DEFI04

Défi de février 2004

"Un autre monde est-il possible ? "

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Commentaire de Pascal Freleteau, professeur de philosophie

Vaste question qui, dans sa formulation, recèle quelques difficultés bien mises à jour dans les contributions.

D'abord se demander si "un autre monde est possible" présuppose une certaine insatisfaction à l'égard de celui-ci, la nécessité d'un autre monde semble

admise et c'est la possibilité d'y parvenir qui fait problème.

Toutes les contributions présentent d'abord (voire exclusivement pour certaines) des idées assez précises sur ce qu'il faudrait changer, elles

confirment que les élèves sont d'accord avec le présupposé : ce monde est injuste ; on pourrait croire, du coup, qu'elles ne sont pas véritablement

dans le sujet, qu'elles traitent plus de ce qui est souhaitable que de ce qui est possible ( Les Eyzies : "il faudrait..", Meyrals : "Accepter...", Les Romains : "Arrêter...", Bouniagues "Agir...").

Cependant de telles recommandations témoignent en fait d'un principe fondamental : ce sont les

choix des hommes qui font que le monde est ce qu'il est, et les hommes ont toujours la capacité de faire d'autres choix. Les enfants sur ce point

n'hésitent pas : l'homme est responsable. Cette responsabilité éclate d'ailleurs au grand jour dans la deuxième proposition de Limeyrat : c'est

possible "si tout le monde s'y met. Mais certains ça les arrange que le monde soit comme il est". Proposition qui, du même coup, signale que ce qui

était présupposé dans le sujet ne va pas forcément de soi pour tout le monde, certains ne se demandent pas si un autre monde est possible parce que

celui-ci ne leur va pas trop mal.

La responsabilité humaine, impliquée dans les propositions concernant le respect des autres et de la nature, est soulignée également par l'idée (qui

apparait dans plusieurs contributions : Limeyrat, Lanouaille, Bouniagues) que l'homme peut construire d'autres mondes (sous l'eau, dans l'espace, sur

une autre planète ou une île déserte) : il transforme son milieu ou le réinvente, ainsi l'homme n'est pas le "jouet" des forces de la nature, il crée son destin.

Visiblement, pour les jeunes générations, si le problème de la possibilitéd'un autre monde se pose, ce n'est pas sur le plan technique, c'est dans la

nature humaine. On voit alors apparaître une question philosophique fondamentale : la nature humaine est-elle irrémédiablement faillible, de

telle sorte que toute tentative de changement radical est voué à l'échec (même en recommençant à zéro sur une autre planète comme cela a été suggéré

à Bouniagues) ou bien les défauts de la conduite humaine résultent-ils des aléas de l'histoire, de telle sorte qu'un nouveau départ reste envisageable? (Cf "l'île déserte" évoquée à Limeyrat).

Ce qui est intéressant, et admirable, c'est que la perception de cette difficulté n'altère pas le désir de changement, or c'est en ayant

conjointement conscience de la grandeur et de la faiblesse de l'homme quel'on peut rendre possible un autre monde, en évitant conservatisme et

misanthropie sans tomber dans un volontarisme aveugle et fanatique.

Ce qui peut, peut-être, soutenir l'espérance en nous assurant qu'un autre monde est possible, c'est que nous sommes déjà dans un autre monde par

rapport à celui des générations précédentes, un monde, par exemple, où les droits de l'enfant existent (même s'ils ne sont pas toujours respectés),

alors que, pendant des millénaires les enfants n'avaient aucun droit.