DEFI06

Défi de décembre 2004:

"Parmi toutes les traces que nous laissons, lesquelles aimerions-nous garder ?"

Commentaire de Pascal Freleteau, professeur de philosophie

Se demander quelles traces nous voudrions garder c'est se demander ce qui est important dans la vie, suffisamment important pour qu'on veuille le prolonger hors de soi, hors de son temps, dans le souvenir, dans le regard d'autrui.

Les réponses soulignent d'abord l'importance des relations affectives, des émotions et des sentiments avec la famille, les amis, les animaux. Il est remarquable que ce soit ainsi le lien affectif qui relie les individus entre eux et qui doive être préservé dans le temps, comme lien entre les générations.

La préservation du savoir, de la connaissance est également un thème important. Mais le savoir rejoint ici l'affectif car il s'agit "d'aider nos enfants plus tard" (Lanouaille) et de laisser des traces "pour ceux qui nous succèderont" comme ceux du passé nous en ont laissé (Limeyrat).

Le caractère subjectif et vivant de ce qui devrait subsister est tel qu'il met en cause la possibilité d'un choix rationnel "on ne peut choisir, trier des traces pour les garder, car elles sont trop personnelles" (Romain CM2)

Les "traces" dont il est question ici ne sont donc pas, essentiellement, des traces matérielles, désincarnées, mais des souvenirs vivants et sensibles faits de "plaisir", "bonheur", de choses "heureuses" mais aussi de ce qui a "choqué" (Romain CM2) . C'est le vécu subjectif qui apparaît bien comme précieux et digne d'être transmis "dans le coeur de ceux qu'on laisse" (Bouniages).

L'interrogation du CE1 A. Boissière <<qui est "nous"?>> soulève ainsi le mystère de l'intersubjectivité, de ce qui relie les individus entre eux et leur permet de partager leurs émotions.

Aussi courte soit-elle la contribution de la maternelle de Marsac exprime l'étonnement dans une distinction essentielle entre "traces d'animaux" et "pieds, mains", c'est-à-dire l'homme. Distinction qu'on peut faire remonter à la préhistoire et qui constitue tout à la fois un domaine de recherche pour la connaissance et une source d'émerveillement pour la vie sensible et affective.

Tenir sur ses pieds et se servir de ses mains est ce qui permet à l'homme de ne pas laisser que des "traces d'animaux" mais de transmettre ses sentiments et de témoigner de sa vie affective.