Dans la présente rubrique, on pourra découvrir certaines dimensions de ma propre compétence numérique et ma vision de l'utilisation du numérique en enseignement. Cette section vise d'une part à dégager des pistes concrètes et utiles d'utilisation du numérique dans le cadre de l'enseignement du cours Culture et citoyenneté québécoise pour un enseignement fondé principalement sur le constructivisme et le socio-constructivisme. D'autre part, elle vise à élaborer un point de vue qui pourra guider les prises de décisions en vue d'une utilisation éclairée des outils numériques dans l'enseignement.
P1 : Mes compétences numériques
En termes de compétence numérique, je pense posséder un certain nombre d'habiletés ; je sais me servir de plusieurs logiciels, médias sociaux et applications et je peux apprendre rapidement comment en utiliser de nouveaux. Je suis toutefois très loin de connaître toutes les applications numériques permettant de réaliser des quiz, des nuages conceptuels ou autre activités en ligne ; pourtant, je n'en suis pas du tout complexée et je considère que je peux offrir un enseignement de qualité, motivant et engageant sans ces outils. Je sais bien sûr me servir de Powerpoint ou encore de Youtube, mais ces outils correspondent surtout à une approche de consommation passive de la technologie qui a un faible impact sur les apprentissages (ROMERO, 2015) et je les utiliserais aussi peu que possible. Je sais également produire des contenus, ayant déjà réalisé de manière récréative plusieurs vidéos, habileté qui pourrait être utile à des projets de création ou de co-création de contenu ou encore de cocréation participative de connaissances, approche que je privilégierais. Dans tous les cas, je vise à utiliser aussi peu que possible les technologies puisqu'elles requièrent beaucoup d'investissement en temps et que leur impact sur la motivation ou encore sur les résultats des élèves est pour le moins mitigé. (Coen, 2011 ; Haddouk et al., 2019 ; Mayer, 2010 ; Twenge, 2017)
Agir en citoyenne éthique en matière d’utilisation du numérique est ainsi pour moi une préoccupation importante. En m’appuyant sur des connaissances scientifiques acquises par de nombreuses lectures, je crois primordial de prendre en compte le bien-être des jeunes dans l’utilisation des technologies, par exemple en utilisant les écrans le moins possible étant donné leur impact négatif sur la vision et sur la concentration ou en évitant la sollicitation hors des cours afin de ne pas générer d’anxiété causée par la crainte de rater une information importante. Enfin, j’entends me renseigner au mieux afin de soutenir les jeunes dans le développement de bonnes habitudes numériques, notamment en matière de protection de leur vie privée et de leur santé mentale. On le savait déjà, mais trois études québécoises viennent tout encore depuis l'automne 2022 de faire la démonstration des effets néfastes des médias sociaux par exemple sur la santé mentale et l'estime de soi des jeunes et je crois que l'école a un rôle préventif à jouer en la matière. À ce sujet, lire l'article du Journal de Québec.
Pour ce qui est de collaborer à l’ère du numérique, je dois admettre que je préfère de loin collaborer en personne. Je n’éprouve que peu de plaisir aux échanges écrits et aux rencontres virtuelles. Beaucoup d’informations sont manquantes lors de tels échanges (manifestations non-verbales, intonations, etc.) et cela nuit grandement à la communication. Toutefois, si cela peut permettre un échange impossible autrement, je vais assurément en profiter. En outre, étant donné mes études en contexte de pandémie, j'ai pu développer mes capacités à communiquer et à collaborer avec diverses plate-formes d’échange telles Teams, Zoom, Adobe, Facetime, etc. Toutefois, je ne connais pas encore très bien les modalités pour créer moi-même une réunion, permettre ou non le partage d'écran, etc.
Enfin, lorsqu’il est question de chercher des solutions, d’innover et de créer, je crois important de développer la capacité à expérimenter par soi-même, à collaborer réellement avec d’autres personnes, à faire des recherches dans des ouvrages diversifiés, à manipuler soi-mêmes des concepts comme des objets. Car c’est l’humain qui est à l’origine de l’innovation, non le numérique. Dans cette optique, j’aimerais utiliser avec parcimonie le numérique et surtout dans une optique de cocréation participative des connaissances, ce qui m'apparaît comme étant la meilleure manière de réaliser des apprentissages avec ces outils (Romero, 2015), rapprochant par le fait même l'enseignement d'une approche socio-constructiviste.
P2 : Activité interactive de développement de la connaissance de soi
Comme la discipline Culture et citoyenneté québécoise vise à développer le dialogue et la connaissance de soi, nous souhaitons conserver une certaine part d’interactions entre les élèves. En cinquième secondaire, sur le thème de la construction de soi, l’activité que nous proposons aurait pour objectif d’amener les élèves à prendre conscience de l’influence du regard des autres et des perceptions personnelles sur l’image que l’on a de soi pour ainsi mieux définir leur place dans le groupe. Cette activité pourrait se dérouler dans un portfolio personnel en ligne, par exemple avec Google sites.
Dans un premier temps, les élèves devraient écrire, dans un onglet dédié à cette activité, leur nom et quelques mots à propos d'eux : leurs qualités, leurs compétences, ce qu’ils pensent que les autres pensent d’eux par exemple. Par la suite, les autres élèves devraient écrire un mot, une qualité ou un commentaire positif à propos de cette personne. Chaque élève pourrait consulter, au terme de cette activité, sa liste de commentaires et compliments.
Pour terminer, les élèves seraient invités à comparer, toujours par écrit, leur vision initiale d’eux-mêmes avec celle qui s’est dessinée par les commentaires de leurs camarades de classe. Ils pourraient ainsi réfléchir à propos de ce qui influence leur propre vision d’eux-mêmes, de ce qui les construit en tant qu’individus.
L’un des défis posés par cette activité en ligne serait de trouver un mécanisme afin que l’enseignant puisse contrôler les commentaires des autres élèves sur la page de leur camarade avant que celui-ci n’y ait accès afin d’éviter tout propos blessant ou injurieux. De manière plus bénéfique, étant donné que plusieurs élèves pourraient écrire en même temps dans le document en ligne, cet exercice pourrait se dérouler plutôt rapidement afin de laisser plus de temps pour une discussion avec la classe après l’activité. De plus, le fait de lire les impressions des autres à propos de soi permettrait un possible gain de confiance à des adolescents qui pourraient en avoir besoin.
Comme nous avons déjà nous-mêmes élaboré un Google site dans le cadre du présent cours, il semble réaliste d'apprendre aux jeunes à créer leur portfolio. Néanmoins, il faudra développer notre capacité à soutenir les jeunes dans l’élaboration et la gestion d’un tel site et s’assurer d’une utilisation respectant l’éthique et la confidentialité.
(Idée développée en collaboration avec Laurie Dubois-Tanguay et Éric Châteigner)
P3 : Enrichissement de la pratique des communautés de recherche philosophique
par le numérique
En tant que future enseignante du cours Culture et citoyenneté québécoise, je compte réaliser très fréquemment des communautés de recherche philosophiques (CRP) avec les élèves de tous les âges afin de pratiquer le dialogue, compétence centrale dans ce programme. Rapidement, cela consiste en une discussion, de type débat délibératif, centrée autour d’une question éthique ou philosophique qui est normalement soumise par les élèves eux-mêmes. Cette activité vise d’une part à pratiquer le dialogue de manière respectueuse, démocratique et raisonnée et d’autre part à co-construire des idées autour d’un thème donné.
Dans les CRP, il y a des participants qui discutent en employant forcément des habiletés de la pensée (définir, donner une raison, donner un exemple, contredire, employer la métacognition, faire une analogie, etc.) et des observateurs qui analysent non pas le contenu de la discussion, mais la manière de discuter et les habiletés de la pensée utilisées. Ces derniers font à la fin un retour avec leurs observations.
Comme les choses se déroulent très vite lors de conversations en grands groupe, il peut parfois être difficile de repérer les habiletés de la pensée et surtout de les expliquer de manière rétroactive. C’est ainsi que le site Edpuzzle m’est apparu comme une bonne manière de décortiquer une CRP. On pourait ainsi filmer une séance et la déposer entièrement sur le site Edpuzzle. Puis, elle pourrait être découpée en séquences de sorte qu’avant chaque coupure se retrouve un exemple d’habileté de la pensée. À chaque coupure se retrouverait une question cherchant à trouver quelle habileté de la pensée a été utilisée. Les jeunes pourraient dans un premier temps, dans un esprit de consommatrion interactive (Romero, 2015) et pour se pratiquer, devoir tout simplement cocher parmi les habiletés proposées et voir ensuite la bonne réponse avec une explication. Dans un second temps toutefois, après une autre communauté de recherche, les élèves pourraient devoir écrire eux même la réponse dans Edpuzzle et une discussion pourrait avoir lieu lors du prochain cours en classe. Cela permettrait de co-construire une compréhension commune (Romero, 2015) des différentes habiletés de la pensée, d’autant que celles-ci peuvent parfois être interprétées différemment ou même se chevaucher.
Dans le même ordre d'idée, il est parfois diffcile de garder le fil de la conversation lorsqu'on discute à plusieurs et qu'on doit attendre son tour de parole. L'application Miro pourrait venir en aide au groupe ici. En effet, certains observateurs pourraient être chargés de construire, pendant la discussion même, un schéma classant des exemples, des définitions de termes, des raisons, etc. L'enseignante pourrait avoir démarré elle-même un schéma afin de faciliter le travail, en inscrivant des catégories d'éléments à observer et à noter. Le schéma pourrait être affiché sur le tableau numérique interactif et cela permettrait d'une part aux participants de s'y référer et d'autre part de conserver une trace des sujets abordés, d'autant que ceux-ci serviront à construire les apprentissages durant les cours subséquents.
L’utilisation d’Edpuzzle et de Miro viendrait donc ici enrichir une activité qui s’inscrit dès le départ dans la co-construction de connaissances en permettant un temps d’arrêt sur image qui n’existe pas dans une discussion en temps réel.
P4 : Lecture critique d'un article à propos des manuels numériques
Dans le texte « Les manuels numériques : le cas de l’enseignement de l’histoire au secondaire dans le Québec francophone », les auteurs font notamment état de l’offre en matière de manuels numériques en histoire au Québec. (Lefrançois et al., 2016) Celle-ci apparaît être encore limitée et semble se résumer en des versions numériques des manuels ou cahiers imprimés, même si certains proposent des liens hypertextes. L’un des constats importants proposé dans le texte est à l’effet que la plupart des utilisations du numérique dans les écoles consistent à substituer les outils généralement employés par quelque chose de similaire en format numérique. Pourtant, plusieurs études tendent à démontrer, toujours selon les auteurs, que ce type d’utilisation du numérique n’a pas vraiment d’impact sur la réussite des élèves. Ainsi, substituer un manuel papier par un manuel numérique, tout comme substituer des notes au projecteur par des notes au tableau numérique interactif, n’a qu’« un effet marginal ou nul sur les apprentissages des élèves. » Ce constat prend sens à la lumière du modèle des usages du numérique de Romero (2015), puisque cette utilisation du numérique place les élèves en posture de consommation passive des contenus, activité la moins efficace selon elle.
Ensuite, les auteurs soulignent que la lecture à l’écran sur un manuel numérique est rendue pénible. Ajoutons à cela que des études mentionnent qu’on retient moins bien ce que nous lisons à l’écran plutôt que sur papier (Coen, 2011) et que les écrans sont très dommageables pour les yeux (OMS, 2022) et il ne m’en faut pas plus pour être convaincue de ne pas utiliser de manuels numériques. Lefrançois et al. (2016) mentionnent néanmoins plusieurs manières de rendre un manuel numérique plus pertinent : diversification des sources de vérité, construction de lignes du temps, communication entre les élèves, etc. Bref, ils proposent d’aller vers la création de contenu, seul ou en équipe. (Romero, 2015) Si cette approche, plus constructiviste et socio-constructiviste, apparaît certes plus à même de favoriser les apprentissages, il n’en demeure pas moins qu’elle pourrait sans problème être mise en place sans outils numériques.
Pour terminer, comme le mentionne à plusieurs reprises Coen (2011), ce ne sont pas les outils, numériques ou non, qui favorisent les apprentissages et la réussite des élèves, mais les méthodes d’enseignement, l'approche socio-constructiviste en tête. En enseignement de la Culture et citoyenneté québécoise, cette approche apparaît comme porteuse d’un excellent potentiel afin de mettre en oeuvre une compétence transversale et centrale de la discipline : la pratique du dialogue. Comme celui-ci est au coeur du programme et puisque j’accepte le postulat socio-construcutviste que les relations interpersonnelles sont à la source des apprentissages les plus durables (Grangeat, 2016), je compte concentrer mes efforts pour bâtir un programme axé sur les humains de la classe. Dans cette perspective, les manuels numériques ne me semblent apporter aucun bénéfice sur le plan de la motivation et des apprentissages et ils engendrent des désavantages qui font en sorte que je privilégierais d'autres modes de lecture et de travail écrit dans mon enseignement.
P5 : Réalité virtuelle et réalité augmentée : une lecture critique
Après des centaines d'années à travailler avec des ardoises puis du papier et des crayons, sont entrés dans les écoles les ordinateurs. Depuis, chaque nouveauté technologique suscite un nouvel enthousiasme et promet de révolutionner l'enseignement et de renouveler l'intérêt des jeunes pour l'école. Au tour de la réalité virtuelle (RV) et de la réalité augmentée (RA).
Dans leur article "Pertinence, efficacité et principes pédagogiques de la réalité virtuelle et augmentée en contexte scolaire : une revue de littérature", Lewis, Plante et Lemire (2021) traitent des avantages et désavantages de ces technologies pour l'enseignement et l'apprentissage. Comme c'est le cas pour l'utilisation des autres outils numériques, la recherche semble démontrer que ce n'est pas l'outil en soi qui suscite la motivation et un apprentissage plus efficace, mais la manière de l'utiliser. Ce sont donc les approches permettant la cocréation de contenu ou encore la cocréation participative de connaissances (Romero, 2015) qui permettent d'attribuer de bons résultats aux divers outils numériques comme à la RV et à la RA. C'est donc l'intention pédagogique plus socio-constructiviste qui permet aux élèves d'évoluer plus positivement dans leurs apprentissages.
Lewis, Plante et Lemire évoquent plusieurs bénéfices attribués à la RV et de la RA : apprentissage par essais et erreurs, ajustement du niveau de difficulté, mise en relation avec les pairs et les enseignants, approche plus ludique de l'apprentissage, etc. Selon plusieurs auteurs cités dans le texte, l'utilisation de la RV et de la RA en contexte scolaire entraînerait une plus grande motivation, une plus grande immersion dans des concepts abstraits et une plus grande collaboration, favorisant de ce fait la réussite scolaire.
Mais les auteurs ne mentionnent pas avec quoi on compare l'utilisation de la RV et de la RA. A-t-on tenté ces expériences dans des classes favorisant une approche socio-constructiviste où les jeunes intéragissent déjà énormément entre eux, font des recherches, manipulent outils et concepts ? Ou bien a-t-on intégré ces outils dans des classes où l'enseignement se faisait de manière très traditionnelle, par exposés magistraux et exercices individuels dans des cahiers ? Car la RV et la RA ne doivent certainement pas manquer de susciter curiosité et d'intérêt chez des jeunes qui s'ennuient quotidiennement et depuis des années sur les bancs d'école.
En termes de bénéfices sur la motivation de la RV et de la RA, Lewis, Plante et Lemire ne précisent pas non plus sur quel type de motivation elles ont un impact. Est-ce qu'elles ont un effet à long terme sur la motivation intrinsèque à s'impliquer dans toutes ses tâches scolaires ? Ou bien ont-elles principalement un effet sur la motivation extrinsèque à régulation externe, agissant comme une récompense pour un bon comportement ? Car ces deux motivations n'ont pas du tout la même valeur ni les mêmes effets sur l'investissement dans les tâches scolaires. La motivation intrinsèque, plus autonome étant considérée comme la plus souhaitable (Fréchette-Simard, Plante et Dubeau, 2019), il n'est pas du tout clair que ce soit celle qui est développée par la RV ou la RA.
Dans tous les cas, des moyens éprouvés et à la portée de tout enseignant désireux de favoriser la motivation existent déjà ! On peut notamment accorder aux élèves un certain contrôle de leurs apprentissages en leur offrant des choix. Des choix de livres, des choix de sujets de recherche, des choix de méthodes de travail. La collaboration entre les élèves et avec leur enseignant peut également être favorisée par des pratiques plus collaboratives et indépendantes des technologies : discussion des préconceptions des élèves, communautés de recherche philosophique, travail en équipe, projet communautaire, etc.
Il apparaît important de faire la distinction entre l'idéologie du progrès et les changements nécessaires pour remédier aux problèmes modernes de l'école. Lewis, Plante et Lemire, à l'instar de nombreux autres auteurs traitant des technologies à l'école, semblent parfois aborder la RV et la RA comme un remède aux problèmes de motivation et d'intérêt. Un remède incontournable pour soigner une pathologie scolaire qui semble quasi incurable autrement. Pourtant l'outil n'est rien sans son propriétaire. Les enseignants doivent donc être formés pour répondre aux besoins motivationnels des élèves, utilisant les outils qui leur semblent les plus appropriés et accessibles pour permettre des apprentissages en profondeur.
Car qui voudrait d'un remède qui peut entraîner des répercussions psychologiques, des traumatismes physiologiques et des changements comportementaux ? Un remède qui de surcroît nécessiterait des investissements majeurs en termes de développpement et d'acquisition ? Sans compter que comme toute technologie, les outils de RV et de RA seront à remplacer à grands frais dans quelques années, comme l'ont été les tableaux numériques interactifs pour lesquels aucune étude ne semble prouver leur efficacité pour remédier aux maux de l'école.
Inversement, de nombreuses études démontrent que des classes plus petites facilitent le travail de différenciation pédagogique, permettent un meilleur attachement, une plus grande motivation et améliorent les résultats des élèves. (Darling-Hammond et al., 2019) Au risque de paraître trop simpliste, répondre à cette revendication, portée par les enseignants québécois année après année, ne serait-il pas plus efficace que d'investir dans des technologies onéreuses, potentiellement dommageables et surtout remplaçables ?
P6 : Une compétence numérique en évolution
Depuis janvier 2023, grâce au cours Enseigner et apprendre avec le numérique, j'ai pu développer plusieurs habiletés numériques. J'ai pu exploiter un certain nombre de plateformes numériques que je n'avais jamais exploré, comme Edpuzzle, Miro, Ludidchart, Caneva et Googlesites et améliorer ma connaissances des fonctionnalités de certaines plateformes comme Teams (partager des documents, créer une rencontre, etc). Si j'ai pu découvrir des outils fascinants, les employer m'a aussi permis de constater qu'ils mobilisent énormément de temps d'appropriation et d'utilisation. De plus, ces outils seront vite désuets et remplacés par d'autres ! Il m'apparaît donc prioritaire de fonder mon enseignement sur des principes pédagogiques solides et de procéder à un tri rigoureux des outils numériques qui, bien qu'excitants à première vue, peuvent s'avérer très coûteux en termes de temps.
En ce sens, la formule du cours elle-même m'a permis de faire l'expérimentation de la co-création de contenu et de la co-construction de connaissances, approches préconisées par Romero (2015) pour favoriser les apprentissages des élèves. J'ai pu ainsi faire un constat important : ces deux approches sont extrêmement porteuses de sens, constructives et stimulantes. Elles demandent plus d'investissement de la part des élèves qui pourraient s'en trouver déstabilisés, mais elles sont plus formatrices. Si l'utilisation du numérique peut parfois s'avérer plus simple et efficace que d'autres outils, comme pour présenter une photo ou un schéma par exemple, la recherche démontre que les usages du numérique qui remplacent simplement des méthodes traditionnelles d'enseignement ne constituent pas une réelle bonification de l'enseignement. Ce sont donc les usages socio-constructivistes du numérique qui sont à privilégier.
En termes éthiques maintenant, j'ai découvert certaines inégalités pouvant être accentuées avec l'utilisation des différents outils numériques. (Heilporn, 2023) Il m'apparaît donc important de vérifier que les plateformes sélectionnées n'entraînent pas d'iniquités entre les élèves et de pallier à celles-ci si elles devaient survenir. Par ailleurs, mon expérience de stage et de nombreuses discussions avec mes collègues m'ont permis de prendre conscience que les jeunes ne sont pas tous bien entraînés aux outils numériques, même les plus communs. Se lancer dans un projet impliquant le numérique peut donc entraîner la nécessité de passer un certain temps pour enseigner des habiletés et technicalités par rapport aux différents outils. Ce sera donc un défi de tenir compte des inégalités scolaires et des compétences effectives des jeunes dans la planification des cours et dans le choix des outils utiles au développement des compétences recherchées.
Pour ce qui est de la collaboration à l'ère du numérique, la fatigue entraînée par un grand nombre de cours à distance vient confirmer chez moi une nette préférence pour l'enseignement en présence. Cela place ce mode de communication pour moi dans un dernier recours. Toutefois, je ne serai pas prise au dépourvu s'il s'avérait essentiel de l'utiliser, par exemple en cas de pandémie mondiale !
Enfin, le Ministère de l'éducation et de l'enseignement supérieur (2019) préconise le numérique comme un moyen de "développer sa capacité à innover". Malheureusement, je demeure persuadée que la créativité ne peut être le fruit de l'utilisation des outils numériques. Elle n'est d'ailleurs nullement nommée par Besançon et Lubart (2014) dans leur article exposant les facteurs favorisant la créativité chez les élèves que j'ai abordés dans une réflexion intitulée Développer la créativité des élèves. Le numérique appraît non pas comme un moteur de la créativité, mais comme un outil en permettant l'expression. Caneva, Miro ou Lucidchart par exemple, par leur visuel attrayant et leurs fonctionnalités multiples, deviennent des possibilités parmi d'autres de présenter le fruit de recherches et de réflexions créatives. À ce titre, vous trouverez dans les séquences d'activités, en secondaire deux, un schéma représentant le samsara, le cycle de vie selon les hindous, que j'ai élaboré grâce à l'outil Lucidchart. Je cite cet exemple pour illustrer que c'est moi-même qui ai réfléchi à cette organisation visuelle, guidée par mes conniassances et ma motivation à présenter clairement cette matière à des élèves. Lucidchart y est pour peu au final !