De la nécessité de la persévérance pour parvenir aux dernières Demeures et des combats que le démon livre aux âmes.
Les âmes qui entrent dans les secondes Demeures sont celles qui font oraison[1]. Elles retournent cependant souvent dans les premières Demeures parce qu'elles n'ont pas le courage de s'éloigner des occasions. Il y a là un sérieux péril mais c'est déjà une grande grâce de Dieu qu'à certains moments elles fuient les couleuvres et les autres reptiles venimeux et qu'elles se rendent compte que cette fuite leur est avantageuse.
Ces personnes souffrent plus que celles des premières Demeures mais elles sont moins exposées car elles connaissent les dangers. Elles sont muettes mais non sourdes alors que dans les premières Demeures, les personnes sont muettes et sourdes. Ici, les personnes entendent les appels du seigneur sous forme de paroles vertueuses, de sermons, de bonnes lectures, d'épreuves, de maladies ou encore, de vérités dont il nous instruit durant les moments de l'oraison.
Encore parmi les plaisirs et les séductions du monde, nous tombons souvent dans le péché car, au milieu de tant de bêtes venimeuses, ce serait merveille de ne pas trébucher. Malgré tout, notre bon Maître attache un grand prix à notre amour et à nos efforts pour nous relever et nous approcher de lui. Si peu ferventes que soient nos oraisons, Dieu en fait grand cas.
Dans cette Demeure, les démons font souffrir l'âme et les combats sont terribles. L'âme est partagée entre la mémoire des premières Demeures, et de ses faux biens, et la foi qui lui dicte de quel côté se trouve son véritable intérêt. Elle sait que Celui -Ci ne la quittera jamais, qu'Il est son meilleur ami, que le monde est plein de tromperies et que les plaisirs dont le démon lui fait étalement sont semés de chagrins, de soucis et de contradictions.
Et pourtant ! La recherche des vanités du monde est encore très proche. Si le démon reconnaît en une âme des dispositions particulières, il peut assembler l'enfer pour la faire sortir du château. Ah ! mon Maître ! Que votre assistance est ici nécessaire ! Quiconque en est là doit se lier à des personnes qui habitent les mêmes Demeures ou des Demeures plus élevées. Leur société est alors un grand secours.
Pour livrer bataille au démon soyez droit. Entrez dans la carrière sans penser aux consolations divines. Ces mannes du ciel sont dans les Demeures plus avant et ce serait une bien mauvaise manière d'entreprendre la construction d'un édifice si élevé. Ceux qui construisent sur le sable verront crouler leur bâtiment car ils n'en finiront point avec les dégoûts et les tentations.
L'unique ambition de celui qui commence à faire oraison doit être de travailler avec courage à rendre sa volonté conforme à celle de Dieu. C'est la perfection la plus haute qu'on puisse atteindre dans le chemin spirituel. Plus cette conformité est parfaite, plus on reçoit du Seigneur et plus on est avancé sur ce chemin.
Souvent le Seigneur veut que les mauvaises pensées nous poursuivent et nous tourmentent sans que nous puissions nous en défaire, ou bien ce sont des sécheresses. Quelquefois même, il permet que nous soyons mordus pour nous apprendre à mieux nous défendre et pour éprouver si nous avons un vif regret de l'avoir offensé. Si donc il nous arrive de tomber, ne perdons pas courage et avançons toujours. Dieu saura tirer le bien de notre chute même.
Quand bien même le combat qu'il nous faut soutenir pour rentrer dans le recueillement ne servirait qu'à nous convaincre de notre misère, ce serait déjà quelque chose.
Confions-vous à la miséricorde de Dieu et il nous conduira de Demeures en Demeures, jusque dans une région où les bêtes cruelles ne pourront plus nous atteindre ni nous fatiguer et où enfin, nous jouirons de beaucoup plus de biens que vous n'aurions pu en désirer et ce, dès cette vie.
Note de bas de page
[1] Oraison
L'oraison est un échange d'amitié où l'on s'entretient souvent seul à seul avec Dieu dont on sait qu'il nous aime. Thérèse d'Avila (Ma vie, chapitre VIII)
La prière n'est autre chose qu'une union avec Dieu. Quand on a le cœur pur et uni à Dieu, on sent un baume en soi, une douceur qui enivre... Mes enfants, disait-il, vous avez un petit coeur, mais la prière l’élargit et le rend capable d’aimer Dieu. Curé d'Ars