Mai 1960
Le "Breza"
Nous sommes en 1960 et la guerre de libération nationale, engagée par le peuple algérien contre l’occupant français fait rage depuis cinq longues années. Bien que le combat sur le terrain soit inégal –les Français possédant un arsenal de guerre que les Algériens n’ont pas –, ces derniers continuent à nourrir cet espoir de liberté, d’autant que des aides conséquentes venant de pays amis, acquis à la cause algérienne, vont leur permettre de continuer le combat jusqu’à cette indépendance rêvée. Plusieurs tentatives avortées. Avant l’action courageuse du capitaine Vassil Valtchanov, il y en a eu d’autres, comme celle du navire « Athos » le 23 octobre 1960, arraisonné par les troupes françaises avec, à son bord, 300 tonnes de munitions, ou encore le « Slovenia », en mars 1959, le « Lidice », en avril de la même année, le « Monte Cassino » avec 180 tonnes d’armes ainsi que le « Granita » et le « Tegrita », deux petits vaisseaux, chargés d’armes pour le FLN. Des opérations toutes soldées par un échec et qui poussent les responsables du MALG à agir vite pour alimenter en armes, les combattants qui se trouvent au front. Abdelhafid Boussouf et Ahmed Francis, respectivement ministre de l’Armement et des Liaisons générales (MALG) et ministre des Finances du GPRA, décident en 1960 de solliciter l’aide de la Bulgarie dont le ralliement à la cause algérienne ne souffre aucune équivoque. Ils rencontrent donc à Sofia des responsables bulgares avec lesquels ils trouvent un accord pour la livraison d’armes et c’est le capitaine Vassil Valtchanov qui sera chargé de cette mission périlleuse. 2000 tonnes d’armement. En mai 1960, 240 tonnes de TNT, une batterie de canons de 82 millimètres antiaériens, des mortiers, des mitrailleuses, des milliers de balles, des obus, des détonateurs, des grenades, des mines et d’autres armes ; en tout, plus de 2000 tonnes d’armement destiné aux moudjahidine sont chargés à bord du « Breza », vieux bateau de marchandises, censé transporter des machines, des équipements et des engrais chimiques vers l’Albanie.Pour éloigner tout soupçon, le capitaine Vassil Valtchanov va même jusqu’à embarquer sa propre famille dans la cabine située juste au-dessus des explosifs. Le bateau prend alors la mer. Le capitaine, en vieux loup des océans, va faire appel à toute son ingéniosité et à sa ruse pour faire parvenir la cargaison à destination, sans se faire prendre surtout par les Français qui ont imposé un véritable blocus sur tout le littoral algérien afin d’empêcher d’éventuelles livraisons d’armes. Alors qu’il avait un itinéraire à suivre, le capitaine emprunte un autre chemin, prenant d’énormes risques. Afin de tromper la vigilance des autorités turques qui surveillent tout navire venant de la mer Noire vers la Turquie, il suit la route maritime pour l’Albanie jusqu’au Cap Malée et, au lieu de prendre la direction du Cap Matapan, continue vers le sud, jusqu’en Crète et, de là, il se dirige vers un petit port discret de Tripoli en Libye, faisant parvenir à destination la cargaison d’armes qui apportera un nouveau souffle à la révolution algérienne. Fier de s’être acquitté de sa mission, le capitaine du « Breza » déclare en 2012 à un journaliste français : « Je suis le premier à avoir brisé le blocus français de l’Algérie. » Hassina Amrouni, Sources : Kamel Bouchama