondissement de Suginami. J'imagine qu'il devait chercher du travail, ce qui expliquerait le laissez-passer, c'est pratique pour courir les petites annonces. Il n'y a aucun indice concernant l'assassin ?
- Il y avait ceci dans la poche droite de la veste, c'est bizarre.
- Pourquoi bizarre ? C'est le portefeuille de la victime.
- Non, le portefeuille de la victime était dans la poche intérieure.
- Fais voir, fit l'inspecteur Ueda intrigué.
Le portefeuille ne contenait que trois mille yens et cinq cartes de visite au même nom, imprimées au verso en caractères romains un peu pompeux.
- Kozo Suzuki ? Il habite à Shinjuku; va tout de suite vérifier qui est ce type, ordonna-t-il à son subordonné.
Une fois seul, l'inspecteur se pencha à nouveau sur le cadavre avec curiosité et hocha la tête .
- C'est pourtant vrai qu'il a l'air d'être mort en souriant ...