Le swing semblait insurpassable à la fin des années 30, mais en raison de son succès, ce style tendait à devenir répétitif. De jeunes musiciens de big bands parmi lesquels on trouvait le trompettiste Dizzie Gillespie, le saxophoniste Charlie Parker et le guitariste Charlie Christian tournèrent la page. Ils étendirent le registre harmonique et introduisirent de la discontinuité dans la pulsation régulière du swing pour créer une musique tendue, fragmentée, ambiguë, qui révolutionna la composition et le style de solo de tous les instruments. Charlie Parker en fut le grand prêtre visionnaire, mais le be-bop naquit des bouleversements musicaux et socio-économiques induits pas la seconde guerre mondiale.
Le be-bop reçu un mauvais accueil dans un premier temps, de nombreux musiciens de swing se sentirent personnellement insultés, prétextant des accords bizarres, des mélodies qu'on ne retient pas, des morceaux impossibles à danser...Ses mélodies labyrinthiques, ses tempos effrénés et sa complexité suscitèrent chez une bonne parti du public hermétique à la nouvelle vague, un regain d'intérêt pour le New-Orleans, ce qu'on appellera le revival.
Le be-bop est en fait la reprise sur un tempo rapide du rythme 4/4 du swing, mais avec une accentuation plus disparate, plus aléatoire et sans le battement régulier de la grosse caisse. On improvise sur les même accords en y ajoutant quelques notes supplémentaires pour enrichir les voix et en les variant plus souvent.
Charlie Parker s'imposa comme le plus grand nom du be-bop, bien que d'autres musiciens y aient pris une part cruciale, notamment le batteur Kenny Clarke et le trompettiste Dizzy Gillespie. Parker était déjà salué comme un maître du saxophone alto, jouant vite, dans un style dérivé de Lester Young, très tôt il fit entendre une nouvelle manière d'improviser, libérant le potentiel harmonique des accords pour pouvoir jongler avec plus de notes dans ses solos.
Pour les musiciens de swing et a fortiori pour le public déconcerté, les solistes semblaient toujours attaquer trop tôt ou trop tard, laisser des phrases en suspens n'importe quand et ignorer les règles élémentaire de métrique et de tonalité. Dans le swing , les changements d'accords ou les notes importantes coïncident normalement avec les temps forts, là ou le be-bop inverse le système en plaçant des ghost notes ou des contretemps.
Le be-bop ne fut pas qu'une révolution musicale, mais sociale aussi, avec ce nouveau son, les musiciens noirs se ré-appropriaient une musique devenue avec le swing une industrie florissante mais où les noirs étaient généralement payés deux fois moins que les blancs.
Surnommé Yardbird (le bleu) à l'armée, il retournera ce sobriquet humiliant en titre de noblesse : Bird pour caractériser la dimension aérienne de son jeu de saxophone alto.
Charlie Parker est le plus fulgurant improvisateur de l'histoire du jazz, il est génial tout le temps , quels que soient se partenaires et ses environnements. Il ouvre le jazz à la polytonalité et libère l'improvisation en génie de la paraphrase.
Addict aux drogues depuis son adolescence, l'héroïne empoisonnera sa vie jusqu'à le tuer prématurément à l'age de 35 ans. De plus, cette dépendance, qui est de notoriété publique, incite de nombreux jazzmen à se droguer eux-mêmes convaincus d'y trouver l'origine du génie parkerien.
Ecoute : Ornithology (1946) - Cool Blues (1947) - Donna Lee (1947)
Avec Miles Davis et Louis Armstrong, il est considéré comme l'un des plus importants trompettistes de l'histoire du jazz. Il a participé à la création du style be-bop et contribué à introduire les rythmes latino-américains dans le jazz.
Il fut trompettiste dans la formation de Cab Calloway. Ses solos sont cependant peu appréciés par son employeur qui appelle cela de la "musique chinoise". Gillespie joue alors dans diverses formations comme celle de Duke Ellington.
Il rencontre ensuite Charlie Parker au Minton's Playhouse, ils seront complémentaires, Charlie Parker par son avance sur le plan rythmique et Dizzy sur le plan harmonique. Ils joueront finalement peu ensemble, juste le temps de révolutionner le jazz en quelques séances d'enregistrement, mais fatigué par les excès de Parker il décide de continuer seul pour monter son premier grand orchestre.
Écoute : A Night In Tunisia (1946) - Manteca (1947)
Il est, avec Art Blakey et Max Roach, un des inventeurs d'un style de batterie moderne et bebop.
Il est un des pionniers de l'utilisation de la cymbale «ride» pour tenir le rythme. Auparavant les batteurs utilisaient pour le rythme principal la caisse claire
À partir de 1956, il s'installe définitivement en France où il s'est marié à une Française et a eu des enfants.
Pionnier du be-bop, il aborda aussi beaucoup d'autres styles de musique et fut ainsi considéré comme l'un des batteurs les plus importants de l'histoire. Il travailla avec une multitude de musiciens de jazz, dont Coleman Hawkins, Dizzy Gillespie, Charlie Parker, Miles Davis, Duke Ellington, Dinah Washington, Abbey Lincoln, Charles Mingus, Sonny Rollins ou encore Clifford Brown.
S'il est un pionnier dans le style be-bop, il sera un acteur majeur du style hard bop quelques années plus tard.
En 1954, il forma un quintet regroupant autour de lui le trompettiste Clifford Brown, le saxophoniste Harold Land, le pianiste Richie Powell (le frère de Bud) et le contrebassiste George Morrow. Mais l'aventure s'arrêta brusquement lorsque Brown et Powell furent tués dans un accident de voiture en juin 1956.
En 1962, il enregistre Money Jungle avec Charles Mingus et Duke Ellington. Le fruit de la rencontre de ces trois monuments du jazz est en général vu comme l'un des plus subtils jamais réalisés.
Écoute : Steeplechase (1948) - Daahoud (1954) - Money jungle (1962)
L'alchimiste qui inventa le piano be-bop ne figure pas sur la "photo officielle". Monk ne fut probablement pas un bopper, pourtant tous les boppers lui doivent quelque chose.
On a dit qu'il était un peu fou, et l'on avait pas tout à fait tort, il faisait un peu peur et ses accompagnements étaient tellement étranges que l'improvisateur craignait d'y perdre ses repères.
La vitesse n'était pas son propos et sa technique répondait à d'autres logiques, posant des problèmes d'exécution que lui seul savait surmonter. Les fausses notes faisait partie de son système, comme autant de problèmes à résoudre. Il avait inventé une partie du matériel harmonique utilisé par les boppers et ceux-ci venaient constamment lui demander conseil, mais ils le laissèrent à l'écart de leur mouvement. Trop en avance sur son époque, il n'enregistra qu'à partir de 1947 pour Blue Note. Il deviendra incontournable après une série de grands enregistrements à partie de 1957.
Ecoute : 'Round Midnight (1954) - Blue Monk (1954) - Ruby, My Dear (avec Coltrane - 1957)
Bud Powell est renommé pour son agilité à jouer avec précision aux tempo les plus rapides, pour ses solos Bop inspirés et pour sa compréhension et sa transposition au piano des idées que Charlie Parker avait soudainement mises à jour. Ses solos, conçus grâce à l'émulation et la rivalité avec Charlie Parker sont reconnaissables entre mille, avec de fréquentes arpèges ponctuées par des chromatismes. Ils sont néanmoins novateurs et explorent un univers harmonique encore vierge.
Bud Powell souffrait de schizophrénie suite à un matraquage lors d'une descente de police dans un club.
Charlie Christian est avant tout connu pour avoir donné à la guitare électrique une place de choix dans la musique jazz, à titre d’instrument soliste. Il est également connu pour son travail au sein du sextuor de Benny Goodman et pour ses contributions aux sessions du Minton's Playhouse qui auraient donné naissance au Be-bop.
Les Pères du Be-bop sont Charlie Parker, Dizzy Gillespie et Thelonious Monk, mais on dit que Charlie Christian est en quelque sorte le «père spirituel du bebop». Ainsi, plusieurs éléments du style de Christian deviendront des caractéristiques du Be-bop.
Grâce à un son tout en rondeur, une technique incroyable et une dextérité proche d’un saxophoniste, Jay Jay Johnson a su faire évoluer l’instrument, démontrant ainsi que le trombone avait sa place au sein du be-bop, il contribua à faire accepter l’instrument dans ce genre aux tempos très rapides.
Écoute : Mad bebop (1946)
Elle s'est fait connaître à l'age de seize ans au sein de l'orchestre de Chick Webb. Encouragée par Dizzie Gillespie qui l'initia au be-bop, elle prit son envol en 1945 en interprétant Flying Home en Scat, un genre dont elle régala son public tout au long de sa carrière avec un swing qui lui permit de tutoyer les plus grands. Elle fut la grande interprète des chansons du répertoire. En compagnie de Louis Armstrong elle donna du Porgy and Bess de G. Gershwin une version dont l'attrait fait de l'ombre à l'opéra originel.
Belle et surdouée, Sarah fut appelée "The Divine". Elle tint le second piano dans l'orchestre de Earl Hines, chez qui elle fut adoptée par l'élite des jeunes boppers et se fit connaître en chantant Lover Man entre Dizzy Gillespie et Charlie Parker. La tessiture de sa voix lui permettait les plus extravagants loopings entre le grave et l'aigu. Ses fans apprécient chez elle la modernité d'une musicalité digne des plus grand instrumentistes.
Écoute : Lullaby of Birdland (1954)