“Promenons-nous, dans les bois”
Robin Villeneuve
C’était une soirée entre amis, chez moi, où chacun avait raconté l’histoire la plus “paranormale” qu’il avait vécue. Vint mon tour, et je me décidai à raconter ce que seuls les participants et encadrants de ma colonie de 1997 savaient :
“C’était le 18 février 1997. J’étais parti en forêt faire un cache-cache avec mes amis, les encadrants de la colonie nous ayant donné quartier libre. Ce jour-là, c’était la veille de mes dix ans. Depuis ce jour, il y a dix-sept ans, je n’ai de cesse de me poser la même question : que m’était-il arrivé ? Mais revenons à l’histoire. Je proposai de compter et mes amis, préférant se cacher, acceptèrent de bon cœur. En réalité, l’obscurité et le brouillard qui régnaient perpétuellement dans cette forêt m’apeuraient. Je commençai cependant à compter. Une fois arrivé à 100, je m’avançai dans la forêt sombre le plus discrètement possible, malgré les traces de mes pas sur l’épaisse neige d’hiver.
Au fur et à mesure que je m’enfonçai dans la forêt, il me sembla sentir peser sur moi des regards remplis de haine, j’étais pourtant presque sûr d’être seul. Malgré cela, je continuai d’avancer dans la pénombre grandissante de la forêt obscure. Le brouillard s’épaissit et j’atteignis le coeur de la forêt sans avoir trouvé aucun de mes amis. Soudain, je crus entendre un bruit sur ma gauche. Je me retournai et distinguai des traces de pas dans la neige. Je les suivis jusqu’à ce qu’elles s’arrêtent.
Et là fut ma première surprise, une grande stupéfaction. Les traces, qui s’étaient subitement arrêtées, continuèrent, sous mes yeux, sans que personne ou que quoi que ce soit, eût marché, là où les empreintes se formaient. Il n’y avait rien, personne pour former ces traces, mais elles continuaient d’avancer sous mes yeux ébahis. La peur que j’éprouvais en entrant dans cette forêt s’intensifia à la vue de ces empreintes et je finis par être terrifié. Malgré cette peur grandissante en moi et ce trouble, je continuai à suivre ces traces. Elles m’emmenèrent dans un clairière où, alors que le soleil était encore bien présent dans le ciel, la lumière, par je ne sais quel phénomène, ne perçait pas plus que dans la forêt.
Soudain, le vent jusque là faible, se mit à souffler avec une force telle que certaines branches d’arbres tombèrent au sol, dans un bruit inaudible, le vent le couvrant entièrement. Le bruit du vent continua à s’amplifier et m’apporta un son étrange et sourd, venu du fond de la clairière, où un arbre s’affala brusquement sur le sol en face de moi. Pris de panique, je commençai, à reculons, à revenir vers la forêt pour sortir de cette clairière maudite.
C’est à ce moment-là que la frayeur me fit me retourner et courir. En effet, un projectile de forme ronde vint s'abattre sur l’arbre le plus proche, à quelques centimètres de ma tête, dans un bruit de vaisselle cassée. Je courus le plus vite possible, mais les projectiles continuaient à s’écraser tout autour de moi sur les arbres, de plus en plus proches, à exploser contre les troncs, toujours dans un bruit de vaisselle brisée. Me retournant, je perçus un mouvement, d’une vitesse folle, reluisant dans les airs. Ce mouvement passa devant moi et il me sembla distinguer une assiette… mais rien de sûr car, l’instant d’après, je trébuchai et m’étalai sur le sol. Je me levai d’un bond et repris de plus belle ma course folle, avant qu’un objet ne vienne s’abattre à l’endroit même où j’étais quelques secondes plus tôt. Cela continua jusqu’à la sortie de la forêt, où les projections cessèrent. Seul le grondement du tonnerre et l’agitation du vent restèrent.
Je me retournai et je ne distinguai que mes pas. Je dus m'asseoir pour encaisser le choc de cette découverte : il n’y avait pas de traces du lanceur de projectiles. Alors existait-il vraiment?
Je décidai de rentrer au camp et racontai tout aux encadrants et à mes amis. Personne ne me crut. Mais au moment de conclure, je levai les mains, et, voyant plusieurs paires d’yeux s’écarquiller en fixant ma main gauche, je regardai à mon tour. Là fut ma plus grande peur : un éclat d’assiette était planté dans ma main gauche, je saignais abondamment.
Et je m’évanouis.”