Regards sur la Fraternité

Regards sur la Fraternité : Samedi 25 mars 2023 Oratoire du Louvre.


Regards sur la Fraternité Spirituelle des Veilleurs :


Introduction :

Je n’ignore pas que le mot Fraternité recouvre de multiples sens et développements que je n’aborderai pas, mon propos étant délibérément limité par cet événement du Centenaire des Veilleurs. Je partagerai avec vous, trois regards sur la « Fraternité Spirituelle des Veilleurs ». Ils se porteront successivement et sans surprise sur le passé, le présent et l’avenir.

Le regard sur le passé sera le plus important de mon intervention, puis le regard sur l’aujourd’hui plus court et le regard sur l’avenir sera bref !

Prioritairement, je rends grâce au Seigneur pour l’héritage de l’Evangile, qu’il a confié à une nuée de témoins, et qu’il confie encore à tous les chrétiens de ce XXIème siècle. Il est bon, cet héritage de la Bonne Nouvelle, de le voir fructifier de différentes manières et d’en goûter les fruits. Des fruits aux saveurs variées qui, chacun dans sa caractéristique apporte, on pourrait dire, les vitamines, les éléments nécessaires à l’ensemble d’un corps dont l’idéal est l’unité en Christ, la communion d’un vivre ensemble. Ceci est une force pour le bonheur de tous et pour témoigner discrètement du Règne de Dieu, en nous, au milieu de nous, et dans le monde.

Cette brève introduction dans un esprit d’unité, veut souligner la richesse de Dieu et de l’Esprit Saint dans tout mouvement, pensée, modèles de foi, de théologie, et d’ecclésiologie, de vie en Christ, au-delà de toutes tensions, affinités, traditions ou institutions, tant le mystère de l’Eglise est grand dans son rayonnement et ses variantes, au cours de ces deux millénaires et davantage.


Fraternité Spirituelle des Veilleurs : Regard sur le passé :


La naissance d’un être humain s’inscrit dans un héritage généalogique, un contexte historique, géographique, sociétal, dans lequel la famille va graver son empreinte par son éducation, ses options, sa manière de penser, ses engagements, son être et son faire.

William Frédéric Monod, dit Wilfred, nait le 24 novembre 1867 dans une famille dont l’arbre généalogique est pour le moins foisonnant ! Fils et petit-fils de pasteurs, il épousera Dorina Monod, Monod de son nom de jeune fille puisque tous deux avaient des grand parents communs…Parmi ses oncles on relève également plusieurs noms de pasteurs.

Je ne m’étendrai pas, mais on voit comment son enfance fut imprégnée de foi, de lecture biblique, de moments cultuels, et aussi d’amour et d’affection. Il écrira lui-même dans son livre autobiographique « Après la Journée » : « Mes jeunes années furent donc pénétrées de sève religieuse. » Il écrit encore, et toujours dans le même livre, avoir échappé au souci matériel ; et que les sentiers proposés par ses parents pointaient vers les questions littéraires, morales et religieuses. Plusieurs événements et paroles au long de l’enfance et de l’adolescence ensemencèrent son esprit de la « question sociale ». Il fut influencé aussi par un prêtre oratorien, Alphonse Gratry qui avait déclaré dans un opuscule : « Je ne demande au monde contemporain qu’une seule chose, la volonté déterminée d’abolir la misère ».

W. Monod entreprit tout d’abord des études de Philosophie, afin de satisfaire écrit-il, une soif de connaître et de comprendre pour explorer la pensée humaine. Cependant, il était habité par la volonté d’être un « serviteur ». Voici ce qu’il relate toujours dans son livre « Après la journée », je cite : « Dans un carnet spécial que je portais sur moi je finis par énumérer les grandes causes qu’il fallait défendre. Le devoir du chrétien m’apparaissait de vouer son existence, dans la communion du Crucifié, à lutter contre la misère, le militarisme, la mise en tutelle de la femme privée de ses droits… ». Puis, il poursuit sa liste en soulignant les débauches, l’alcoolisme, le paganisme, les déviations chrétiennes…etc. Cette liste consignée, écrit-il, « empêche l’engourdissement de l’âme, le coma de la conscience ». On voit déjà poindre ici les bases de son christianisme social.

W. Monod tout empreint de sève religieuse et de compassion pour les petits, les pauvres, et les démunis, garda tout au long de sa vie le désir et la force d’unir christianisme spirituel et christianisme social, main dans la main, ce couple qu’il appelle « l’Evangile intégral ».

Pour symboliser son christianisme spirituel, je ferai bien entendu référence aux Veilleurs et pour son christianisme social je citerai simplement l’œuvre de la Clairière, car justement celle-ci est citée plusieurs fois dans le bulletin des Veilleurs comme lieu de rencontre et de réunion des Veilleurs. Il existait déjà dans la paroisse de l’Oratoire, à Paris, un patronage que W. Monod développa dans le quartier des Halles au 60 de la rue Greneta, dans le deuxième arrondissement de Paris. Et voici ce qu’il écrit dans « Après la journée » alors qu’il est pasteur à l’Oratoire du Louvre : « Je disais à notre église que cette entreprise d’avant-garde était comme la proue sculptée du navire de l’Oratoire, orientée vers le large. »

Un acte fort que je souligne, était, après la Sainte Cène célébrée au temple les jours de fête, de poursuivre par un repas fraternel, à la Clairière. Je cite : « cela pour appeler l’attention sur le caractère social de la Communion qui est, dans son essence, le repas du Seigneur. » Ce repas à la Clairière était préparé par des membres de l’Oratoire, servi par eux ; et voici encore ce que W. Monod écrit dans « Après la Journée » : « D’autres membres de l’Oratoire s’asseyaient à la table fleurie, avec les humbles habitués du patronage, pour que ceux-ci eussent vraiment l’impression d’être des invités et non des assistés. » W. Monod lui-même et son épouse, prenaient part à ce repas et le terminaient par une allocution et un cantique. Et cette fête fraternelle groupait des catholiques et des protestants, dont des Veilleurs. On voit dans cette démarche de W. Monod, la réalisation de la fibre sociale, spirituelle et œcuménique qui l’habitait profondément.


L’aventure des Veilleurs :

Reprenons des moments importants de la vie de W. Monod. En 1887 il obtint sa licence en philosophie à la Sorbonne, et en 1888 il entra à la faculté de théologie de Montauban. Et c’est le choc car il s’aperçoit que certains étudiants choisissent la théologie comme on choisit les lettres, la philosophie ou le droit ! C’est encore le temps du régime concordataire. Il n’y a pas de séparation entre l’Eglise et l’Etat et certains entreprenaient des études de théologie pour devenir pasteurs-fonctionnaires de l’Etat !

L’aventure des Veilleurs commence quand W. Monod entre à la faculté de Théologie. Il est choqué par l’ambiance qui règne parmi les étudiants. Sa conscience est troublée par le manque de préparation spirituelle des futurs pasteurs. Troublée aussi par le fait d’étudiants qui n’avaient pour objectif qu’un diplôme qui leur assurerait le mandat trimestriel payable au guichet du percepteur. Troublée encore par d’autres étudiants qui ne se souciaient guère de ce que W. Monod appelle la vocation pastorale, lui qui a désiré être pasteur et rien que pasteur. De tout son être il sentait le devoir de protester contre l’organisation du séminaire et protester aussi contre ce qu’il nommait les « polissonneries de potaches », et le « désœuvrement des étudiants ». Il réagit à cela et favorisa le recueillement personnel et la vie de prière, pour préserver le silence intérieur.

Devenu pasteur il gardera constamment ce souci de développer la méditation de la Bible, la prière et la vie spirituelle, sans lesquelles il n’y a pas de vie véritablement chrétienne. Il garde le contact avec ses anciens collègues de la faculté, et fonde un groupement de pasteurs. Il écrit diverses publications pour eux, dont un « Vade-mecum pastoral ». Ce que j’ai découvert il n’y a pas si longtemps c’est qu’il a écrit en exergue de ce petit livre : ORA ET LABORA (Prie et Travaille), devise bénédictine dont j’ai fait un petit développement dans le N° de Foi et Vie. Toujours dans ce même petit livre à l’usage des pasteurs, W.Monod écrit dans l’avant-propos du Vade-mecum pastoral : « Dans le domaine spirituel, la plus sûre manière de travailler pour les autres est de travailler pour soi-même ». Il reprend aussi une citation d’Alexandre Vinet que voici : « L’exercice du ministère menace l’esprit du ministère, si rien au-dedans ne l’entretient. » Ce qui est à noter c’est que W. Monod composa d’abord pour son propre usage ce recueil de pensées, de prières, de textes bibliques et autres textes, avant de le proposer à ses collègues.

Il va aussi attirer l’attention de ses paroissiens sur la nécessité d’une discipline de vie spirituelle et il éduquera ses catéchumènes dans ce sens, prenant au sérieux les promesses et engagements du baptême.

W. Monod est habité par le désir d’envisager un groupement de personnes, unies dans un effort commun et méthodique pour réaliser la pensée et la vie du Christ, selon l’idéal du Sermon sur la Montagne, et de l’Hymne à l’Amour. Il faudra du temps pour que l’idée de fonder un « tiers-ordre » protestant se réalise. Il y faudra des rencontres, des expériences ; il faudra aussi se laisser imprégner des courants venus de différents horizons : le méthodisme, le catholicisme, l’anglicanisme, l’armée du salut, …etc.

Juin 1922 : W. Monod s’apprête à partir pour le congrès du Christianisme social à Strasbourg. Au moment où il partait, son fils Théodore, qui avait 20 ans (il deviendra le grand naturaliste et arpenteur du désert), son fils donc, lui tendit une lettre. Voici ce qu’en reproduit W. Monod dans son livre « Après la Journée » : « Il m’annonçait que mes semailles avaient enfin trouvé le terrain favorable : il me soumettait un texte d’engagements rédigés par lui pour orienter sa propre vie vers l’idéal d’un « Tiers-Ordre » protestant ! »

Arrivé à Strasbourg, W. Monod, fait part d’un message au congrès du Christianisme social et s’exprime ainsi : « Il faut que la chrétienté se réveille. L’heure d’un évangile à la fois religieux et social a sonné. Organisons comme Saint François d’Assise un Tiers-Ordre laïque, un groupe de volontaires chrétiens de l’après-guerre, dont les membres s’engageraient hardiment tout en vivant dans le monde, à s’affranchir de la stupide et stérile mondanité...Mépriser le qu’en dira-t-on, organiser le courage » ! (Revue du Christianisme social de 1922)



Le projet avançait : un « Tiers-Ordre » s’inspirant du modèle créé par Saint François d’Assise. Un « Tiers-Ordre » à écrire entre guillemets car n’étant pas relié à des moines ou moniales protestants, que la Réforme avait bien mis de côté ; un « Tiers-Ordre », une association d’hommes et de femmes unis entre eux, et trouvant sans sortir du monde, la force et la paix qu’apporte une vie religieuse, c’est-à-dire monacale. Un « Tiers-Ordre » pour rappeler l’idéal de François d’Assise qui après avoir fondé deux « ordres » religieux, l’un masculin et l’autre féminin, en organisa un troisième, formé de laïques : le premier « Tiers-Ordre », pour réunir dans l’unité en Christ et dans la solidarité fraternelle, ceux et celles qui désiraient s’engager dans une vie religieuse hors monastère. W. Monod était fasciné par cet exemple de François d’Assise, mais il choisit pour figure de proue un autre pauvre, dispensateur de la Bible : Pierre Valdo. Ce choix paraissant plus correct à W. Monod, à cause de quelques critiques catholicisantes…

20 avril 1923 : Wilfred Monod convoque à la réunion constitutive du « Tiers-Ordre » protestant, les Veilleurs, une douzaine de personnes, dont son fils Théodore. Ceci se passe dans son bureau de l’Oratoire. Les premiers Veilleurs ! Mais il faut tout organiser pour ces pionniers riches du trésor des Béatitudes, mais pauvres encore d’organisation de la vie spirituelle. W. Monod écrit dans un premier message aux Veilleurs en août 1923 : « Nos statuts restaient à élaborer minutieusement : 1° en harmonie avec notre idéal. 2° en étroite union avec le protestantisme historique et les paroisses locales. 3° de façon à concilier le minimum d’administration avec le maximum de rendement. »

Puis la vie des Veilleurs s’organise. Le premier bulletin « Veillez » paraît pour Noël 1924. W. Monod y trace les principes, autour des Béatitudes, de l’ébauche de la Règle, des trois moments spirituels de chaque jour, de la prière, de la lecture quotidienne de la Bible, de l’hommage du vendredi, ainsi que de conseils pratiques. En lisant les premiers « Veillez » on y trouve des mots ou expressions tels que méthode, discipline, habitudes religieuses, vie intérieure, présence de Dieu, silence, sanctification, simplicité et dépouillement. Dans les trois premiers numéros trimestriels du bulletin, on découvre un véritable aller-retour d’un partage, d’une collaboration entre les Veilleurs, pour éclairer la vie de cette confrérie, et pour l’organiser autour d’une liturgie, « le Cérémonial », et d’un livre de Prière. Le Cérémonial nous le devons à W. Monod. Ce livret n’a jamais été figé et au long des années il fut modifié, ce qui démontre l’ouverture de W. Monod pour s’adapter, renouveler les textes, les enrichir et en ajouter de nouveaux. Sa spiritualité n’est pas statique…



Le « livre de Prière » :

Prière au singulier et non un livre de prières au pluriel. Il est préparé par Théodore Monod ; livre essentiel pour le quotidien des Veilleurs, tout au long de l’année liturgique, mais s’adressant à tous les frères et sœurs en Jésus- Christ. C’est donc une large ouverture aux chrétiens. Ce livre de prière, « Un bréviaire » pour reprendre un mot qui n’est pas destiné à appartenir au seul catholicisme mais qui dit bien ce qu’est ce livre adopté par la communauté des Veilleurs : une liturgie pour la journée et pour les différents moments de l’année chrétienne, avec des prières, des lectures, des textes de divers siècles et de différentes provenances.

Théodore Monod, très investi chez les Veilleurs, y travaille pendant plusieurs années à Paris, au Cameroun, en plein Sahara. IL tient informés les Veilleurs, de l’avancée de ce livre qu’il met des années à rédiger. Il en partage la progression avec les Veilleurs qui grâce au bulletin peuvent déjà avoir connaissance du contenu et la possibilité de dire ce qu’ils en pensent en expérimentant les propositions formulées. En 1933 le livre est pratiquement terminé, mais il faudra attendre 1936 pour que le manuscrit soit publié chez Labor à Genève. Il est réédité aujourd’hui, à la demande, par Labor à Genève.

Ce livre est peu usité aujourd’hui par les Veilleurs, trop éloigné de notre langage, de nos formulations. IL est certes d’une grande richesse, mais pas très facile d’utilisation ; c’est un peu vieillot, désuet, mais il contient des merveilles et je ne résiste pas à vous en partager une dont nous gardons encore aujourd’hui l’essentiel pour nos trois moments de recueillement : Le matin : l’office de la Lumière. Lumière impérissable, sans déclin, qui se révèle être la Lumière du monde, dont le matin est le reflet.

Dans le temps de midi : l’office de la Flamme. Feu que Jésus est venu allumer sur la terre, flamme qu’il faut nourrir et entretenir, flamme pour raviver le feu de notre amour en Christ, par le bonheur des Béatitudes. Cette halte au milieu du jour pour se débarrasser des poussières de la matinée, et repartir fortifiés et unis, dans nos activités.

Le soir : l’office des Parfums, pour présenter sa journée, ses rencontres, son travail, à la miséricorde de Dieu. Exposer son être à la purification et au pardon reçu et donné. Rendre grâce. Offrande du soir comme un parfum de bonne odeur.

Théodore Monod restera jusqu’au bout un Veilleur déterminé écrivant régulièrement pour les Veilleurs dans le bulletin. Il y aurait aussi beaucoup à s‘enrichir en étudiant les nombreux ouvrages et publications de W. Monod… En relisant la collection des bulletins « Veillez », on s’enrichit déjà, car là se déploie la spiritualité de W. Monod. On y parle comme je l’ai déjà évoqué, de vie intérieure, de la présence de Dieu, et du silence. Mais on y parle encore, de chrétienté, d’œcuménisme, d’engagements, des pauvres, du credo, des Béatitudes, du Royaume, de la Cène, des conférences œcuméniques comme celle de Stockholm, de la revue du Christianisme social, etc…Et dans le bulletin les Veilleurs font part aussi de leur réflexion.



Qui sont les Veilleurs ?

Pour W. Monod, ils furent sa joie et son réconfort. A la fin de sa carrière de professeur de Théologie à la faculté de Paris en 1937, il eut quelques déboires qui l’ont profondément affecté. Il n’était plus écouté par ses étudiants, ni compris, et il souffrait car il y avait peu d’écho, peu de résonnance à ses injonctions sur la vie spirituelle, sur la nécessité de la discipline personnelle, la prière, la sanctification, le service ; et un jour en tant que professeur, il se trouva devant une salle vide, sans étudiants. Quelle épreuve ! Il écrit concernant les Veilleurs dans son livre « Après la Journée » : « Durant les dernières années de ma carrière, quel épanouissement secret de l’âme, quel indicible repos, au sein de la communauté des Veilleurs. »



Comment définir les Veilleurs ?

W. Monod écrit dans le bulletin « Veillez » d’avril 1930 : « Le Tiers-Ordre n’est pas une société organisée, ni un groupement pour l’action, ni une petite Eglise dans la grande. Les Veilleurs constituent une famille d’âmes dispersées et rassemblées autour d’une règle dont le point culminant se situe dans la récitation quotidienne des Béatitudes ». Voilà notre originalité. Puis Il ajoute : « les Veilleurs sont des chrétiens qui vivent dans le siècle et la cité, qu’ils soient ruraux ou citadins, ouvriers ou professeurs, diaconesses ou mères de famille, adolescents ou vieillards, hommes d’affaires ou pasteurs, des chrétiens qui se rassemblent autour de l’observance d’une règle qui favorise la vie de prière, et une spiritualité marquée par l’esprit des Béatitudes. »

Voici encore ce qu’écrit W. Monod, une définition des Veilleurs parmi d’autres : (Citation tirée de la Revue du Christianisme social de juillet 1933 et aussi consignée dans un fascicule édité pour les 10 années des Veilleurs). Je cite :

« Les tertiaires ne s'imaginent pas être les détenteurs d'un titre spécial comme si les Veilleurs possédaient le monopole de la vigilance. Les Veilleurs sont tout simplement des chrétiens qui prennent au sérieux l'avertissement du maître Veillez et Priez ; méthode élémentaire de culture spirituelle, et cela dans leur famille, leur milieu, leur paroisse. Ils ne prétendent nullement à l’originalité. Ils ne cherchent qu’à disparaître dans la masse comme le sel de la terre. »

Ce qui est beau dans ce « Veillez et Priez » en plus d’être une parole de l’Evangile, c’est son lien avec les diaconesses de Reuilly : Caroline Malvesin, dans ses échanges épistolaires avec Antoine Vermeil, les deux fondateurs des diaconesses au 19ième siècle, écrit : « Il serait passé au doigt de la soeur un anneau dans lequel serait inscrits ces mots : Veillez et Priez ». Je trouve que ce qui est beau dans nos différentes communautés c’est ce qui nous relie.

Autre définition des Veilleurs, relevée dans la revue du Christianisme social de juillet 1933 :

« Les Veilleurs sont des isolés (matériellement ou moralement) mais qui ont échappé à la solitude par la récitation des Béatitudes. » 

Voici aussi une précision importante écrite dans le même article concernant les œuvres et l’ouverture de maison :

« Que des Veilleurs individuels s’enrôlent dans des œuvres diverses, dans des entreprises morales, sociales, religieuses, où ils apportent l’esprit du Tiers-Ordre, rien de mieux. Cette initiative doit se déployer sans lien avec notre communauté. Celle-ci est comparable à la chaudière qui fournit de l’eau à haute température pour diverses canalisations ; mais le chauffeur n’est pas responsable de l’emploi qui sera fait ici ou là de l’eau bouillante ». On trouve aussi cette citation dans le bulletin « Veillez » d’avril 1930.

Dans le même esprit, écoutons ce que W. Monod indique dans la revue du Christianisme social de juillet 1933 : « Sans que notre communauté en ait pris l’initiative ou en accepte la responsabilité effective, notre idéal a déjà inspiré des tentatives de réalisations concrètes, en ce qui regarde les maisons de repos, de retraite et de recueillement, que nous appelons de nos vœux fervents. » Et là nous pouvons penser à la retraite de Saint Germain en Laye où Antoinette Butte ouvrit avec d’autres une petite maison, lieu de prière et de ressourcement qui deviendra plus tard la communauté de Pomeyrol. De même la communauté de Grandchamp où les premières sœurs étaient Veilleuses, mais où la communauté se déploya dans les années après-guerre, en lien avec celui qui deviendra frère Roger de Taizé, qui fut lui-même fortement influencé par les Veilleurs.

Ainsi le « Tiers-Ordre » se développe avec ses novices et ses observants. Tout d’abord à Paris et sa proche région, puis à Genève où il y avait quelques Veilleurs, car la famille Monod du côté de Dorina, l’épouse de Wilfred, y avait des attaches familiales ; cela a permis un déploiement du premier groupe local. Le « Veillez » de janvier 1926 se fait l’écho de cette rencontre à Genève, en octobre 1925, chez Madame W. où l’un des sujets abordés était l’avenir du « Tiers-Ordre » à Genève.


Les directeurs du Tiers-Ordre :

Pour terminer… ce regard sur le passé, mais peut-on vraiment terminer… ? voici les noms des différents Directeurs du « Tiers Ordre » protestant « les Veilleurs », tous pasteurs :

W. Monod. En janvier 1933, dix ans après la création du « Tiers-Ordre », à l’âge de 66 ans, W. Monod annonce qu’il veut laisser ses responsabilités à un pasteur plus jeune. Voici ce qu’il écrit aux Veilleurs dans le bulletin d’avril 1933 : « Le dernier bulletin laissait entendre que le directeur actuel pensait à se décharger graduellement des responsabilités assumées par lui durant dix années. Sans faire étalage de ses émotions, il poursuit : « J’ajoute avec joie, et sans étonnement, que les membres de notre communauté se tournent avec une respectueuse et totale confiance vers celui qui prendra ma succession. Sa « Semaine du chrétien » a enrichi le trésor de l'Eglise universelle. Les Veilleurs le considèrent depuis longtemps comme un ami et un guide. Monsieur le pasteur Gabriel Bouttier, directeur du séminaire des futurs pasteurs à la faculté de théologie, partage donc avec moi dès maintenant et durant une période transitoire, la charge de la direction. Cela signifie qu'à partir d'aujourd'hui c'est à lui que s'adresseront les demandes d'affiliation. Il accueillera les novices, et prendra part à la présidence des assemblées en qualité de directeur adjoint. Il collaborera au bulletin ».

On pourrait dire que W. Monod devient un directeur d’honneur, tant la charge principale en revient au pasteur Gabriel Bouttier, qui a été le père du professeur de NT, Michel Bouttier.

Puis c’est le pasteur Georges Grosjean qui recevra vocation de directeur jusqu’en 1973.

Suivront les pasteurs Roger Belmont, Armand Lopez, Daniel Bourguet, votre petite servante Claude Caux-Berthoud, depuis 2012, et puis notre futur prieur le pasteur Patrick Aublet, qui sera reconnu dans son prieurat demain dimanche au cours du culte.


Petite transition :

Je vous invite à lire le dernier livre de Laurent Gagnebin : « W. Monod. Pour un évangile intégral », aux éditions Olivétan. Vous pourrez aussi vous référer à tous les bulletins de Veilleurs depuis le premier numéro jusqu’à janvier 2023, accessibles sur internet par le biais de notre site. Vous pourrez également, vous procurer le dernier N° de Foi et Vie entièrement consacré aux Veilleurs, avec plusieurs contributions dont celles des fils de Georges Grosjean (Pierre et Daniel), puis celle de Louis Schweitzer sur l’après Monod jusqu’à Daniel Bourguet.

Sur Théodore Monod, Veilleur et grand savant su XXième siècle, plusieurs livres ont été écrits par lui-même et par Nicole Vray.


Je m’arrête sur ce regard du passé en ayant bien conscience de l’avoir à peine effleuré tant il est riche et instructif sur bien des plans… et c’est certain, W.Monod pourrait encore marquer notre temps si on l’étudiait en faculté de Théologie. Pour les 500 ans de la Réforme en 2017 un magnifique ouvrage collectif a été édité chez Olivétan : « Les protestants 500 ans après la Réforme – Fidélité et Liberté. » Plusieurs portraits illustrent ce livre, malheureusement nous n'y trouvons pas celui de Wilfred Monod et c’est bien regrettable !


Regards sur l’aujourd’hui :

Au long des années à partir de la deuxième guerre mondiale, on constate une diminution du nombre des Veilleurs…Une vingtaine seulement restait. 126 en 1974 note Roger Belmont ; et 80 en 1982, avec un net vieillissement ; des Veilleurs âgés, ne pouvant plus se déplacer.

Le directeur Armand Lopez pense très sérieusement mettre un terme à la Fraternité des Veilleurs. Une consultation est proposée au petit groupe restant, lors d’une rencontre chez les diaconesses de Versailles, le 16 septembre 1989. Une dizaine de Veilleurs de France et de Suisse, décident de poursuivre l’aventure. C’est grâce au pasteur baptiste Louis Schweitzer, au professeur Jean Marc Daumas de la faculté libre de Théologie d’Aix en Provence, et à Daniel Bourguet, professeur à la faculté de théologie de Montpellier, que le mouvement reprend forme. On s’organise : responsabilité de la « Province » Nord avec Louis Schweitzer, et de la « Province » sud avec Daniel Bourguet et Jean-Marc Daumas. La Suisse détient déjà son organisation.

Daniel Bourguet sera reconnu comme prieur (et non directeur) en 1991. Son rayonnement, par son charisme, ses écrits, son enseignement, sa spiritualité attira de nouveaux membres. A partir de 2003 et jusqu’en 2020 son accueil et sa disponibilité aux Abeillères (Fraternité des Abeillères, association indépendante, aujourd’hui dissoute) permirent l’accompagnement de retraitants et la progression numérique des Veilleurs, ainsi que le développement d’une profondeur spirituelle toute monastique. En 2004 la Fraternité compte 200 membres. Dans ces années 2000, s’ajouteront à la Suisse, et aux « Provinces » Nord et Sud, les régions suivantes : Sud-Ouest, Ouest, le Bénélux, l’Est, Auvergne-Rhône-Alpes, ainsi que le Sud-Est. La plupart de ces régions ayant un responsable pasteur. En 2012, on dénombre 300 Veilleurs.


Aujourd’hui la Fraternité enregistre 435 Veilleurs répartis en France, Suisse, Belgique, ainsi que des Veilleurs français expatriés ou de nationalités diverses en nombre limité : Allemagne, Italie, Espagne, Etats-Unis, Canada, Brésil, Pérou, Australie. Ce qui est intéressant pour la plupart des Veilleurs étrangers, ce sont les 10 livres de Daniel Bourguet qui sont traduits en anglais.

Nous avons également des sympathisants qui reçoivent le bulletin, et qui sont accueillis dans nos rencontres et retraites. Ils sont environ 300.

Chaque année, les novices accueillis tournent autour de 20. Neuf personnes ont fait leur demande de noviciat, en ce premier trimestre 2023. Le noviciat étant ce temps d’expérimentation de la Règle, temps de discernement d’une à trois années, en lien avec un Veilleur plus ancien.


Voilà pour quelques données concrètes… mais est-ce le plus important ? Tout en restant modestes, il ne faudrait pas viser une extension numérique et géographique, au détriment d’une autre dimension : celle de l’approfondissement spirituel en Christ, celle de la vie intérieure, ainsi que l’unité de l’ensemble ; car plus on est nombreux, plus le risque est grand de se disperser, et de se tromper d’orientation, en oubliant ce lien de l’unité, la dynamique du rassemblement et la force de suivre ensemble une même Règle.

Nous pouvons aussi noter la provenance des Veilleurs d’églises chrétiennes de diverses confessions : le plus grand nombre vient de l’EPUDF, des églises de la Réforme ; mais nous comptons aussi quelques catholiques, orthodoxes, anglicans, évangéliques, baptistes, adventistes, et aussi parmi nous, une Veilleuse juive. C’est dans cette diversité que les Veilleurs s’éveillent à un christianisme spirituel sans débat théologique, ecclésiologique, ou dogmatique. Toute une ouverture qui porte la marque de l’œcuménisme.


Depuis 1973 l’appellation est : « Fraternité Spirituelle des Veilleurs », fraternité protestante. Nous ajoutons « à ouverture œcuménique », dans l’esprit du fondateur.

Pour ce changement de nom, voici ce qu’écrivait déjà W.Monod en 1925, dans le bulletin d’octobre, en parlant de la formule employée, « Tiers-Ordre » : « sans conteste, si les protestants découvrent un terme plus approprié pour formuler l'idéal de discipline adopté par les veilleurs ceux-ci accueilleront cette trouvaille avec reconnaissance ». Donc, depuis 1973 Fraternité Spirituelle des Veilleurs : cette appellation se voulant plus contemporaine, moins sujette à débats, et gardant un esprit monastique.


L’importance des retraites :

Chaque région organise une retraite annuelle, animée soit par le ou la prieure, soit par des intervenants venant de divers horizons et qui développent un point de spiritualité chrétienne, ou un message biblique dans l’esprit des Veilleurs. Faire retraite en silence, pour prendre le temps d’un cœur à cœur avec Dieu. C’est aussi faire silence en soi pour accueillir l’Esprit, pour être à l’écoute d’un enseignement. C’est prier en vérité.


Notre bulletin :

Un élément important dans la Fraternité, depuis Noël 1924, c’est la publication d’un bulletin trimestriel : « Veillez ». Ce bulletin n’a cessé de paraître, sauf pendant les années de guerre où la Suisse a pu prendre heureusement le relais. Ce bulletin n’a d’autre originalité que de traiter de questions relatives à la vie spirituelle, au développement de la vie intérieure, à son approfondissement discipliné par une Règle.

Ce bulletin a pour but d’unir ses lecteurs dans une communion fraternelle, de favoriser l’échange d’expériences par des témoignages, de permettre l’encouragement mutuel et l’intercession, de fortifier la foi en vue de la sanctification, afin d’être dans le monde, parmi d’autres, une présence priante et un reflet de Celui qui est la Lumière du monde. Un bulletin délivré largement, et qui rappelle aux Veilleurs qu’ils sont des Chrétiens qui désirent suivre l’injonction du Maître : « Veillez et priez », qui rappelle encore qu’être Veilleur n’est pas un état mais une dynamique ; et que Veilleur, il s’agit de toujours le devenir.

L’Organisation administrative de la Fraternité Spirituelle des Veilleurs :

C’est en 2010 que la « Fraternité Spirituelle des Veilleurs » entre à la FPF (Fédération Protestante de France) par le biais de l’AGV (Association de Gestion des Veilleurs). Elle regroupe les responsables des différentes régions de France, Belgique et Suisse, qui constituent le « Conseil des Veilleurs ».

La particularité de notre Fraternité est d’être une association « de fait », non soumise à une organisation élective. Cette particularité ouvre à plus d’écoute, de dialogue, de recherche d’unité, de liberté, de simplicité dans un service ; elle reste libre de toute organisation administrative dépendante de l’Etat où de l’Eglise. La prieure (ou le prieur) assume la direction de la Fraternité, et adresse vocation à son successeur, en communion avec son Conseil.

Cela dit, « l’Association de Gestion des Veilleurs » reconnaît son lieu ecclésial dans la FPF et fait partie du DRC, « Dialogues, Recherches ou Rencontres Communautaires ».



Le DRC (de la FPF) réunit donc des Communautés, Communions, Fraternités, dans toutes leurs diversités (origine et orientations). Elles ont en commun d’être des lieux de consécration personnelle et communautaire, où nous retrouvons la prière personnelle et communautaire, l’écoute de la Parole, l’engagement dans l’Eglise et le monde, le service du prochain et le désir d’unité dans l’ouverture œcuménique.

Le but du DRC : permettre chaque année un temps de rencontre qui manifeste l’unité au sein de la FPF. C’est aussi un temps de réflexion, de recherche commune, pour contribuer à l’affermissement d’une vocation, à l’enracinement et au rayonnement dans les Eglises et dans le monde. Le DRC est aussi un lieu d’intercession et de soutien mutuel. Actuellement, sœur Christiane de la communauté de Pomeyrol en assure la présidence. Je tiens à remercier les personnes des diverses communautés qui nous ont rejoints ce matin, et qui font partie du DRC.



Quelle est la visée de notre Fraternité ?


Une Fraternité spirituelle qui veut prendre au sérieux les promesses du baptême et les engagements qui en découlent, pour que chaque Veilleur marche de progrès en progrès dans l’amour, la connaissance de Dieu et de sa parole, dans l’amour et le service du prochain, dans la sanctification, jusqu’à atteindre la pleine stature du Christ. Pour gagner Christ.


Une Fraternité spirituelle qui par la grâce de l’Esprit Saint et pour un rayonnement spirituel, vise l’accord entre la foi et les actes, l’accord entre le cœur priant et la vie quotidienne, entre la vie spirituelle et l’engagement social.


Une Fraternité de Veilleurs, des frères et des sœurs dispersés mais solidaires, qui tirent leur force de leur union-communion en Dieu, et de leur application à suivre une Règle commune. Cette Règle simple, souple et sommaire, à vivre idéalement sans légalisme et sans orgueil spirituel mais avec humilité et dans un esprit de liberté.


Une Fraternité spirituelle pour cultiver la vie intérieure, la présence de Dieu, et le silence, afin d’être pour nous-mêmes et nos contemporains, dans nos paroisses et dans le monde, une présence priante parmi d’autres ; et pour être un témoin discret du Dieu qui aime l’homme, et qui nous invite à l’aimer.

Une Fraternité de Veilleurs résistant au joug d’une société de l’intérêt, du tout économique, résistant au joug d’un monde mensonger, violent, virtuel et des faux besoins, résistant au joug de la désespérance, pour ne porter que le joug du Christ. Se dégager de ce qui occulte l’essentiel des principes évangéliques, principes que Jésus a énoncés dans les Béatitudes, et tels que l’apôtre Paul les a définis dans 1 Corinthiens 13 : l’Hymne à l’Amour.


Une Fraternité de Veilleurs s’engageant au renoncement volontaire pour une vie simple, pour une vie sainte, à la suite d’un Pierre Valdo, d’un François d’Assise, et suivant l’exemple de tant d’autres témoins : Une nuée ! (En référence au livre de W. Monod ; « Une nuée de témoins »)


Une Fraternité de Veilleurs participant à la vie des paroisses. W. Monod tenait à cet engagement par lequel chacun témoigne que la Fraternité ne se substitue pas à l’Eglise.

Enfin une Fraternité protestante à ouverture œcuménique, heureuse d’accueillir en son sein des membres d’autres confessions chrétiennes.

Donc une Fraternité ouverte, théologiquement indépendante, libre intellectuellement, dans laquelle chaque Veilleur en son nom propre et avec sa foi, pourra ici, dans sa famille, dans sa paroisse, dans son lieu de vie et dans le monde, s’exprimer et agir selon sa conscience, dans le respect de tous ; et en faisant rayonner discrètement l’esprit de la Fraternité selon les Béatitudes, tout en restant « discret, sans être secret ».

Tout un idéal, jamais pleinement réalisé mais toujours à replacer sur l’enclume, dans le feu de la prière et de l’action pour que le Seigneur Règne. « Prie et travaille pour qu’Il règne » !


Regards sur l’avenir : (Regard assez limité ! Je serai brève)


La Fraternité Spirituelle des Veilleurs fête donc ses 100 ans d’existence en 2023.

100 ans… et toujours trois mots inscrits dans le cœur de chacun en guise de salutation : Joie, Simplicité, Miséricorde. Dans le bulletin de juillet 1927 voici ce que W. Monod écrit : « Voilà notre mot de passe, notre précieux talisman, le secret que nous transportons partout dans notre âme : mutuelle salutation des Veilleurs qui se rencontrent… « Joie, Simplicité, Miséricorde », c’est notre trèfle mystique, la symbolique devise dans laquelle se condensent les Béatitudes. »

En février 1924, dans la revue du Christianisme social, W. Monod après avoir exposé l’idéal du « Tiers-Ordre » qu’il nomme aussi Fraternité ou Confrérie ou même Communauté des Veilleurs, écrit : « L’avenir montrera ce que vaut la tentative » !

Dans le N° 2 du bulletin des Veilleurs de mars 1925, Théodore Monod fait une analyse de ce qui est publié sur le « Tiers-ordre » dans différentes revues. On y découvre certes des réactions sympathiques et amicales mais aussi des reproches et des critiques : mysticisme catholicisant ; dispersion des forces protestantes ; inutilité de créer une œuvre nouvelle ; absence d’autorité dogmatique. Certains prédisent que le « Tiers-Ordre » disparaîtra rapidement !

Puis dans le bulletin des Veilleurs d’octobre 1927, voici ce que W. Monod écrit : « L’entreprise des Veilleurs est un germe qui renferme un grand arbre ». Il soulignait par ce germe, la nécessité d’un Réveil et d’une Réforme pour la sanctification, le progrès spirituel en communion avec l’Eglise Universelle. N’est-ce pas encore d’actualité ?

L’arbre s’est développé ! Saurons-nous encore nourrir ses racines pour qu’il développe ses branches et produise des fruits ? Ce grand arbre n’est pas isolé. Il fait partie d’un ensemble. L’arbre a de multiples branches, de multiples visages. N’oublions pas qu’il est d’abord humus. Et dans le terreau de l’humilité il a besoin des autres pour être, et vivre, et se développer.


L’avenir…

Il devrait rester pour tous les chrétiens, un désir de Dieu, une quête, et un engagement.  Pour la Fraternité et pour chaque Veilleur le programme est celui de marcher à la suite du Christ dans l’esprit du Sermon sur la Montagne et plus particulièrement dans l’esprit des Béatitudes, ainsi qu’en s’imprégnant de l’Hymne à l’Amour de 1 Cor 13.

Wilfred Monod avait ce désir de réunir des chrétiens qui conforment leur vie au Sermon sur la Montagne, à la suite du Christ, selon son exemple. Tout un programme qu’il résume en trois mots qui concentrent l’esprit des Béatitudes : Joie, Simplicité, Miséricorde.

La JOIE, symbolise l’hésychasme, la paix intérieure, la liberté, la poésie, la confiance, la certitude. Elle rayonne d’un cœur unifié.

La SIMPLICITE, apaise, dépouille et allège. Elle est l’effort soutenu et tranquille vers la simplification de l’existence dans les domaines les plus divers.

La MISERICORDE, c’est un cœur qui pardonne et qui vise à unir les hommes. C’est encore un cœur ouvert à la compassion, qui s’engage pour une vie fraternelle, dans une dimension œcuménique, universelle.

Tout un programme : celui d’hier, d’aujourd’hui, et pour demain…En Christ.


Mais cela ne nous dit pas grand-chose sur l’avenir de la Fraternité… Alors n’oublions pas que nous ne sommes pas seuls ! Nous sommes entourés de nombreux témoins de l’Evangile, dans des Communautés et Eglises diverses, et nous avons ensemble des richesses à partager et à faire fructifier. Nous vivons d’une communion, d’une ouverture à l’Eglise Universelle. Nous vivons également dans un monde, une société qui est la nôtre et qu’il faut interpréter, écouter, entendre, pour savoir répondre, dans la mesure de notre vocation, aux besoins exprimés, où parfois silencieux.

Pour terminer, deux mots importants pour ce regard sur l’avenir ; non seulement celui de la Fraternité des Veilleurs, mais celui de toutes celles et ceux qui désirent en ce monde être un reflet de Celui qui est la Lumière du monde, Lumière sans déclin. Deux mots, donc : Promesse et Espérance.


L’avenir vit d’une promesse :

Celle du Dieu d’amour qui s’est engagé pour chacun, chacune de nous. Celle du Christ présent avec nous tous les jours, jusqu’à la fin du monde. Celle de l’Esprit Saint qui dynamise l’élan de vie car il renouvelle, enseigne et sanctifie.

Ces promesses nourrissent notre engagement individuel et communautaire. Engagement dans la confiance, la détermination, le courage (de la discipline quotidienne par exemple), et la résistance face à tout ce qui pourrait nous faire chavirer dans ce monde en désordre, agité de turbulences. Résistance pour tout ce qui pourrait étouffer la vie intérieure. Tout ce qui pourrait brouiller le silence et la communion en Dieu. C’est par ce que Dieu promet que nous pouvons nous engager courageusement dans la confiance.


Le deuxième mot que j’ai choisi : Espérance.

L’Espérance n’ignore pas le découragement et l’échec. Elle regarde plus loin que l’obstacle. Elle confesse que tout est dans les mains de Dieu, car il a préparé pour nous, « ce que l’œil ne voit pas encore, ce que l’oreille n’a pas entendu, ce qui n’a pas encore éclos dans les cœurs ». (1 Cor.2.9). L’Espérance confesse que chacune, chacun, est en chemin vers les sources de la vie, par Christ, qui est le chemin. Qui emprunte ce chemin, sera conduit dans la lumière.

Voici ce que disait Théodore Monod dans son dictionnaire au mot « Evangile », édition du Cherche Midi. Je cite : « Chaque jour je récite les Béatitudes, comme on rêve à une utopie, si on définit l’utopie non pas comme « l’irréalisable », mais comme ce qui n’est pas advenu ». Ne pourrait-on pas dire la même chose de l’Espérance qui réclame une réalisation ?

Ainsi portée en Dieu, l’Espérance sera toujours, avec nos contemporains, avec les sœurs et frères, un chemin à poursuivre, une mer à traverser, un champ à cultiver, une moisson à récolter, un amour à partager.  


Pour conclure dans l’Espérance :

L’Espérance n’est pas statique. Elle est mouvement. Elle rythme nos pas… mais quel est l’Ami qui s’avance, qui nous rencontre, et fait route avec nous ?

Celui qui EST… qui ETAIT… et qui SERA… Il vient !

« Laus Deo » !

Je vous remercie pour votre présence et pour votre écoute.

Pasteure Claude Caux-Berthoud,

Prieure de la Fraternité Spirituelle des Veilleurs. Samedi 25 mars 2023. Oratoire du Louvre.