L'anesthésie pédiatrique a parcouru un siècle et demi de combats.
Initiée en 1846 et adoptée en France par Guersant (1847), elle fut longtemps dominée par l'appareil d'Ombredanne (1907).
La rupture survient en 1950 avec Michel Bourgeois-Gavardin, qui impose l'intubation et les circuits «sans rebreathing», permettant l'essor de la chirurgie néonatale et la création de l'ADARPEF (1979).
L'histoire de l'anesthésie chirurgicale moderne débute en 1846 à Boston avec les travaux des dentistes américains Wells et Morton, ce dernier réalisant la première anesthésie chirurgicale réussie à l'éther le 16 octobre 1846. Si Crawford William Long utilisait déjà les vapeurs d'éther dès 1842 en Géorgie, il ne l'avait pas rendu public. Dès son arrivée en Europe, la technique est adoptée, notamment par Liston à Londres le 21 décembre 1846, qui ampute sans douleur la jambe d'un jeune garçon de ferme sous anesthésie à l'éther sulfurique.
En France, bien que Morton ait suggéré de ne pas utiliser l'éther chez l'enfant de moins de deux ans, l'anesthésie pédiatrique trouve rapidement ses pionniers. Dès 1847, Paul Louis Guersant, chirurgien à l'Hôpital des Enfants Malades à Paris, publie la première observation d'une anesthésie à l'éther pratiquée sur une enfant de 12 ans. Guersant, qui se vante d'avoir pratiqué lui-même entre 5 000 et 6 000 anesthésies générales, utilisait un mélange chloroforme/éther à parties égales. Son successeur, Louis Alex de St Germain, adepte du chloroforme après son utilisation sur la Reine Victoria par Snow en 1853, avoue avoir pratiqué plus de 10 000 anesthésies. Il décrit sa méthode "sidérante" et distingue des stades d'anesthésie, annonçant les travaux de Guedel en 1920.
Au tournant du XXe siècle, tandis que les Anglo-Saxons adoptent le concept d'anesthésie comme affaire de médecins, la France reste en retrait. Louis Ombredanne met au point en 1907 un appareil basé sur la réinhalation de l'air expiré. Cet appareil, quoique lourd et d'usage délicat, connaît un succès mondial (hors monde anglo-saxon) et est utilisé tant pour l'adulte que pour l'enfant de deux ans et moins. L'anesthésie est alors souvent confiée aux externes ou aux infirmières. Ombredanne décrit sans solution le terrible « syndrome Pâleur et Hyperthermie » chez les enfants opérés, notamment des fentes palatines, avec des pics de température fatals entre 40 et 42 degrés.
La véritable modernisation arrive en France après la Seconde Guerre mondiale, inspirée par les progrès américains (intubation trachéale, apparition de curares). En 1950, l'arrivée de Michel Bourgeois-Gavardin aux Enfants Malades marque un tournant. Ayant étudié à Montréal, il condamne définitivement l'appareil d'Ombredanne et le circuit fermé, privilégiant le circuit « sans rebreathing », mieux adapté à la physiologie néonatale. Cette révolution technique, notamment l'utilisation de valves comme la Digby Leigh, impose l'intubation trachéale et permet le développement spectaculaire de la chirurgie pédiatrique et néonatale. L'anesthésie pédiatrique commence alors à s'institutionnaliser, menant à la création de l'ADARPEF en 1979, soulignant sa reconnaissance comme spécialité. Cependant, même à l'aube du XXIe siècle, l'anesthésie pédiatrique peine encore à obtenir partout en France le statut de Département indépendant, dépendant souvent d'un service d'anesthésie pour adultes.
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