Il était une fois... un rêve de voyage polaire, partagé par un père et sa fille....
Ça faisait des années que je rêvais de découvrir cet archipel situé à mi-chemin entre le Cap Nord et le Pôle Nord, sans vraiment y croire....
Trop rude pour une découverte en autonomie en kayak de mer ou à pied.
Pas envie non plus de me retrouver sur un gros bateau de croisière, trop frustrant pour moi, l'impression d'être au cinéma et pas dans la vraie vie...
Je m'étais bien renseignée pour une virée sur un voilier de charter mais ils ne voulaient pas d'enfants de moins de 15 ans....
Bref, le Svalbard végétait dans un coin de mon cerveau quand mon père, fin 2009, du haut de ses 71 ans, m'annonce tout de go qu'il va revendre son trimaran pour s'acheter un bateau plus costaud pour ...aller au Svalbard!!
En 2 secondes, c'est décidé! On va le rejoindre là-haut!
Tant pis pour le boulot! En effet, on a déjà acheté les billets d'avion pour un voyage en Alaska en août mais... on ne vit qu'une fois, mieux vaut tenir que courir, un tiens vaut mieux que deux tu l'auras, etc...etc...
Fred, lui, est coincé par son boulot, il tiendra compagnie aux chats! Et réciproquement. Le pauvre....
2 mois plus tard, en février, le Tri Eole a trouvé un nouveau capitaine et mon père ramène à Quiberon un solide Halberg Rassy 31 (10 m donc) qu'il a trouvé en Grande Bretagne. C'est un bateau très marin, fabriqué en Suède, amoureusement entretenu par ses anciens propriétaires.
Du coup, je prends des billets d'avion pour les enfants (Caroline 17 ans, Arnaud 15 ans et Marion 14 ans) et moi.
C'est superfacile d'aller au Svalbard depuis Nancy : vol Francfort-Oslo-Longyearbyen (6h tout compris, 427 euro/pers A/R)
C'est nettement plus compliqué d'y organiser un voyage en autonomie!
En effet, l'Archipel est gouverné par le Sysselmann (en l'occurrence une woman en ce moment, très sympa parait-il), nommé par la Couronne norvégienne. Compte-tenu du caractère sauvage de l'archipel, des aléas climatiques, de l'absence de routes, de la présence d'ours polaires, il faut montrer patte blanche avant d'y être admis si on voyage sans guide.
Il faut donc déposer plusieurs mois à l'avance auprès du Sysselman un dossier qui présente le parcours prévisionnel, détaille l'expérience du skipper, énumère les équipements de sécurité présents à bord (entre autres, un téléphone satellite, une balise de détresse et un fusil, obligatoire pour débarquer ailleurs qu'à proximité de Longyearbyen)
Il faut également souscrire à une assurance "frais de recherche et de secours" (pas donnée du tout!) ou alors déposer une caution bancaire pour financer d'éventuels secours.
Mon père se charge de toute cette partie administrative, ouf!
Il pousse même le zèle, lui qui a horreur des armes, à prendre des cours de tir dans un club local.
Il révise le bateau de fond en comble, change la grand-voile, ajoute une éolienne et divers bidules électroniques.
On profite de son passage imprévu à Nancy en avril (voir carnet de Lanzarote) pour faire un énorme ravitaillement dont il remplira les cales du bateau, histoire de limiter les achats au Spitzberg.
Il a beau avoir de la bouteille, je ne suis pas rassurée à l'idée de le voir naviguer en solitaire dans des zones potentiellement envahies par les glaces.
Après quelques échanges de mail (enthousiastes!) voici le plan:
Son copain Alain Denis qui est d'ailleurs déjà allé au Spitzberg en 2008 le rejoindra à Alesund en Norvège. Ainsi ils seront deux pour gérer les glaces, pas inhabituelles durant la traversée de Tromso au Spitzberg. Difficile en effet en solitaire de veiller nuit et jour pour parer les glaçons!
Ensuite nous prendrons le relai d'Alain pendant 15 jours pour une boucle à partir de Longyearbyen. Puis Thienan et François nous relaieront pour la redescente depuis Longyearbyen vers la Norvège jusqu'aux Lofoten.
Carte du Parcours
Puis c'est l'Attente du jour J, ponctuée par les échanges de messages avec mon père dont je suis la progression toujours plus au Nord.
Alors qu'ici les bourgeons s'épanouissent, que les oiseaux gazouillent, que les fleurs du printemps embaument, je guette la lente désintégration de la banquise tout là-haut...
Il y a quelques années, le fjord de Longyearbyen est resté gelé tout l'été : dans ces conditions, tout notre plan si bien ficelé tomberait « à l'eau ».
Un site norvégien permet de suivre l'évolution de la banquise.
Finalement, fin juin, il ne reste qu'un peu de glace à la pointe sud-ouest du Spitzberg : il « suffit » de la contourner et c'est gagné!