J3 : Jeudi 16 octobre 2025
Encore une nouveauté au programme ce matin : la gorge d’Agion Panton (que l’on trouve aussi sous les dénominations de Agioi (ou Agii) Pantes (ou Pandes). C’est un itinéraire qui ne figure pas dans le guide Rother mais qui est référencé par le Geopark de Sitia. Pour rappel, un Geopark est une aire naturelle protégée possédant avant tout des attraits géologiques mais devant également offrir des intérêts écologique, archéologique, historique ou culturel. C’est pour tous ces atouts-là que la région de Sitia a reçu ce label attribué par l’UNESCO en 2015. A ce titre, elle a mis en place une vingtaine de géoroutes la plupart pédestres, balisées et équipées de panneaux d’information afin de faire connaître toutes les richesses de son territoire. La gorge d’Agion Panton constitue la Georoute 16.
Nous nous sommes basés sur une trace GPS publiée sur Wikiloc.
Comme nous ne sommes pas sûrs de faire la traversée complète de la gorge, nous avons choisi de la franchir dans le sens aval/amont afin de commencer par la montée et de pouvoir faire demi-tour à tout moment.
Dans ce cas, le point de départ aval est situé à 10 kilomètres à l’ouest de Sitia, sur la jolie petite route qui conduit au monastère de Faneromini (voie bitumée jusque-là). Un arrêt photo s’impose en arrivant près de la mer. Dans la lumière matinale, c’est un plaisir d’immortaliser les collines blanches et rocailleuses à la végétation rase, le ruban d’asphalte qui s’enroule autour d’elles jusqu’au cap qui tel un doigt tendu se détache à l’arrière-plan.
La Géoroute 16 commence officiellement devant la plage d’Agion Panton, mais comme le début de l’itinéraire suit une voie asphaltée, nous décidons de nous avancer davantage en voiture. La route passe alors au pied de formations rocheuses remarquables résultant de l’érosion des calcaires du Miocène, créant des formes spectaculaires aux allures de pleurotes géantes.
A 9 heures, nous nous garons devant la petite chapelle d’Agion Panton (= chapelle de Tous les Saints) qui a donné son nom à la gorge. Déjà 500 mètres de gagné, c’est toujours ça de pris !
A partir de là, nous continuons à pied, mais pas avant d’avoir fait quelques observations botaniques aux abords de la chapelle riches en platanes, oliviers et caroubiers.
Olivier
Fleurs de...
... Caroubiers
Après la chapelle, c’est par une large piste que nous longeons d’abord une vaste zone humide. Nous sommes en effet dans l’estuaire de la rivière Skafidara qui a creusé cette gorge. C’est un cours d’eau étroit et saisonnier qui, à cette époque de l’année, est quasiment à sec en dehors de quelques trous d’eau. Malgré le peu d’eau visible, roseaux et massettes se sont développés à foison.
Les habitants des alentours ont eux aussi su tirer parti du cours d’eau ainsi que de différentes sources présentes dans la gorge. Ils ont planté dans ces lieux des arbres fruitiers (figuiers, grenadiers, bananiers, vignes) et y cultivent des potagers. La piste carrossable facilite l’accès à leurs cultures. Sans doute les oiseaux sont-ils également friands de toutes ces bonnes choses, ce qui explique la présence d’un épouvantail et même le déclenchement d’un effaroucheur sonore à notre passage.
Nous progressons à vive allure dans cette première partie, ce qui nous fait penser qu’à ce rythme-là nous devrions boucler notre itinéraire haut la main. Mais c’était parler un peu trop vite ! Au bout de la zone cultivée, le sentier emprunte le lit de la rivière et disparaît presque complètement entre rochers et broussailles. Ah ! Comme je regrette de ne pas avoir pris mes rallonges de pantalon ! Heureusement le balisage sous forme de flèches peintes en rouge est très efficace.
Lit de la rivière dans la végétation
Nous poursuivons avec détermination en espérant que ce passage délicat sera de courte durée. Nous débouchons peu après à la lisière d’une oliveraie où le propriétaire, occupé à couper le bois mort de ses arbres à la tronçonneuse, ne nous voit même pas passer.
Cahin-caha, en zigzagant entre les rochers et en tentant d’éviter les égratignures, nous continuons ainsi pendant trois quarts d’heure en prenant soin de bien refermer le portail de plusieurs parcelles clôturées consécutives.
Au bout de deux kilomètres (depuis la chapelle), nous atteignons une cavité sous roche que nous prenons pour un refuge troglodyte mais où se trouve en réalité une source, à sec en cette saison, Xosti Brisi comme indiqué sur la pancarte. La présence d’une conduite d’eau, d’un petit bassin maçonné et d’un tuyau d’irrigation aurait pu nous mettre sur la voie.
Nous passons ensuite à plusieurs reprises d’une rive à l’autre de la rivière sans perdre de vue les falaises joliment ciselées qui l’encadrent. Au pied de l’une d’entre elles, il s’est formé comme une petite plage de sable due au surcreusement de la rivière.
Ces parois de calcaire sont si friables que nous ne sommes pas vraiment étonnés de trouver un peu plus loin une zone d’éboulement que nous traversons prudemment.
Après un dernier portail dont nous avons un peu de mal à trouver le verrou, nous nous hissons en dehors du lit de la rivière avant de croiser un panneau indiquant l’emplacement d’une grotte.
Cette cavité a joué un rôle important dans la résistance contre l’occupant en 1942. Au risque de leur vie et de celles de leurs concitoyens, des habitants de Skopi (le village voisin) avaient réussi à subtiliser aux Allemands une mitrailleuse lourde et des munitions et les avaient cachées dans la grotte. Difficile d’accès, la visite du lieu est réservée aux grimpeurs confirmés.
Nous passons par conséquent notre chemin, un chemin qui nous mène à travers des oliveraies jusqu’à la sortie de la gorge. Là un abri tombe à point pour nous reposer après ces deux heures de marche. Le panneau de la Géoroute confirme que nous avons atteint l’entrée amont qu’on peut aussi rallier en voiture depuis la petite localité de Skopi à deux kilomètres.
Il ne nous reste plus qu’à revenir sur nos pas. La montée ayant été relativement limitée (D+ 140 m), il nous faudra à nouveau deux bonnes heures pour le retour. Comme nous évoluons néanmoins en terrain connu, cela nous laisse le loisir de nous intéresser à quelques détails botaniques, géologiques et zoologiques.
Botaniques d’abord avec cette plante, Ecballium elaterium ou concombre d’âne, l’une des rares cucurbitacées sauvages présentes en Europe. Aussi appelé concombre gicleur ou pisseur, il disperse ses graines jusqu’à dix mètres de distance en faisant littéralement exploser ses fruits. Or la pulpe du fruit est un purgatif puissant et le jus qui s’en échappe est irritant pour la peau et les muqueuses, en particulier les yeux. Nous avons donc bien fait de ne pas les toucher. 😱
Concombre d’âne
Géologiques ensuite, quand l’œil aiguisé d’Hervé tombe sur des roches renfermant des fossiles marins, ici des bivalves. D’ailleurs, la gorge est connue pour renfermer de telles curiosités.
Fossiles...
... marins
Zoologiques enfin, avec ces drôles de petits escargots de type Siciliaria, des mollusques gastéropodes pulmonés terrestres qui possèdent un clausilium càd un opercule.
Escargots...
... de type Siciliara
C’est par ces intéressantes découvertes que nous terminons notre randonnée au bout de 4 heures aller/retour avec un dénivelé modeste mais à l’issue d’un parcours de 10 kilomètres par moments un peu chaotique. Même si cette gorge est loin d’être la plus belle de l’Est crétois, elle se distingue par la singularité de ses formations rocheuses et des curiosités géologiques et zoologiques auxquelles nous ne nous attendions pas. Nous n’avons rencontré personne ni à l’aller ni au retour.
Pour le déjeuner, nous revenons à la villa pour le prendre sur notre terrasse avant de nous accorder un moment de repos. Il fait très beau avec 22 degrés en ce début d’après-midi.
Pour la suite, nous prévoyons une baignade, mais où ? J’ai d’abord suggéré Hiona Beach que nous avons déjà expérimentée en 2022. Mais pourquoi ne pas nous laisser tenter par une nouveauté ? Ce matin, depuis la route menant vers la gorge d’Agion Panton, nous avions repéré une crique qui nous paraissait attrayante, Platani Beach.
Platani Beach aperçue depuis la route
Finalement, en arrivant sur place, la mer étant un peu plus agitée que ce matin, nous ne nous voyons pas nous mettre à l’eau à cet endroit d’autant qu’il n’y a pas d’autres baigneurs sur les lieux. En revanche, des locaux rassemblés autour d’un feu nous hèlent du fin fond de la plage. En nous approchant, nous comprenons qu’il s’agit de bouilleurs de cru en train de fabriquer leur raki. Ils nous en proposent une rasade. Aïe, c’est fort ! Alors, ils nous offrent un quartier de grenade pour « éteindre l’incendie » 😉 avant de nous souhaiter bonne route. L’accueil crétois n’est pas qu’une légende !
A défaut de pouvoir nous baigner, nous poussons jusqu’au monastère de Faneromini tout proche. Il n’y a plus de moines occupant actuellement ce sanctuaire datant du XVe siècle. Cependant le 15 août de chaque année les pèlerins viennent en nombre pour s’y recueillir. Depuis la terrasse, on jouit en prime d’une magnifique vue sur la baie.
Monastère de Faneromini
En direction du cap (celui qui ressemble à un doigt tendu), il y a d’autres plages et criques mais à partir de l’intersection menant au monastère la route asphaltée devient une piste. Avec notre voiture de location, nous n’osons pas poursuivre. C’est pourquoi, pour la baignade, nous nous rabattons tout simplement sur notre piscine 😊.