“Le Violon”
Eileen Le Bras Guyomarch
Je vais vous raconter une histoire qui m’est arrivée il y a une dizaine d’années et que j’ai peine encore à croire moi-même aujourd’hui. Je venais d’emménager dans un quartier en construction de Californie. En dehors de ma maison, il n’y avait qu’une seule autre habitation, elle semblait être en fin de construction. J’aimais flâner dans le quartier en promenant mon chien; lui aussi semblait apprécier notre nouveau chez nous. A quelques centaines de mètres de ma maison se trouvaient des champs et une grande colline qui appartenaient à l'État. Ces terrains étaient délimités par une longue clôture en fils barbelés.
Deux mois après mon installation, je me réveillai un matin au son d’un violon. Je ne prêtai pas alors grande attention à cette mélodie et en conclus que j’avais enfin des voisins dans la seule autre maison enfin terminée du quartier. Plus tard dans la soirée, je décidai d’en avoir le cœur net. Après une courte hésitation, je me levai pour scruter les environs par la fenêtre : pas âme qui vive, rien aux alentours… J’étais bien seule dans ce quartier…
Deux jours plus tard, à la nuit tombée, ce même air de violon se fit entendre une nouvelle fois. L’air disparut très vite et je me rendormis. Un autre matin, l’air se fit entendre à nouveau. J’allai voir à la fenêtre. Rien n’était net, tout était indistinct; en haut, la colline était brumeuse. Tout à coup, je vis une silhouette mouvante, elle semblait tenir un violon. Cette silhouette paraissait danser une valse dans le brouillard. Amusée par ce spectacle hors du commun, je la regardai un moment, puis la quittai des yeux pour aller chercher mon journal à ma porte. Alors que je ne regardais plus, le bruit s’arrêta brutalement. Je levai la tête pour regarder à nouveau dans la direction de l’individu; effectivement il ne jouait plus, il ne dansait plus… Mais parfaitement immobile, il me fixait. Cela dura trente secondes, trente secondes interminables, puis, sortie de ma torpeur, je rentrai troublée dans la maison. Le lendemain matin, je remarquai des traces de pas autour des propriétés environnantes, ces pas ne m’appartenaient pas.
Les jours suivants, j’entendis marcher autour de chez moi; au travail, on m’appelait et quand je décrochais, un silence pesant et inquiétant m’accueillait … Un soir, en rentrant à la maison, je me mis à mon ordinateur, à la recherche de divertissement. Je me levai pour aller boire, j’ouvris le frigo et lorsque je refermai la porte, je vis par la fenêtre deux toutes petites lumières. Je ne compris pas tout de suite ce que c’était, je m’approchai plus près. Soudain, je vis deux yeux à un mètre de moi qui attendaient. Ils me fixaient. J’eus tellement peur que mes muscles me lâchèrent, je tombai par terre. J’entendis un air de violon. C’était le fameux joueur de violon qui se tenait devant moi. Il m’observait tout en jouant. Il jouait de plus en plus vite et de plus en plus fort ! C’était assourdissant, j’avais la tête qui tournait. Mon chien se mit à aboyer car il avait compris qu’il se passait quelque chose d’anormal. Le bruit du violon s’arrêta aussitôt. Je vis la silhouette se diriger vers la cour où se trouvait mon fidèle compagnon. La peur qu’il ne lui arrive malheur me permit de me ressaisir. Je sortis de la maison pour aller le rejoindre et le mettre à l'abri, mais celui-ci résista et continua à aboyer pendant plusieurs dizaines de secondes. Tout à coup, il me sembla entendre les bruits de pas de la silhouette s’éloigner, je tendis l’oreille plus attentivement, les pas semblaient danser.
Je rentrai dans la maison accompagnée de mon chien qui s’était apaisé. Depuis ce jour, je n’ai plus jamais vu cette mystérieuse silhouette, ni entendu ce violon à la mélodie aussi fascinante qu’effrayante. Deux ans plus tard, des gens sont venus habiter dans le quartier. J’ai expliqué à mes nouveaux voisins ce qui s’était passé cette nuit-là, mais jamais personne n’entendit de violon sur la colline, ni ne vit cette paire d’yeux énigmatiques. Mais qui était cet homme et quelles étaient ses intentions !?