“La forêt des ombres”
Bastien Lamouré
Enfin, nous n’avions plus que dix minutes d’avion ! Pour mes vingt ans, ma petite amie Lisa et moi avions décidé de passer une semaine à Lys dans un super gîte. Cela nous changerait de Paris. Ce n’est pas que je n’aimais pas Paris mais je n’avais que très rarement quitté la capitale. Elle m’inspirait et m’inspire encore aujourd’hui confiance, mais j’avais besoin d’air neuf et autant vous dire que la différence d’air entre celui, pollué, de Paris et celui de Toulouse - Lys n’ayant pas d’aéroport - était radicale. Une fois à terre, Lisa et moi allâmes chercher la voiture que nous avions louée. Nous en avions pour deux heures de route. Pendant le trajet, Lisa n’arrêta pas de parler du Sud de la France. Il faut dire qu’elle y était restée jusqu’à ses dix-huit ans, quand elle était venue à Paris pour ses études.
Sitôt arrivés, nous prîmes les clés du gîte et décidâmes d’aller directement visiter le village. J’adorais cet endroit, il avait un air provençal qui me plaisait énormément. Il faisait un peu froid - après tout, nous étions à la fin de l’automne. J’entendis du bruit et, avec Lisa, nous décidâmes d’aller vers ce dernier. Nous étions sur une grande place avec énormément de monde. “A Paris, de tels rassemblements ne sont pas possibles”, me dis-je, mais vue la convivialité palpable qu’il y avait dans ce village, cela aurait été dommage de ne pas en profiter pour faire connaissance. Tous étaient très gentils et nous souhaitèrent la bienvenue. La seconde chose que je remarquai fut que tous les habitants portaient des bonnets, mais après tout, il ne faisait pas chaud !
Le téléphone de Lisa sonna et elle s’écarta pour répondre. J’en profitais pour demander les meilleurs endroits à visiter dans le coin et tous me répondirent la même chose: “la forêt là bas”. Au moins, nous savions où aller. Lisa arriva, la mine un peu dégoutée. Elle m’annonça qu’elle allait devoir partir le lendemain car son père avait raté une marche. “Encore du cinéma, je serai de retour demain soir” me dit-elle. Il se faisait tard, nous rentrâmes au gîte et nous nous couchâmes vers vingt-deux heures, fatigués par le vol et par le reste de la journée.
Lisa était partie depuis une heure quand je décidai d’aller dans la forêt pour une balade. Il me fallut une dizaine de minutes pour y arriver à pied, Lisa ayant pris la voiture pour aller voir son père. Après environ une heure de promenade, je commençai à me lasser et je décidai de rentrer. Seulement, un problème de taille se dressa devant moi : il n’y avait plus de sortie ! Pas d’affolement, j’allais continuer de marcher et trouver la sortie de cette forêt infernale ! Mais je ne la trouvai pas. Je marchai, marchai et ne la trouvai pas.
Je perdis complètement la notion du temps. Etais-je dans cette forêt depuis quatre heures, quatre jours ? Je n’en avais aucune idée, mais je commençais à avoir soif. C'est à croire que le ciel m'entendit car je tombai justement sur un lac. Je bus à m'en faire exploser le ventre, décidai de me reposer et m'adossai à un arbre.
Je regardais le lac, il me détendait.
Soudain, une lueur me parvint du fond du lac et devint de plus en plus grande.
En réalité, ce n'était pas une simple lueur.
En quelques secondes, l'eau du lac disparut, laissant place à un véritable lac de lave !
Je sentis de la chaleur sur mon bras et soudainement, l'arbre sur lequel je m'étais appuyé s'embrasa et me brûla.
Je hurlai à en cracher mes poumons et relevai la tête. Tous les arbres autour de moi avaient pris feu.
Je courus mais le feu se propageait derrière moi, comme s'il me suivait.
J'avais beau sprinter, changer de direction, le feu me poursuivait quand même.
Tout à coup, je trébuchai sur une pierre et tombai la tête la première.
Je relevai la tête, le feu s'était arrêté et je découvris un homme, coiffé du bonnet des villageois, assis sur un piédestal au centre d’un bosquet.
Il se tourna brusquement vers moi et je faillis m’évanouir sur place. On pouvait voir la mort dans son regard.
Il porta la main à son bonnet et le retira.
Il n'avait pas de cheveux. En revanche, je vis deux cornes et une étrange aura noire flottant autour de lui.
Il s'avança vers moi.
À chacun de ses pas, il devenait plus menaçant.
A chacun de ses pas, je découvrais un nouveau détail le rendant plus effrayant encore: des griffes acérées capables de me déchiqueter en une fraction de seconde, de la cendre qui remplaçait l'herbe à chacun de ses pas et ses dents, ce n'étaient pas des dents, c'étaient des crocs.
Qu'était cette chose ? Pourquoi s'en prenait-elle à moi ? Je n'en savais rien.
Mais je le sus à son dernier geste.
Il s'était arrêté et il leva la main droite dans les airs.
Un sceptre à deux dents apparut et un chien à trois têtes vint se placer à ses côtés.
Devais-je l'appeler Hadès ?
J'avais devant moi le mal incarné, le Diable en personne, le roi des Enfers, reconnaissable à ce sceptre et à ce chien.
Satan lui-même.
Je pris peur et commençai à reculer doucement.
Il frappa le sol avec son sceptre et j'entendis un grondement sous mes pieds.
En quelques secondes, le sol s'ouvrit et je tombai dans le vide, attendant mon heure.
Je m’évanouis...
Quand je me réveillai en sursaut et regardai autour de moi, Lisa était là, nous étions dans la chambre du gîte. Tout ça n'était donc qu'un simple rêve ? Je me rendis alors compte que j'étais trempé de sueur. En m’essuyant avec mon bras, je vis quelque chose d'horrible : la brûlure que je m'étais faite dans la forêt était encore là ! Toute cette histoire pouvait-elle être vraie ?
Quoi qu’il en soit, il était hors de question de rester sur place une semaine de plus. Nous repartîmes le jour même pour Paris.
Et voilà, cher journal, même si cette histoire date d'il y a dix ans, que je suis marié, que j'ai un enfant de trois ans et que j'ai atteint la quarantaine, je cherche encore des réponses à ces questions : pourquoi cela m'est-il arrivé à moi et pourquoi à ce moment-là de ma vie ?
Je ne le sais pas et peut-être ne le saurais-je jamais. Fin du journal.