l'instrument de François Lesclop (XVIIIième siècle)

L’ORGUE DE SAINT-LOUIS-EN-L’ILE AU MILIEU DU XVIII° SIECLE

Par Norbert Dufourcq

[in : Recherches sur la Musique Française Classique - vol VI - 1966 - éd. Picard]


Montage photo : Robert Ranquet

Les études sur la facture d’orgues postérieures au siècle des lumières ont mis en évidence les travaux effectués par deux grandes dynasties : les Thierry, les Clicquot. D’autres artisans existent, qui ne portent pas le titre de facteurs d’orgues du roi, mais qui oeuvrent avec autant de conscience que de constance. Avec autant de bonheur ? Nous ne pouvons pas le dire, de même que nous ne pouvons pas porter de jugement ailleurs sur une tuyauterie sans doute vieille de plus de deux siècles, et qui, de génération en génération, a été révisée, retouchée, réharmonisée tous les trente ans. Tirer des conclusions de l’état présent de la tuyauterie de bien des orgues dites « anciennes » suppose une grande prudence…

L’orgue dont nous avons à parler n’existe plus. Félix Raugel nous apprend que l’organiste E.N. Miroir l’avait fait entièrement relever par F.H. Clicquot à la fin du XVIII° siècle : « mais au cours des années que dura la fermeture de l’église pendant l’époque révolutionnaire, cet orgue, qui était demeuré en place sur sa tribune jusqu’en 1795, disparut ».

Il aura donc subsisté un demi-siècle. Les délibérations capitulaires du 11 septembre 1744 nous révèlent l’intention des marguilliers de Saint-Louis : mettre au concours entre facteurs d’orgues, menuisiers, sculpteurs de réputation, la construction d’un bel instrument destiné à assurer une « plus grande décence du service divin ». L’orgue, est-il précisé, sera plus complet que celui dont on se sert. Nous ne savons rien de ce premier « serviteur ». L’église ayant été commencée par Le Vau dès 1664 avec une reprise active des travaux e 1702 à 1725 environ, dirigés par Leduc et Doucet, il est à supposer que la fabrique fit construire ou acquit sans plus attendre un orgue médiocre, de taille moyenne, avec positif pourtant, à une date que nous ignorons…

Les devis que nous publions nous apportent beaucoup, et pourtant nous laissent, quand à un point précis, sur notre soif.

Ils nous apportent beaucoup. François Henri Lesclop est fils de l’organier Henry Lesclop et d’Anne Enocq. Comme cette dernière est née du mariage d’Etienne Enocq et de Jacqueline Clicquot, il y fort lieu de croire que le sort a favorisé un artisan pour lequel les problèmes de la facture de l’orgue n’offrent point de secret. Il sera juré-comptable en 1746-1747 de la Communauté des maîtres faiseurs d’instruments de musique5. A travers lui revit la tradition d’Enocq et de Clicquot. Celle également de Thierry, avec lequel il travaille dès 1725 à l’orgue de Notre-Dame de paris. En 1734, il lui a été demandé de fournir le devis d’un orgue neuf pour la cathédrale de Tréguier : projet auquel renoncèrent les chanoines de cette cathédrale, devant l’imminence des guerres. Neuf ans plus tard, ils reviennent à la charge et obtiennent de Lesclop un marché nouveau (23 décembre 1744), que nous avons publié. Composition classique d’un orgue à quatre claviers manuels (50 notes) et pédalier (25 tuyaux), à peu près semblable à celle qu’il propose onze mois plus tard aux marguilliers de Saint Louis en l’Ile, et dont le lecteur trouvera ci-dessous la composition :

GRAND-ORGUE (50 touches) :

Montre 16Bourdon 16Trompette 8Montre 8Bourdon 8Clairon 4Prestant 4Nasard 5 1/3Doublette 2Dessus de CornetFourniture 5 r. (27 touches)Cymbale 5 r.Grosse Tierce 3 1/5Nasard 2 2/3Quarte de Nasard 2Tierce 1 3/5

POSITIF (50 touches)

Montre 8Bourdon 8TrompettePrestant 4Nasard 2 2/3CromorneDoublette 2Tierce Voix humaineFourniture 3 r. LarigotCymbale 3 r.

RECIT (27 touches)

Cornet Trompette

ECHO (27 touches)

Cornet

PEDALE (30 touches + 3 touches en ravalement)

Flûte 8Trompette 8 en ravalementFlûte 4Clairon 4

Le facteur demande deux ans pour terminer cet instrument, moyennant 7000 livres, l’ancien orgue et son buffet étant cédés à Lesclop (à l’exception du buffet de Positif et de quelques tuyaux de montre de ce clavier). Dès le 24 avril 1745, Lesclop avait démonté et enlevé le grand buffet ancien.

Si nous comparons cette composition à celle de Tréguier – pour nous faire une idée des constantes auxquelles obéit Lesclop dans le domaine de la facture --, nous remarquons que le facteur propose à Paris la même composition qu’à Tréguier à un jeu près : celui du gros Nasard, qui ne tiendrait pas dans le buffet plus réduit de la cathédrale bretonne. Mais à Paris, il prévoit des cymbales plus corsées, à 5 et 3 rangs. Il place la voix humaine au Positif, et non au Grand-Orgue ; il opte enfin pour un Pédalier de 33 notes (avec ravalement) allant du la grave au fa (au-dessous de la clé de sol)., alors qu’à Tréguier, le Pédalier, de 32 notes à ravalement, beaucoup plus grave, allait du fa grave à l’ut. A ces quelques détails près les deux instruments demeuraient identiques.

Les deux devis concernant la menuiserie et la sculpture – rendues plus vivantes par le dessin qui se trouve attaché à la minute notariale7 -- nous fournissent, outre un choix de détails savoureux imposés à celui qui avait à manier la gouge, une terminologie dont tous les termes peuvent êtres vérifiés, identifiés sur les dessins à la plume, ce qui n’est pas monnaie courante (le pied d’orgue = le soubassement : la bare = la grande poutrelle qui, à hauteur du sommier, vient barer tout le buffet ; les lambris, le bastis, les troffées, les cartels, etc.). Cet orgue, comme celui de Saint-Eloi de Rouen, devait avoir un soubassement orné ou flanqué, comme à la chapelle du château de Versailles, de deux palmiers soutenant les tourelles latérales.

Nous disions plus haut que, si pleins d’intérêt, ces devis nous laissaient quelque regret en ce sens qu’ils ne comportent ni l’un ni l’autre aucun détail technique sur l’ancien buffet du Positif. Il apparaît bien que celui-ci appartenait à un instrument plus ancien et que la boiserie -- bien conservée, comme toujours – fut avec raison maintenu en place par les marguilliers faisant ici une légère économie. Le sculpteur eut sans doute à habiller au goût du jour le buffet, qui pouvait remonter à une vingtaine d’années ; il repensa ses claires voies, son entablement et le cartel central aux armes de France.

Il est curieux de constater que de tout cet ensemble – Grand-Orgue et Positif – ne subsiste plus aujourd’hui8 que la base en saillie du petit buffet, elle-même « renouvelée » peut-être par le sculpteur Marchandeau, mais qui laisse deviner encore les culots des trois tourelles et les lignes cintrées des plates-faces. Au-dessous – c’est Rangel que nous citons --, « l’arcade offre en guise de clef une grande coquille accompagnée d’instruments de musique et de feuilles d’acanthe, dans le style rocaille : au centre de la coquille se détache la tête couronnée du Saint-Roi (Louis) [NDLR : en réalité, cette tête couronnée ne répond en rien aux représentations usuelles du Roi Louis IX : on serait plutôt enclin à y reconnaître le Roi David, barbu et entouré des instruments de musique qui sont son apanage habituel, et en revanche totalement étrangers à l'iconographie classique de Saint Louis] ; au-dessous, dans des nuages et des rayons, apparaissent deux têtes de chérubins »9. Faut-il reconnaître, en cet ouvrage, la main de Machandeau ? Seul témoignage de son passage à Saint-Louis-en-l’Ile ?

Pièces justificatives.

Arch. Nat., Min. centr. XII, 224 (Etude de Me Josset).

Délibérations de la fabrique St Louis en l’Isle : 1694-1792.

Du vendredi 11 septembre 1744

Le Président Ogier a dit qu’il conviendrait pour la plus grande décence du service divin et satisfaire des paroissiens d’avoir un orgue complet et plus étendu que celuy qui sert actuellement, que pour y parvenir, il s’est fait présenter un plan qu’il a communiqué à plusieurs facteurs d’orgues menuisiers et sculpteurs de réputation et experts dans leur art pour savoir d’eux ce que coûterait l’exécution dudit plan ; que les commissions qui lui ont ésté faites les moins coûteuses à la fabrique pour le prix des ouvrages dud. Nouvel orgue n’excèdent pas en e dans le buffet d’orgue servant actuellement la somme de 11 000 livres tant pour le facteur d’orgue qui se charge de payer la ferrure qui le concerne que pour le menuisier et le sculpteur, laquelle dépense ne sera pas onéreuse à a la fabrique, attendu qu’elle se prendra sur l’épargne des revenus dans la cour des termes…, que néanmoins la construction d’un orgue complet emportant avec soi une dépense considérable excédante l’objet de l’administration ordinaire, il a cru devoir convoquer la présente assemblée à l’effet de rendre compte de ce que dessus… Ogier a présenté le plan à ladite Compagnie qui l’ayant examiné l’a trouvé convenable et en conséquence la compagnie a arrêté que Mrs les marguilliers en charge seront… autorisés de faire exécuter ledit plan et à passer tous devis et marchés que besoin sera… moyennant le prix… qui n’excédera pas la somme de 11 000 l., outre ledit buffet de l’orgue actuel qui sera cédé…

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Ibid., XII, 454

1744 20 novembre

Devis et marché des ouvrages pour la construction d’un orgue de seize pieds pour l’église Saint Louis en l’Ile à Paris.

PREMIEREMENT AU GRAND ORGUE

Sera fait une montre d’étain d’Angleterre bien polie pour remplir la face du buffet conformément au dossier présenté lequel sera de cinq tourelles et quatre plattes faces dont la plus grande tourelle sera celle du milieu dont le plus gros tuyau sera cf ut fa de seize pieds.

Un jeu de seize pieds ouverts dont les basses seront mises dans la montre à la réserve des quatre plus gros tuyaux lesquels seront faits de bois de chêne de Hollande et seront bouchés et à l’égard des dessus qui ne pourront être en montre, ils seront les corps d’étain et les pieds d’étoffe.

Un jeu de huit pieds bouché sonnant seize dont les deux premières octaves des basses seront de bois de chêne de Hollande et les dessus seront les corps d’étain et les pieds d’étoffe.

Un jeu de huit pieds ouvert dont les basses seront prises dans la montre et les dessus seront les corps d’étain et les pieds d’étoffe.

Un jeu de bourdon dont la première octave des basses sera du bois de chêne de Hollande et les dessus seront d’étoffe et à cheminée.

Un jeu de double nasard dont les six plus gros tuyaux seront de bois de chêne de Hollande et le restant dudit jeu sera d’étoffe et à cheminée.

Un jeu de prestant dont les tuyaux seront les corps d’étain et les pieds d’étoffe.

Un jeu de grand Cornet de cinq tuyaux sur chaque touche, le tout d’étoffe, lequel commencera à la clef de C soit ut jusqu’au D la ré tout en haut, c’est à dire vingt sept touches.

Un jeu de double tierce dont la première octave des basses sera a cheminée et les dessus seront ouverts le tout d’étoffe.

Un jeu de quarte de nasard d’étoffe. Un jeu de doublette dont les tuyaux seront les corps d’étain et les pieds d’étoffe.

Un jeu de tierce d’étoffe. Un jeu de fourniture de cinq tuyaux sur marche, lesquels seront les corps d’étain et les pieds d’étoffe avec ses reprises ordinaires.

Un jeu de trompette dont les tuyaux seront les corps d’étain et les pieds d’étoffe garnis de leurs noyaux, hanches et languettes.

Un jeu de clairon dont les tuyaux seront les corps d’étain et les pieds d’étoffe garnis de leurs noyaux, hanches et languettes.

Sera fait des sommiers de grandeur convenable pou recevoir à leur aise les jeux mentionnés ci-dessus et garnis de leurs registres, chappes, soupapes et faux sommiers, le tout de bon bois de chêne de Hollande et sans aucun défaut.

POSITIF

Sera fait un jeu de huit pieds ouverts dont les basses seront prises dans la montre qui est actuellement à la réserve des quatre plus gros tuyaux, lesquels seront de bois de chesne d’Hollande et bouché, et les dessus qui ne pourront être en montre, ils seront les corps d’étain et les pieds d’étoffe.

Un jeu de bourdon dont la première octave des basses sera de bois de chesne d’Hollande et les dessus seront d’étoffe et à cheminée.

Un jeu de prestant dont les basses seront prises dans la montre et les dessus seront les corps d’étain et le pied d’étoffe.

Un jeu de nazard dont la première octave des basses sera à cheminée et les dessus seront ouverts le tout d’étoffe.

Un jeu de doublette dont les tuyaux seront les corps d’étain et les pieds d’étoffe.

Un jeu de tierce d’étoffe.

Un jeu de larigot d’étoffe.

Un jeu de fourniture de trois tuyaux sur marche lesquels seront les corps d’étain et les pieds d’étoffe avec reprises ordinaires.

Un jeu de cimballes de trois tuyaux sur marche lesquels seront les corps d’étain et les pieds d’étoffe avec ses reprises ordinaires.

Un jeu de trompette dont les tuyaux seront les corps d’étain et les pieds d’étoffe et garni de leurs tuyaux seront les corps d’étain et les pieds d’étoffe et garni de leurs noyaux, hanche et languette (sic).

Un jeu de cromhorne dont les tuyaux seront les corps d’étain et les pieds d’étoffe garnis de leurs noyaux, hanches et languette.

Un jeu de voix humaine dont les tuyaux seront les corps d’étain et les pieds d’étoffe garnis de leurs noyaux, hanche et languette.

Sera fait un sommier de grandeur convenable pour recevoir à leur aise tous les jeux mentionnés ci-dessus et garnis de ses registres, chappes, soupapes et faux sommiers, le tout de bon bois de chesne d’Hollande sans aucun deffaut.

PEDALE

Sera fait un jeu de huit pieds couverts dont les tuyaux seront de bois de chesne d’Hollande, lequel commencera en C sol ut en bas jusqu’à Ef ut fa au dessus de la clé de g ré sol, c’est à dire trente touches.

Un jeu de quatre pieds ouvert de pareille étendue que celle de huit, dont la première octave des basses sera de bois de chesne d’Hollande et les dessus seront d’étoffe.

Un jeu de trompette dont les tuyaux seront les corps d’étain et les pieds d’étoffe garnis de leurs noyaux, hanche et languette, laquelle sera en ravalement, jusqu’au double a my la et montera jusqu’à Ef ut fa au dessous de la clé de gé ré sol, c’est à dire trente trois touches.

Un jeu de clairon dont les tuyaux seront les corps d’étain et les pieds d’étoffe, garnis de leurs noyaux, hanche et languette, laquelle sera de pareille étendue que la trompette.

Sera fait deux sommiers de grandeur convenable pour recevoir à leur aise les jeux des pedalles mentionnés cy dessus, lesquelles seront garnis de leurs registres, chappes, souspapes et faux sommiers, le tout de bon bois de chesne d’Hollande et sans aucun deffaut.

TROISIEME CLAVIER

Sera fait un Cornet de récit de cinq tuyaux sur chaque touche, le tout d’étoffe, lequel commencera à la clef de C sol ut jusqu’au De la ré tout en haut, c’est à dire vingt sept touches. Un jeu de trompette de récit de pareille étendue que le cornet cy dessus, dont les tuyaux seront les corps d’estain et les pieds d’estoffe garni de leurs noyaux hanche et languette lesquels cornet et trompette de récit prendront leur vent des sommiers du grand orgue.

QUATRIEME CLAVIER

Sera fait un cornet d’écho de cinq tuyaux sur chaque touche, lesquelles seront d’étoffe et de pareille étendue que le cornet du Récit.

Sera fait un sommier de grandeur convenable pour poser ledit cornet, lequel sera de bois de chesne d’Hollande sans aucun deffaut.

Sera fait quatre claviers de cinquante touches chacun dont les tons naturels seront plaqués d’os et les fintes seront d’ébène.

Sera fait un clavier de pédalle composé de trente trois touches, lequel sera fait de bon bois de chesne.

Sera fait quatre soufflets de sept pieds de long sur quatre pieds de large, dont les éclisses seront garnis de cuir et parchemin tant dedans que dehors, en sorte qu’ils soient bien solides et garny de leurs bascules et dépendances.

Sera fait générallement tous les mouvements bassecules et abrégé nécessaire pour que tous les registres tire et pousse (sic) facillement et que les claviers soient bien doux.

Sera fait tous les portevents tant de bois que conduire le vent dans tous les sommiers que ceux d’étoffe pour conduire le vent dans les tuyaux des montres et ceux de vois de tout l’orgue.

Le facteur s’engage de fournir tous les matériaux nécessaires pou la construction dudit orgue concernant l’art de la facture, comme aussy la ferrure qui le concerne et de rendre ted. Ouvrage d’une belle disposition d’une bonne harmonie et bien d’accord aux dire d’experts dont les parties cy après nommées conviendront.

Furent présens Mr Jacques Barthélémy (sic) Eelbabroise, prestre docteur en Sorbonne, curé de la paroisse de Saint Louis en Lisle, y demeurant rue Saint Louis, Mr Jean François Ogier Chevallier, conseiller du Roy en ses conseils, président au Parlement, demeurant à paris, Cité Notre-Dame, quay Danjou, paroisse Saint Louis. Mr Philippe Jean Bourgoin, procureur au Parlement, demeurant à Paris Isle Notre Dame, Quay d’Orléans, paroisse St Louis et Sr Claude Carré, marchand bourgeois de Paris y demeurant susdite isle, rue t paroisse, marguilliers de présent en charge de l’œuvre et fabrique de la dite paroisse, autorisés à l’effet des présentes par délibération des vingtième septembre dernier étante au cahier des Délibérations desdits sieurs Marguilliers dont la première reçue par Monnerat, notaire, est du onze avril mil six cent quatre vingt quatorze, et sieur François henry Lesclop, maître facteur d’orgue à Paris y demeurant rue des Prêtres et paroisse Saint Paul d’autre part.

Lesquelles parties sont convenues de ce qui suit.

C’est à scavoir que ledict Sieur Lesclop permet et s’oblige de faire et parfaire et livrer les ouvrages contenus au devis et marché cy dessus et autres parts et conformément à iceluy dans le jour de Toussaint mil sept cent quarante six, moyennant la somme de sept mille livres que les. Sieurs curé et marguilliers… promettent et s’obligent en leur qualité payer aud. Sieur Lesclop en quatre payement égaux d’année en année dont la première se fera d’huy en un an, le second dans deux ans et ainsy continuer jusqu’en fin de payement de la somme de sept mille livres. Et en outre lesdits sieurs Curé et Marguilliers esd. qualités cède et abandonne aud. sieur Lesclop l’ancien orgue, son buffet qui le renferme et ses soufflets pour par luy enlever le tout lorsqu’il aura posé le nouvel orgue, à l’exception néanmoins du positif apparent qui n’est pas joint audit orgue, lequel positif restera pour être accordé et joint audict orgue nouveau que led. Sr Lesclop s’oblige de faire.

Et pour l’exécution des présentes, les parties ont élu leur domicile…

Fait et passé à paris en l’étude, le vingt novembre mil sept cent quarante quatre avant midy et ont signé ces présentes :

Delabroise, curé

Sr Bourgoin, Ogier, F. H. Lesclop, Carré.

(En marge :)

Le vingt quatre avril mil sept cent quarante cinq est comparu par devant les notaires à Paris soussignés le sieur Lesclop nommé au devis et marché…, lequel reconnaît qu’il luy a été dellivré et qu’il a enlevé l’ancien orgue, son buffet qu’il renfermait et ses soufflets, le tout a luy abandonné par le devis et marché dont il quitte et décharge la dite œuvre et fabrique.

Fait et passé à Paris en l’étude, ledit jour et a signé : LESCLOP.

Devis et marchés des ouvrages de menuiserie et de sculpture en bois qui doivent se faire pour la construction dudict orgue de la paroisse Saint Louis.

MENUISERIE

Premièrement sera fait un buffet de trente six pieds de haut ou environ, scavoir le pied d’orgue de treize pieds de hauteur depuis la bare jusqu’en bas, les montants de lambris seront assemblés à grand cadre de cinq pouces de proffil, la traverse du haut sera ceintré portant l’espoisseur convenable pour les ornements, les panneaux auront un pouce d’espoisseur et baré par derrière ; les battis auront un pouce et demy d’epaisseur. Au dessus du clavier sera fournie une forte masse de bois de la largeur et épaisseur de la tourelle pour faire des testes de chérubins. Aux deux costés sera fait et fourny deux palmiers de treize pieds de hault, scavoir le corps du palmier de onse pouces de large sur huit poulces d’époisseur, et le haut de la largeur et époisseur de la tourelle.

Le bastis du pied d’origine sera supporté par huit montant de quatre pouces sur deux poulces et demy d’époisseur assemblé et avec des traverses de même grosseur.

Sera lambrissé les cotés de l’orgue de toutte la hauteur assemblé à petit cadre pris dans l’épaisseur du bois, lesquels montans et traverses auront douze à quatorze lignes d’époisseur.

Sera construit une porte pour la commodité du facteur d’orgue du coté gauche en regardant du buffet en face.

Au dessus du pied d’orgue sera fourny cinq tourelles et quatre plattes faces conformes au dessein et au profil qui seront donnés.

Pour la grande tourelle, les montants auront quinze pieds et demy de hault sur cinq poulces de large et trois pouces et demye d’époisseur.

La corniche aura deux pieds de haut sur un pied de large et six pieds de profondeur.

Les clairvoyes seront fournies et ceintrées suivant la tourelle, sera fourny le bois pour faire un groupe de deux anges au dessus de la tourelle et les bois pour les nuées.

Les montans des tourelles des côtés auront douze pieds de haut, quatre poulces et demy de large, trois pouces d’époisseur ; la corniche aura vingt et un poulces de proffil à neuf pouces d’époisseur et pareils six pieds de profondeur sur les deux tourelles. Seront fournis les bois nécessaires pour faire les anges, les clervoys et les nuées.

Pour les deux tourelles basses, les montants auront quatre pouces de large, deux poulces et demy d’époisseur, de neuf pieds de haut, garnis de clervois et corniches de quatre pieds et quatre de long sur vingt et un poulces de proffil.

Sera fourny le bois nécessaires pour les deux troffées, comme aussy seront fournis tous les bois pour les plattes faces et le bois des cartels.

Les montans du derrière seront de trois pouces sur deux poulces et demy d’époisseur. Les traverses des sommiers seront assemblés dans les traverses du battis. Tous les dessus des tourelles seront fermés ; les costés en descendant les tourelles seront assemblés avec panneaux. Tous les bois seront de chesne bien conditionnés et bien rabottés jusqu’au vif et sans aubier ny pourriture qui soit apparente ny qui puisse faire aucun tort à la construction du buffet et sans nœuds vicieux.

Sera fait un escalier droit de treize pieds de haut garny de vingt et une marches et contremarches, les lambourdes de huit pouces de haut sur champ.

Un marche pied entre le grand orgue et le positif de neuf pieds de long sur deux pieds et demy de large ou environ.

Le siège de l’organiste.

Le rétablissement du petit positif.

Et les portes derrière led. petit positif.

Plus le menuisier sera chargé de faire peindre le vernis de la totalité de la menuiserie et sculpture.

Tous lesquels ouvrages seront conformes au dessein et sujet à visitte par gens connaisseurs et à la réception par Mr Desbreils, architecte juré expert.

SCULPTURE DES BOIS

Premièrement au commencement de la tourelle du milieu sera faite une groupe (sic) de deux enfants dont l’un battant la mesure d’une main et de l’autre tenant un livre de musique, et l’autre enfant jouant de la basse de viole, groupé sur des nuées.

Plus sera fait sur les deux tourelles de chaque coté dont les deux grandes seront couronnées chacune d’un enfant groupé sur des nuées, chaque enfant jouant d’un instrument, scavoir une de la flute allemande et l’autre de la basse sur la hauteur de quatre pieds.

Plus sur les deux petittes tourelles seront couronnées chacune d’un troffé composé de plusieurs instruments de musique liés et groupés d’une branche de palme et bouquet de laurier.

Plus la grande tourelle du milieu sera ornée par le haut et les cotés pour clairvoir sur des compartiments de feuilles d’accante et volute et feuille refends et agraffe duquel sortira de chaque coté une chute de bouquet de laurier entrelassant les ornements, les tourelles des cotés pareillement ornées.

Plus le pied d’orgue sera orné de deux palmiers soutenant les tourelles de chaque coté, enrichy chacun d’une guirlande de fleurs.

Plus au lieu de la grande tourelle du milieu seront faittes deux testes de chérubin en forme de cul de lampe groupées dans des nuées.

Plus seront faites deux grandes traverses cintrées à oreilles pour enfermer le haut des panneaux, composés chacune d’un rocaille enrichy de canneau et revers de feuilles pour oreilles.

Plus dans le milieu de chaque traverse un grand cartel composé d’un miroir en forme d’oval dans lequel sera gravé deux aisles (sic pour : deux l.).

Au pourtour du miroir encirchy de rocailles et rinceau de moulure qui agraffe la grosse moulure du cadre.

Par le haut du cartel, une volute garnye d’une feuille refendue et des fleurs répandus sur les cotés et une chute de fleurs tombantes en contre bas.

Tous lesquels ouvrages seront faits… conformément au dessein et sujets à visitte par gen connaisseur, et à la réception par Mr Desboeufs, architecte juré expert.

Furent présents Mr J.P. Ogier…, Ph. Jean Bourgoin, Cl. Carré… tous marguilliers…, et Sr Raymond Lechien, Me Menuisier à Paris, y dem, rue de Meslé, par. St Nicolas des Champs, et Sr Germain Merchandon, maitre sculpteur, dem. A Paris rue de Meslée… Lechien et Merchandon promettent… de faire… les ouvrages concernant chacun d’eux… Moyennant scavoir, pour le sieur Lechien 2400 l… Ledit Lechien fera faire la peinture et verny par le peintre qu’il choisira, fournira led. Lechien tous les bois générallement quelconques qui seront nécessaires dans le cas ou tout ne se trouverait pas exprimé aud. devis, et relativement aux besoins de sculpteur et de facteur, le tout pour ce qui le concerne seulement, sans pouvoir prétendre un prix plus considérable que lad. somme de 2400 l. soit à cause de lad. augmentation soit parce que les bois seraient de plus grande épaisseur, largeur et hauteur ou pour telles autres causes et raisons qui se puisse être à condition que toutte la ferrure, maconnerie et autres choses nécessaires qui ne seront point du fait du menuisier seront fournis par lad. fabrique de St Louis.

Et pour led. sieur Marchandon moyennant la somme de 1200 l.

Faut à Paris le 16 mars 1745.