Transports & mobilités dans l’Égypte antique
Modèles et stratégies de circulation dans la vallée du Nil et au-delà entre le IVe millénaire av. J.-C. et le Ier siècle apr. J.-C.
Programme
Transports & mobilités dans l’Égypte antique
Modèles et stratégies de circulation dans la vallée du Nil et au-delà entre le IVe millénaire av. J.-C. et le Ier siècle apr. J.-C.
Programme
9h30 - 10h15
10h15 - 11h
11h - 11h30
Annie Gasse
Directrice de recherche émérite au CNRS, Université Paul Valéry – Montpellier, ASM – Archéologie des Sociétés Méditerranéenne (UMR 5140), Équipe ENiM – Égypte Nilotique et Méditerranéennes.
Rapporter la grauwacke. Quelques éclairages sur le transport des blocs de pierre du Ouadi Hammamat (des origines à la fin du Nouvel Empire).
La grauwacke est la « pierre de Bekhen », connue en ce terme par les textes égyptiens. Cette pierre se trouve dans un gisement situé au milieu du désert Oriental, entre Coptos et Qosseir. De tous temps, les pharaons ont envoyé des expéditions pour rapporter des blocs de cette pierre exceptionnelle. Les plus grands chefs-d’œuvre, de la palette du roi Narmer au célèbre buste de Jules César, à Berlin, proviennent de ces carrières.
Nombre d’inscriptions gravées sur les parois du ouadi Hammamat abondent en renseignements sur l’organisation des expéditions envoyées par les pharaons dans cette vallée qui est aussi une carrière, les quelques kilomètres où affleure cette pierre.
Ces inscriptions, sur lesquelles se fonde mon étude, livrent à l’envi la composition des expéditions : elles recensent la présence des chefs des diverses sections de travail, et – bien souvent – , dans le détail, le nombre des hommes engagés, carriers, sculpteurs, prospecteurs, etc.
Mais, alors que les musées regorgent d’objets en grauwacke de toutes les époques, rares sont les inscriptions qui donnent quelques renseignements à propos des blocs de pierres pour lesquels les expéditions ont été envoyées sur place.
Essayer de mettre en relation ces trop rares indications – la mention des blocs choisis, le personnel mentionné dans les inscriptions et la production statuaire connue – est une enquête, si modeste qu’elle soit, qui devrait permettre d’offrir quelques éclairages sur l’organisation employée par les pharaons pour faire sculpter leur image dans la pierre qu’ils avaient choisie entre toutes.
Mots-Clés : Grauwacke ; Expédition ; Pierre ; Statues ; Transport.
11h30 - 12h
Maël Crépy
Membre scientifique à l’Ifao, Chercheur associé à Archéorient (UMR 5133).
Tracer la route ou brouiller les pistes ? Étudier les itinéraires anciens par l'imagerie satellitaire.
Dans l’étude des circulations, des mobilités et des réseaux anciens en contexte désertique, il est généralement plus aisé d’étudier les nœuds, correspondant aux sites archéologiques et au points d’eau, que les arcs, qui correspondent aux routes. Plusieurs écueils freinent les recherches les concernant spécifiquement. D’abord Les étendues à couvrir pour les suivre et les documenter sont immenses. Ensuite, leur dégradation par les activités postérieures ou par les processus naturels, en particulier par les crues, les rendent de plus en plus difficilement détectables au fil du temps, à l’exception de routes ou de tronçons plus intensément aménagés. Enfin, leurs utilisations successives brouillent – littéralement – les pistes. L’accélération récente de l’exploitation du désert Oriental d’Égypte par des engins lourds entraine ainsi une dégradation rapide des routes anciennes dont tous les vestiges disparaissent peu à peu.
Pour analyser les itinéraires, l’utilisation d’images satellitaires est devenue de plus en plus courante, soit par télédétection semi-automatisée, soit par photo-interprétation. Ces documents permettent de prospecter à distance sur de très grandes surfaces, de retrouver différents tronçons et de tracer la route lorsqu’elle est encore visible. Cette communication propose, à partir d’études de cas, une évaluation des apports et des limites de méthodes de télédétection et de photo-interprétation dans l’étude des itinéraires. Ce bilan développé à partir de ma propre expérience, principalement dans le cadre du projet ERC Desert Networks (dir. B. Redon) et d’une revue de la littérature scientifique débouchera sur une typologie des routes, des pistes des sentiers observés dans le désert Oriental d’Égypte et de leur place dans les réseaux.
Mots-clés : Routes ; Photointerprétation ; Géomatique ; Diachronie ; Points d’eau.
Déjeuner de 12h à 14h
14h - 14h30
Axelle Brémont - Maël Crépy
Membre scientifique à l’Ifao, Chercheuse associée à Sorbonne Université, Orient & Méditerranée (UMR 8167), Équipe Mondes pharaoniques.
« Errer dans des déserts sans chemin » ? Balisage, repérage et choix des itinéraires dans le désert oriental à l’époque nagadienne.
le corpus de panneaux rupestres prédynastiques s’est considérablement étoffé depuis les premiers travaux des années 1940, les informations paysagères et la localisation précise des gravures dans leur contexte topographique et archéologique sont plus rarement documentées. Les modalités d’occupation, de marquage et d’exploitation de l’espace sont par ailleurs bien mieux connues pour la période gréco-romaine, et dans une moindre mesure dynastique.
À partir d’études de terrain directes menées sur des zones restreintes mais représentatives, et grâce aux données satellites et topographiques permettant une étude à distance, cette communication proposera les premiers résultats d’une enquête visant à restituer les itinéraires suivis par les expéditions prédynastiques dans le désert oriental, en se focalisant sur les stratégies de repérage et le rôle éventuel que peuvent jouer les gravures rupestres dans ce contexte. Nous nous attacherons à la zone comprise entre Coptos et Edfou, ayant fait l’objet des prospections les plus systématiques et donc à même de produire des propositions de reconstitution d’itinéraires moins biaisées par l’absence de quadrillage complet des ouadis secondaires.
Divers indices complémentaires sont sollicités. D’une part, l’étude stylistique et typologique des panneaux a révélé l’existence de gravures produites par une même main, ouvrant des perspectives sur les trajets effectués et l’éventuelle fréquence des expéditions. D’autre part, le recensement systématique de l’ensemble des gravures de date nagadienne et le croisement avec les données sur les structures archéologiques et les ressources (minières et hydriques) de la région permettent d’émettre des hypothèses sur la finalité de ces trajets et les itinéraires privilégiés à partir des habitats prédynastiques connus dans la Vallée. L'étude de la localisation des panneaux permet également de mettre en avant des comportements statistiquement plus fréquents dans le choix de l’emplacement des stations rupestres, et l’exploration de la troisième dimension à travers un Modèle Numérique de Terrain permet de modéliser la visibilité et l’intervisibilité des stations, contribuant ainsi à la question d’un éventuel rôle de balisage des itinéraires par les graffiti.
Mots-clés : Path-modelling ; Gravures rupestres ; Visibilité ; Marquage du territoire ; Désert Oriental.
14h30 - 15h
Laure Pantalacci
Professeur émérite, Université Lumière Lyon 2, HiSoMA – Histoire et sources des mondes antiques (UMR 5189).
La traversée du désert : pratiques de mobilité à Dakhla de l’Ancien au Moyen Empire.
Le développement des activités archéologiques dans les oasis a permis de mesurer la vaste amplitude des déplacements des habitants des oasis en général, et de Dakhla en particulier, dans les derniers siècles du 3e millénaire. Un certain nombre de personnes de différents statuts sociaux voyageaient sur les routes désertiques, dans des buts variés. Plusieurs catégories d'informations (lexicales, archéologiques) permettent au moins de détecter, à défaut d'évaluer précisément, ces mouvements d'individus ou de groupes de ou vers Balat, siège de l'administration pharaonique du désert occidental. En particulier, les modalités pratiques de certains de ces voyages ont pu être récemment étudiées en détail par différentes équipes internationales, principalement par le projet ACACIA de l'université de Cologne, le long de la route dite d'Abou Ballas. D'autres indices complémentaires sont fournis par les textes documentaires trouvés dans le palais des gouverneurs à Balat. Si les données dont nous disposons sur ce site proviennent en grande partie de sources officielles égyptiennes des 6e-9e dynasties, les itinéraires pratiqués à cette époque supposent des connaissances environnementales et astronomiques spécifiques mises en œuvre par des groupes humains itinérants bien avant les temps historiques. Les populations semi-nomades du désert occidental, qui ont coexisté un temps avec les Égyptiens venus de la vallée du Nil, ont dû jouer un rôle important dans la transmission de ces expériences. Par la combinaison de la logistique pharaonique avec ces savoirs traditionnels, les expéditions égyptiennes ont pu accéder à de nouveaux territoires.
Mots-Clés : Oasis de Dakhla ; Balat ; Ancien Empire ; Première Période intermédiaire ; Desert roads archaeology.
15h - 15h30
Sydney H. Aufrère
Directeur de recherche honoraire au CNRS, Aix-Marseille Université, Centre Paul-Albert Février (UMR 7297), Académie des Sciences et Lettres de Montpellier.
Sillonner, exploiter les déserts ḫȝs.t ou smj.t au Moyen Empire (secteur des nomes du Lièvre et de l’Oryx en Haute-Égypte).
Cette communication tente de cerner le problème suivant : à qui, à la XIIe dynastie, revient la gestion des espaces désertiques, ce qui suppose le contrôle des déplacements, à l’est comme à l’ouest ? Les titres administratifs et des fonctions religieuses des nomarques de l’Oryx et du Lièvre témoignent que l’activité de ces derniers, relayée par des fonctionnaires spécifiques, consiste dans l’organisation rationnelle de l’exploitation du désert, une évolution qu’il faut tenter d’expliquer d’après le contexte politique. Il semble que les familles des xve et xvie nomes, aux liens familiaux étroits et en raison de contacts avec la Cour, apparaissaient comme détentrices de monopoles sur l’exploitation et la gestion des déserts de l’est et de l’ouest, du moins de la responsabilité de percevoir les taxes douanières dans leurs territoires respectifs, au profit de l’administration centrale. On peut postuler que ce système pouvait aller jusqu’au contrôle militaire des marges et à l’organisation d’expéditions comme dans le cas de Khnoumhotep II. Rien de ce qui concernait la surveillance des frontières, le transit des caravanes et l’exploitation des ressources, dans les déserts Arabique et Libyque, voire au-delà – le Pays du Dieu – n’échappait à leur contrôle.
Mots-Clés : Nomes de l’Oryx et du Lièvre ; Taxes douanières ; Nomarques ; Khnoumhotep II ; Désert Arabique et Libyque.
Pause de 15h30 à 16h
16h - 16h30
Claire Somaglino
Maîtresse de conférences, Sorbonne Université, Orient & Méditerranée (UMR 8167), Équipe Mondes pharaoniques.
Les évolutions de la logistique expéditionnaire à Ayn Soukhna entre l’Ancien Empire et le Moyen Empire.
Les expéditions égyptiennes vers la zone minière du Sud-Sinaï, et parfois au-delà vers le pays de Pount, impliquent une planification soigneuse des déplacements, à la fois terrestres et maritimes, ainsi qu’une organisation sans faille de la chaîne logistique. Il était en effet nécessaire d’approvisionner plusieurs centaines à plusieurs milliers d’hommes, selon les expéditions, pendant plusieurs semaines, dans des zones arides.
La fouille du port et plateforme logistique d’Ayn Soukhna par une équipe franco-égyptienne depuis 2001, a fourni des données essentielles pour comprendre sur le temps long ce système expéditionnaire, notamment du point de vue logistique. La fouille des galeries de stockage, ainsi que du large campement de bord de mer, permet désormais, au terme de plus de 20 ans de missions, d’avoir des données précises sur la gestion des expéditions, en particulier le matériel et les vivres transportés depuis la vallée du Nil (quantité, nature, répartition entre équipes, stockage). Il a également été possible de caractériser les évolutions de cette logistique entre l’Ancien Empire et le Moyen Empire. Des changements notables sont dus au fait que durant une courte période entre la fin de la XIe dynastie et le début de la XIIe dynastie, Ayn Soukhna est le lieu de transformation d’une partie du minerai de cuivre provenant du Sinaï. Ce dernier point permet de réfléchir à la question des stratégies de transport des matières premières et de la localisation de leur transformation, entre lieu d’extraction et vallée du Nil.
Mots-Clés : Ayn Soukhna ; Mer Rouge ; Expéditions minières ; Ancien Empire ; Moyen Empire.
16h30 - 17h
Bérangère Redon
Chargée de recherche au CNRS, HiSoMA – Histoire et sources des mondes antiques (UMR 5189).
Stocker des céréales et fournir de l'eau. La logistique des expéditions de chasse à l'éléphant sur la route d'Edfou à Bérénice au IIIe s. av. J.-C.
Durant une cinquantaine d'années, du règne de Ptolémée II à l'éclatement de la Grande Révolte de Thébaïde (ca 270/269-ca 208/7 av. J.-C.), la route reliant le port de Bérénice à Edfou, dans la vallée du Nil, a connu une intense activité, liée quasiment uniquement à la tenue d'expéditions de chasse dans la Corne de l'Afrique, destinées à fournir l'armée lagide en éléphants de guerre.
Pour faciliter le franchissement des 360 km reliant les deux villes, une dizaine de stations a été érigée sur le parcours. Grâce à l'exploration de deux de ces stations par la MAFDO, et à l'étude du réseau formé par ces arrêts routiers dans le cadre du projet Desert Networks, il est désormais possible de décrire avec une grande précision la manière dont la route a été équipée pour faciliter les trajets des hommes et des animaux et de retracer la chronologie de ces travaux. On montrera également comment l'administration lagide s'est déployée dans le désert pour assurer le ravitaillement en blé et en céréales des centaines de personnes qui formaient les expéditions. On verra enfin comment les chameaux, véritables vaisseaux du désert, ont joué un rôle crucial dans le succès des expéditions.
Mots-Clés : Époque ptolémaïque ; Expéditions en mer Rouge ; Logistique expéditionnaire ; Désert Oriental ; Chameau.