El Mégano

Un court métrage qui dénonçait les conditions de vie des charbonniers

En 1955, pendant la dictature de Batista, des jeunes cinéastes cubains dénoncèrent les conditions de vie inhumaines des charbonniers installés dans les marais du sud de l’île, grâce à un court métrage de 20 minutes inspiré du néoréalisme italien.

Le film fut tourné en 16 mm avec des moyens rudimentaires et le producteur mexicain, Manuel Barbachano Ponce, amis des jeunes cinéastes, leur offrit la sonorisation du film (dialogues, bruitages plus la musique de Juan Blanco) ajoutée en cachette dans les locaux de la radio CMQ.

C’est ainsi qu'une équipe dirigée par Julio García Espinosa avec la collaboration de Tomás Gutiérrez Alea, voyagea toutes les fins de semaine, pendant plusieurs mois, pour filmer un groupe d’hommes et de femmes qui travaillaient laborieusement pour recevoir une paie misérable qui ne leur permettait pas de nourrir leurs familles.

Alfredo Guevara et José Massip étaient en charge du scénario tandis que Jorge Haydú était le directeur de la photographie.


Julio Garcia Espinosa

Ces hommes et ces femmes arrachaient de la boue des marais des troncs d’arbres qui avaient poussé là des milliers d’années auparavant. Ce bois était ensuite installé en tas pour former une meule recouverte de feuilles et de terre. Il était carbonisé en absence d’oxygène afin d’être transformé en charbon de bois.

Les morceaux ainsi obtenus étaient mis dans des sacs et vendus à un riche propriétaire représenté par son contremaître qui les payait à un prix dérisoire.


Les familles des charbonniers devaient acheter leur nourriture et les objets dont ils avaient besoin dans une boutique appartenant au propriétaire. Lors de la vente du charbon, on déduisait de la somme à recevoir les achats faits dans la boutique. Dans le film, un des charbonniers reçoit un papier sur lequel il est indiqué qu’il doit encore de l’argent à la boutique et qu’il ne recevra donc rien.

Il faut noter le contraste entre la famille aisée qui passe en barque pour aller chasser et la famille des charbonniers. Ceux-ci sont exploités férocement, mais saluent poliment lorsque la barque passe au début du film.

Vers la fin du film, les charbonniers n’en peuvent plus de l’exploitation. La révolte allait éclater quand le feu s’emballe dans la meule où s’élabore le charbon de bois. Il faut sauver ce qui peut être sauvé, mais la coupe est pleine. L’épouse ne rend pas le salut à la famille aisée qui repasse et le père écrase le papier dans sa main, symbolisant ainsi la révolte à venir.

Le film fut projeté pour la première fois dans l’amphithéâtre Varona de l’Université de La Havane le 8 novembre 1955 à 21 heures. Le jour suivant, la police de Batista a saisi un négatif du film, mais l’autre négatif est resté à l’abri.

Le public cubain ne pourra voir ce film qu’après la Révolution de 1959 et c’est d’ailleurs avec les charbonniers de la Cienaga de Zapata que Fidel Castro ira passer le réveillon de Noël de cette année là.



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