Kaija Saariaho, Tag des Jahrs
Helsinki, Finlande, 2002
Helsinki, Finlande, 2002
Sur des textes de Friedrich Hölderlin. « Familière des derniers poèmes d’Hölderlin depuis quelque temps déjà, j’en avais utilisé certains pour quelques petites œuvres. L’idée de Tag des Jahrs m’est venue lorsque, il y a quelques années, une personne qui m’était très chère subit une hémorragie cérébrale et acquit alors une nouvelle logique (ou plutôt connut une perte de logique) : elle n’avait plus aucune notion de temps ni d’espace. Ainsi, je ne sais pas ce qui est arrivé à Hölderlin pour qu’il signe ses poèmes sous des dates, des décades et même des siècles différents de ceux où il vivait et sous le pseudonyme de Scardanelli. J’ai néanmoins acquis une nouvelle vision de ces poèmes que j’ai ressentis comme des visions ou des instants vécus dans le clignement d’un œil et qui s’évanouissent dans de nouveaux et intenses moments. Le texte demande un traitement choral archaïque. Je voulais également développer le monde sonore en direction de la nature si présente dans ces poèmes. Ainsi le matériel sonore n’est pas seulement constitué de voix humaines, mais également de bruits d’oiseaux, de vent et d’autres sons de la nature. La partie électronique a été réalisée pendant l’été 2001 au centre Civitella Ranieri en Italie avec Jean-Baptiste Barrière. »
Le travail de Kaija Saariaho s’inscrit dans la lignée spectrale avec, au cœur de son langage depuis les années quatre-vingt, l’exploration du principe d’« axe timbral », où « une texture bruitée et grenue serait assimilable à la dissonance, alors qu’une texture lisse et limpide correspondrait à la consonance ». Son parcours est jalonné de très nombreux prix. Les années 80 marquent l’affirmation de son style, fondé sur des transformations progressives du matériau sonore. La composition de son opéra l’Amour de loin signe une nouvelle étape où les principes issus du spectralisme se doublent d’un lyrisme nouveau. Elle composera ensuite de nombreuses pièces orchestrales, et de nombreuses pièces vocales, dont 5 opéras au XXIe siècle.
DER FRÜHLING
Wenn neu das Licht der Erde sich gezeiget,
Von Frühlingsregen glänzt das grüne Thal und munter
Der Blüthen Weiß am hellen Strom hinunter,
Nachdem ein heitrer Tag zu Menschen sich geneiget.
Die Sichtbarkeit gewinnt von hellen Unterschieden,
Der Frühlingshimmel weilt mit seinem Frieden,
Daß ungestört der Mensch des Jahres Reiz betrachtet,
Und auf Vollkommenheit des Lebens achtet.
d. 15. Merz 1842
LE PRINTEMPS
Quand la lumière de la terre se montre à nouveau,
La vallée verte scintille sous la pluie printanière et joyeux
Le blanc des fleurs descend le long du ruisseau éclatant,
Après qu'un jour clair se soit penché vers les hommes.
La visibilité gagne en distinctions claires,
Le ciel printanier demeure avec sa paix,
Afin que l'homme contemple sans être dérangé les charmes de l'année,
Et prête attention à la perfection de la vie.
Le 15 mars 1842
DER SOMMER
Die Tage gehn vorbei mit sanffter Lüffte Rauschen,
Wenn mit der Wolke sie der Felder Pracht vertauschen,
Des Thales Ende trifft der Berge Dämmerungen,
Dort, wo des Stromes Wellen sich hinabgeschlungen.
Der Wälder Schatten sieht umhergebreitet,
Wo auch der Bach entfernt hinuntergleitet,
Und sichtbar ist der Ferne Bild in Stunden,
Wenn sich der Mensch zu diesem Sinn gefunden.
d. 24. Mai 1758
L'ÉTÉ
Les jours passent avec le bruissement doux des brises,
Quand ils échangent leur splendeur champêtre contre les nuages,
L'extrémité de la vallée rencontre les crépuscules des montagnes,
Là où les vagues du ruisseau se déversent.
L'ombre des forêts s'étend tout autour,
Où aussi le ruisseau glisse doucement,
Et l'image lointaine est visible pendant les heures,
Quand l'homme se trouve dans cet esprit.
Le 24 mai 1758
DER HERBST
Das Glänzen der Natur ist höheres Erscheinen,
Wo sich der Tag mit vielen Freuden endet,
Es ist das Jahr, das sich mit Pracht vollendet,
Wo Früchte sich mit frohem Glanz vereinen.
Das Erdenrund ist so geschmükt, und selten lärmet
Der Schall durchs offne Feld, die Sonne wärmet
Den Tag des Herbstes mild, die Felder stehen
Als eine Aussicht weit, die Lüffte wehen.
Die Zweig’ und Äste durch mit frohem Rauschen,
Wenn schon mit Leere sich die Felder dann vertauschen,
Der ganze Sinn des hellen Bildes lebet
Als wie ein Bild, das goldne Pracht umschwebet.
d. 15ten Nov. 1759
L'AUTOMNE
Le scintillement de la nature est une apparition supérieure,
Où le jour se termine avec de nombreuses joies,
C'est l'année qui se termine avec splendeur,
Où les fruits se réunissent avec une joie éclatante.
La rondeur de la terre est si ornée, et rarement résonne
Le son à travers le champ ouvert, le soleil réchauffe
Le jour d'automne doucement, les champs se dressent
Comme une vaste vue, les brises soufflent.
Les branches et les rameaux bruissent joyeusement,
Quand déjà les champs s'échangent contre le vide,
Tout le sens de l'image brillante vit
Comme une image entourée de splendeur dorée.
Le 15 novembre 1759
DER WINTER
Wenn sich der Tag des Jahrs hinabgeneiget
Und rings das Feld mit den Gebirgen schweiget,
So glänzt das Blau des Himmels an den Tagen,
Die wie Gestirn in heitrer Höhe ragen.
Der Wechsel und die Pracht ist minder umgebreitet,
Dort, wo ein Strom hinab mit Eile gleitet,
Der Ruhe Geist ist aber in den Stunden
Der prächtigen Natur mit Tiefigkeit verbunden.
d. 24. Januar 1743
L'HIVER
Quand le jour de l'année décline
Et que tout autour les champs avec les montagnes se taisent,
Alors le bleu du ciel brille durant les jours,
Qui comme des étoiles se dressent dans la hauteur sereine.
Le changement et la splendeur sont moins répandus,
Là où un ruisseau glisse rapidement,
L'esprit de tranquillité est cependant lié aux heures
De la nature splendide avec profondeur.
Le 24 janvier 1743